Bilinguisme officiel : Jim Watson n’est pas le seul responsable

Le maire Jim Watson, entouré de certains conseillers municipaux, lors d'une célébration en l'honneure des Franco-Ontariens. Archives ONFR+

[ANALYSE]

OTTAWA – Depuis son élection en 2010, le maire Jim Watson ne cesse de le répéter : la désignation bilingue de la Ville d’Ottawa, c’est non. « Le maire n’est qu’un vote », avait déclaré en septembre, le conseiller municipal Mathieu Fleury, devant les membres du groupe #OttawaBilingue.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Une petite phrase synonyme d’espoir pour les militants francophones désireux de faire enfin d’Ottawa une ville officiellement bilingue. Ce même jour de septembre, un vent d’espoir soufflait : un sondage commandé par le groupe indiquait que 72 % des résidents ottaviens appuyaient le projet.

Mieux encore : on apprenait que la plupart des élus rencontrés par ces militants – un chiffre de douze était même avancé – soutenaient l’approche d’une désignation si celle-ci n’engendrait pas de coûts additionnels ni de pertes d’emploi.

Deux mois plus tard, l’enquête menée par #ONfr montre un résultat plus sombre. À la question envoyée aux conseillers « Appuieriez-vous le bilinguisme officiel de la Ville d’Ottawa si la démarche n’impose pas de coûts additionnels et ne cause pas de pertes d’emploi? », seuls cinq (Mathieu Fleury, Tobi Nussbaum, Jeff Leiper, Catherine McKenney et David Chernushenko) répondent favorablement. Les autres? C’est « non », ou bien une officialisation du statu quo. En d’autres mots, la politique de bilinguisme fonctionne bien ainsi.

Un constat s’impose : l’écart est net entre les réponses obtenues dans les coulisses et celles données aux journalistes. Beaucoup d’élus ne sont pas à l’aise d’afficher leur soutien au bilinguisme officiel sur la place publique.

Les regards se tournent naturellement vers les conseillers des quartiers « francophones » de l’est d’Ottawa, Bob Monette, Stephen Blais, Tim Tierney, ou encore du côté de l’élu francophone d’Alta Vista, Jean Cloutier. Chacun à leur manière repousse sa décision au moment où une motion pour le bilinguisme officiel sera déposée à la table municipale.

Le hic, c’est que l’appui public de ces élus est primordial pour que cette même motion soit déposée. Mathieu Fleury, devenu le (seul?) porte-drapeau de la désignation bilingue autour de cette même table, a fixé à 17 ces soutiens. Le représentant de Rideau-Vanier sait que cette motion a besoin d’une forte légitimité d’entrée, afin de ne pas diviser le conseil, et rouvrir la boite de Pandore d’une guerre linguistique.

À force de trouver des échappatoires pour ne pas se prononcer, certains conseillers font in fine beaucoup plus de mal à la communauté francophone que d’autres tout simplement opposés au projet. Marianne Wilkinson, la doyenne du conseil municipal, n’a pas peur de dire « non » et d’argumenter sa réponse. Ses raisons? Le français est une langue parmi d’autres dans son comté. C’est contestable, mais c’est son droit de l’affirmer. Les militants savent au moins à quoi s’en tenir.

Manque de courage politique? Peur du ressac de certains résidents? Crainte de la réaction de Jim Watson? Les raisons sont diverses pour expliquer la dérobade de certains conseillers.

Le fameux backlash d’une frange conservatrice de la communauté anglophone est pourtant une réalité. Combien sont-ils? Difficile à évaluer. Mais cet échantillon de population est bruyant. Leurs commentaires visibles çà et là à la suite d’articles de journaux anglophones parviennent sans doute plus souvent aux élus qu’un appui de francophones ou francophiles d’Ottawa non-militants. Où sont ces « francophones moyens »?

En 1997, des milliers de francophones avaient défilé contre la fermeture de l’Hôpital Montfort. Faudra-t-il en arriver là pour obtenir la désignation bilingue de la capitale du Canada. Jim Watson, avec ses qualités et défauts, n’est aujourd’hui pas le seul responsable de la lenteur du dossier. Plus que jamais, les francophones ont leur destin en main.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit le 26 novembre