La fuite en avant

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[CHRONIQUE]
Récemment, le Conseil scolaire de district catholique de l’Est ontarien a choisi d’emprunter une avenue pour le moins obscure pour les Franco-Ontariens : celle du baccalauréat international (BI). La conséquence? On apprendra désormais aux bambins l’anglais dès la maternelle afin qu’ils puissent être certifiés « bilingues » dès l’âge de 12 ans.

SERGE MIVILLE
Chroniqueur invité
@Miville

Véritable fantasme du fétichisme bilingue, ce conseil scolaire cherche à flatter encore plus son chauvinisme en diplômant des enfants certifiés bilingues ISO 9001. Or, cherchez moi, en Ontario français, un francophone unilingue. Les statistiques affirment que près de 89% des Franco-Ontariens sont bilingues.

Le raisonnement de ce conseil scolaire s’explique par une éternelle lutte pour la légitimité et une bataille pour les élèves. Le capital symbolique qu’apporte le BI paraît important, quoiqu’il soit complètement déconnecté de la réalité sur le terrain. Alors que le BI peut être intéressant en Europe, ses coûts et le prestige relié – c’est un des arguments de l’organisation du moins – n’en valent pas la peine.

La situation sur le terrain d’ailleurs offre d’autres raisons pour se rebeller contre cette imbécile décision de ce conseil scolaire. L’Ontario français est, difficilement, une société d’accueil pour des milliers d’immigrants francophone en Ontario. De plus, cette société doit toujours combattre les transferts linguistiques (ce qu’on appelait jadis l’assimilation avant que les sociolinguistes nous proscrivent ce terme) de ses propres rangs vers l’anglais.

 

Bonne conscience?

La situation est telle qu’on a une vie en anglais partout à l’extérieur des salles de classes – en commençant par la cour de récréation. Au final, les élèves munis d’un diplôme d’études secondaires et qui entrent à l’université n’arrivent pas à conjuguer leur auxiliaire avoir. Voilà qu’on juge opportun de les angliciser davantage avec des programmes bidon importés d’Europe et qui ne reflètent par la société dans laquelle nous vivons.

En croyant à la qualité supérieure de l’accréditation, on refuse l’autocritique nécessaire pour se demander si les élèves franco-ontariens dans la situation actuelle bénéficieront réellement d’une telle approche.

On ignore d’ailleurs les coûts d’une telle accréditation des écoles au BI. Mais les parents qui y croient se payeront bonne conscience en effectuant une fuite en avant, croyant qu’ils ouvrent tant de portes à leur enfant. Le fait est qu’il est possible de réussir en Ontario français et à l’international sans avoir à adhérer à des programmes d’accréditation qui ne font que flatter l’égo.

L’internationalisme qu’on se targue de vouloir intégrer relève surtout d’une maladive impression d’illégitimité de notre système d’éducation. Au lieu de traiter les sérieuses carences dans notre enseignement, ce conseil scolaire propose plutôt de se cacher derrière le « bien » fondamental qu’est une accréditation si chauvine.

Il faut se croire petit, mais très petit, pour emprunter la voie du Conseil scolaire de district catholique de l’Est ontarien.

 

Serge Miville est candidat au doctorat en histoire à l’Université York.

Note : Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position de #ONfr et du Groupe Média TFO.