Bill Blair, la recrue controversée

[CHRONIQUE]
La circonscription de Scarborough-Southwest, à Toronto, semble être dans la mire du Parti libéral du Canada alors que l’ancien chef de police de la métropole, Bill Blair, une figure bien connue de la ville, se présente contre le néo-démocrate Dan Harris. Jeune député de 36 ans, ce dernier a raflé le siège aux libéraux au cours du scrutin de 2011. Trudeau a sorti les canons lourds en recrutant une figure controversée pour représenter les couleurs des libéraux dans cette région fortement multiculturelle et ayant des disparités économiques importantes. Mais le choix de Blair paraît curieux compte tenu de son parcours dans les forces policières de Toronto.

SERGE MIVILLE
Chroniqueur invité
@Miville

La circonscription de Scarborough-Southwest, à Toronto, semble être dans la mire du Parti libéral du Canada alors que l’ancien chef de police de la métropole, Bill Blair, une figure bien connue de la ville, se présente contre le néo-démocrate Dan Harris. Jeune député de 36 ans, ce dernier a raflé le siège aux libéraux au cours du scrutin de 2011. Trudeau a sorti les canons lourds en recrutant une figure controversée pour représenter les couleurs des libéraux dans cette région fortement multiculturelle et ayant des disparités économiques importantes. Mais le choix de Blair paraît curieux compte tenu de son parcours dans les forces policières de Toronto.

Le vieux routier, Blair, est notamment un des principaux artisans de la sécurité autour du G20 qui s’est déroulé à Toronto en 2010, et dont les souvenirs sont amers. Rappelons que plusieurs témoignages ont rapporté l’existence d’escouades secrètes qui maraudaient et arrêtaient des manifestants jugés problématiques. L’utilisation de la police montée a aussi suscité la controverse, étant une tactique de brise grève adoptée au 19e siècle, notamment durant l’émeute de Peterloo en Angleterre ou utilisée dans les romans d’Émile Zola. L’aventure transforma le centre-ville de Toronto en véritable zone de guerre. Le coût total était de 1.8 milliard, et la brutalité a été véritable.

Outre cet événement ponctuel, Blair a augmenté les contrôles d’identités (carding) dans les quartiers les plus défavorisés de la ville où de nombreux citoyens de race noire habitent. Cette pratique nous rappelant la discrimination raciale systémique qui se produit dans de nombreux États de notre voisin du sud n’a rien fait pour construire un sentiment de confiance entre les communautés défavorisées et la police de Toronto. Récemment, le maire de la ville, John Tory, a critiqué la pratique et a exigé la fin du « fichage ».

 

Un bilan nuancé

Bill Blair, le chef de police, a même confirmé l’existence du profilage racial dans les forces de police de la métropole. Il a défendu la pratique qu’il juge être un excellent outil pour combattre la violence et le crime. La Commission des Services policiers de Toronto avait même exigé du chef de police qu’il applique des modifications à ce système, ce qui n’a malheureusement pas été fait lors de son séjour comme chef de police.

Mais il faut donner à César ce qui revient à César. À titre de chef de police, Bill Blair peut s’enorgueillir d’un déclin important des crimes violents et des homicides dans la ville de Toronto, et ce, avec moins de policiers en uniforme. Les minorités visibles composent désormais près de 24 % des forces policières alors qu’ils n’étaient que 19,7 % lors de son arrivée. Cette amélioration est minime, mais reste une bonne nouvelle dans une ville où la population est majoritairement immigrante. Malheureusement, le nombre de femmes dans les forces a, quant à lui, presque stagné.

Les libéraux ont grand espoir que l’ancien chef, originaire de la circonscription, puisse la récupérer aux mains des néo-démocrates. Mais Blair est une figure controversée. Il nous donne une idée de la vision « trudeauiste » du pays, le même parti qui a appuyé C-51, une loi qui rappelle le Patriot Act de 2001 avec des pouvoirs exceptionnels d’espionnage pour les services secrets de l’État.

La bataille de Scarborough-Southwest sera extrêmement intéressante. La circonscription a élu un néo-démocrate, tout en votant massivement pour Rob Ford lors des élections municipales. Qui sait de quel côté elle penchera le 19 octobre?

 

Serge Miville est candidat au doctorat en histoire à l’Université York.

Note : Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position de #ONfr et du Groupe Média TFO.