C’est la rentrée pour les parlementaires

Le parlement du Canada, à Ottawa. Archives ONFR+

OTTAWA – Les députés élus le 19 octobre font leur entrée à la Chambre des communes, le 3 décembre, à 13h. Après neuf années de gouvernement conservateur, les libéraux de Justin Trudeau prennent la relève et suscitent beaucoup d’attentes, notamment de la part des communautés francophones en situation minoritaire. L’opposition entend surveiller le respect de leurs engagements dans ce dossier.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« Les libéraux ont fait beaucoup de promesses pendant leur campagne en matière de Langues officielles, mon objectif va être notamment de veiller à ce qu’ils les respectent », lance François Choquette.

Le député néo-démocrate de Drummond, au Québec, élu en 2011, a résisté à la vague rouge de 2015. Au sein du Nouveau Parti démocratique (NPD), il aura la tâche de remplacer Claude Gravelle et Yvon Godin, qui ont occupé le poste de porte-parole néo-démocrate en matière de Langues officielles avant lui.

« Je suis vraiment honoré que Thomas Mulcair m’ait fait confiance pour ce poste. C’est un dossier très important pour moi. Yvon Godin a fait un travail remarquable et je vais lui demander des conseils pour être à la hauteur. Il y a de belles choses à faire en matière de Langues officielles car les libéraux ont fait des promesses intéressantes. Il est urgent d’agir! »

M. Choquette se dit prêt à appuyer le gouvernement de M. Trudeau selon les projets présentés. La révision du financement de la Feuille de routes pour les langues officielles ne doit pas attendre, selon lui.

« Le financement a été gelé pendant près de 10 ans et il est donc important qu’il soit rapidement, au minimum, indexé sur le coût de la vie. Le gouvernement doit envoyer un message fort dès le discours du Trône. »

Autre dossier important pour l’élu néo-démocrate, le bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada doit être une priorité.

« Le projet de loi d’Yvon Godin visant à imposer le bilinguisme comme critère de sélection des futurs juges n’a pas abouti sous les conservateurs, je veux le remettre de l’avant. De même, je veux m’assurer que la loi de ma collègue, Alexandrine Latendresse, sur le bilinguisme des agents supérieurs du Parlement, soit bien respectée. »

Bien que ramené au rang de seconde opposition, le NPD n’entend pas rester silencieux.

« Nous allons être une opposition progressiste qui appuiera les projets qui font avancer les droits linguistiques au Canada. Il y a des choses à améliorer dans ce dossier et qui peuvent être faites rapidement. La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, connait bien les dossiers liés au patrimoine et à la culture, mais un peu moins la question des langues officielles. On va lui laisser sa chance et je suis prêt à travailler avec elle. »

Son collègue, Robert Aubin, élu de Trois-Rivières, au Québec, partage la même volonté de travailler avec la ministre Marie-Claude Bibeau, lui qui sera chargé du dossier du Développement international et de la francophonie.

« Le Canada doit valoriser l’apport de la francophonie au niveau international et continuer de jouer un rôle clé au sein de l’Organisation internationale de la francophonie, dont nous sommes le second contributeur. Je veux notamment m’assurer que, lorsque sera venu le temps de rééquilibrer le budget, la francophonie ne sera pas affectée par des coupures. Notre rôle va être de mettre la pression si le gouvernement prend du retard dans ses promesses. »

Un bilan conservateur à défendre

Responsable du même dossier pour le Parti conservateur (PC) du Canada, la députée de Beauport-Côte-de-Beaupré-Île d’Orléans-Charlevoix, au Québec, Sylvie Boucher a été réélue cette année, après avoir siégé de 2006 à 2011, puis avoir été battue en 2011. De retour à la Chambre des communes, elle sera cette fois dans l’opposition officielle.

« C’est un nouveau défi, mais je suis persuadée que nous serons une opposition forte, qui jouera pleinement son rôle de chien de garde des contribuables canadiens. Nous allons être à l’affût et surveiller le gouvernement. J’ai une bonne expérience comme membre de l’opposition puisque je travaillais comme adjointe parlementaire au provincial, de 1998 à 2003, pour l’opposition officielle au Québec (Le Parti libéral du Québec-ndlr). Mon rôle va être de veiller à ce que le Canada occupe toujours un rôle de premier plan en matière de francophonie internationale. »

En matière de Langues officielles, la réplique pour le PC sera portée par Bernard Généreux, un homme d’affaire québécois représentant la circonscription de Montmagny–L’Islet–Kamouraska–Rivière-du-Loup. Élu une première fois lors d’une élection partielle en 2009, M. Généreux avait été défait en 2011, avant de se faire réélire le 19 octobre. Sollicité par #ONfr, celui-ci n’a pas trouvé le temps de répondre à une demande d’entrevue.

En tant qu’ancienne secrétaire parlementaire de la ministre de Coopération internationale, de la Francophonie et des Langues officielles, Josée Verner, de 2006 à 2007, Sylvie Boucher a toutefois son idée sur les priorités de son parti en matière de langues officielles.

« Il y a eu de bonnes avancées sous le gouvernement conservateur car nous avons travaillé en collaboration. Il faut continuer dans cette direction. Certains oublient ce que nous avons fait ou pensent que ce n’était pas assez, mais nous avons soutenu financièrement les communautés minoritaires du mieux que nous le pouvions. Même si on aurait voulu faire plus, nous devions tenir compte de la réalité financière et répondre le mieux possible aux besoins. »

Revoir la Loi sur les langues officielles

Si les déclarations de bonnes intentions se succèdent en ce jour de rentrée parlementaire, du côté du Bloc Québécois (BQ), la lecture de la situation des langues officielles au Canada diffère.

« Le français est menacé au Québec et dans l’ensemble du Canada », lance Mario Beaulieu, l’ancien chef du parti, aujourd’hui critique en matière de Langues officielles et de francophonie. « Je pense que M. Trudeau doit, dès le discours du Trône, rappeler sa volonté de soutenir l’avenir du français au Québec et au Canada. »

Le député de La Pointe de l’Île, qui entame son premier mandat, souhaite que soit rapidement revue la Loi sur les langues officielles.

« La Loi sur les langues officielles est essentiellement cosmétique, mais dans les faits, on assiste à une assimilation croissante des francophones hors Québec et à une baisse de la présence du français au Québec. Je pense qu’il faudrait fixer une obligation de résultats dans la loi. On devrait aussi permettre une gouvernance communautaire, qui pourrait imposer le français comme langue prédominante dans les régions et les territoires où on a une masse critique et où il y a la volonté de le faire. Le Québec devrait pouvoir imposer le français comme seule langue officielle, dans le respect de sa minorité anglophone. C’est le meilleur moyen de protéger le français et ça pourrait aussi s’appliquer à certaines régions hors Québec. »

Si l’ancien président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal reconnaît que sa priorité sera de représenter ses électeurs québécois, il souhaite toutefois ne pas oublier les francophones vivant en milieu minoritaire.

« Il y a un grand manque de services pour eux et je trouve qu’il faudrait revoir le critère de la masse critique pour offrir des services en français. Je ne veux pas dire aux communautés francophones hors Québec quoi faire, mais je veux les appuyer dans leurs demandes et souhaite les rencontrer. Même si nous revendiquons l’indépendance du Québec, les communautés francophones en situation minoritaire sont très importantes pour nous. »