Bilan 2015 : année de luttes pour la francophonie canadienne

Le parlement fédéral à Ottawa. Archives ONFR+

L’année 2015 tire à sa fin et l’équipe d’#ONfr fait le bilan de l’actualité qui a marqué le dernier calendrier sur la scène politique et dans la francophonie canadienne. Voici ce qui a retenu l’attention au niveau national.

UN CHIFFRE

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Comme le nombre de plaintes déposées auprès du Commissaire aux Langues officielles du Canada, en 2015, concernant le manque de financement des médias communautaires francophones. Les plaignants reprochent au gouvernement fédéral de ne pas respecter ses obligations d’appuyer le développement et l’épanouissement des communautés de langues officielles en situation minoritaire, prévues dans la partie VII de la Loi sur les langues officielles du Canada, en n’assurant pas un financement stable aux médias minoritaires.

Alors que la sénatrice franco-manitobaine, Maria Chaput, a répété à plusieurs reprises sa demande d’aide aux journaux francophones en situation minoritaire, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a joint sa voix à celles de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, de l’Association de la presse francophone (APF) et de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE) pour demander la mise en place d’un programme pour venir en aide aux médias de communautés francophones en situation minoritaire. En 2015, les journaux L’Express Ottawa, en Ontario, et L’Eau Vive, en Saskatchewan, ont tous deux cessé leur publication papier pour des raisons financières et ne sont désormais présents que sur Internet.

UNE CITATION

« On voudrait tuer la francophonie à petit feu, éliminer nos communautés par attrition, qu’on ne s’y prendrait pas autrement. »

Lorsque la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada de l’époque, Marie-France Kenny, prend la parole le jeudi 26 mars devant le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, l’émotion l’emporte au moment d’évoquer l’immigration francophone hors Québec. Loin de la cible de 4,4 % d’ici 2023 fixée par le gouvernement, l’immigration francophone n’atteindrait que 1,35 % de janvier à mars 2014, selon les chiffres de Citoyenneté et Immigration Canada. La fin du programme Avantage significatif francophone, en 2014, a laissé des traces et Mme Kenny rappelle le gouvernement fédéral à ses devoirs et reproche au programme mis en place, Entrée express, de ne pas avoir de « lentille francophone » sensée encourager les immigrants francophones à choisir des communautés francophones en situation minoritaire pour s’établir. Le dossier de l’immigration reste un chantier important pour la FCFA qui attend beaucoup du nouveau gouvernement libéral.

UNE PERSONNALITÉ

Gilles Caron
Il incarne à lui seul 12 ans de bataille juridique, menée avec Pierre Boutet, pour faire reconnaître que l’Alberta doit légiférer dans les deux langues officielles du Canada. Mais finalement, le 20 novembre, six juges de la Cour suprême du Canada ont rejeté les arguments des avocats de MM. Caron et Boutet, contre trois leur ayant donné raison. Se basant sur la Proclamation royale de 1869, les listes des droits et le Décret en conseil sur la Terre de Rupert et du Territoire du Nord-Ouest du 23 juin 1870, les avocats des deux Franco-Albertains souhaitaient que soit reconnue l’obligation pour l’Alberta d’édicter, d’imprimer et de publier ses lois et ses règlements en français et en anglais.

Cette obligation aurait été spécifiée, selon eux, lors du rattachement de la Terre de Rupert et du Territoire du Nord-Ouest à la Confédération canadienne, en 1870. Une décision favorable à MM. Caron et Boutet aurait pu modifier le caractère unilingue de l’Alberta, déclaré en 1988, mais aussi de la Saskatchewan. « Estomaqué », selon ses propos, le président de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), Jean Johnson espère que le gouvernement néodémocrate de Rachel Notley saura faire un geste en direction des Franco-Albertains afin d’obtenir plus de services en français.

UN LIEU

Winnipeg
Ils se seront fait désirer mais après 16 ans au pouvoir, les néo-démocrates manitobains ont finalement décidé de passer à l’action pour leur communauté francophone. Premier ministre depuis 2009, Greg Selinger a déposé un projet de loi sur les services en français, le 24 novembre, affirmant, dans une déclaration bilingue : « Le projet de loi établit le cadre nécessaire en vue de favoriser l’épanouissement de la francophonie manitobaine ». La loi vise à offrir un cadre juridique à la politique sur les services en français déjà en place depuis 1989, et reposant sur le concept d’offre active dans les régions désignées bilingues. La perspective d’élections provinciales au printemps 2016 pourrait toutefois écourter la joie des 42000 Franco-Manitobains puisque le projet de loi risque de mourir au feuilleton.

UNE DATE

19 octobre
Les sondages ne l’annonçaient pas nécessairement comme le favori, mais dans une campagne électorale longtemps indécise, c’est finalement Justin Trudeau qui est sorti grand vainqueur des élections fédérales du 19 octobre en devenant le 23e premier ministre du Canada. Dans une campagne longue et parfois insipide, les électeurs ont donné au Parti libéral du Canada une majorité au Parlement avec 184 sur 338 députés. Dans l’Est du pays, la vague libérale a emporté toutes les circonscriptions de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve-et-Labrador et de l’ile du Prince-Édouard. Chargé de relancer un parti moribond marqué par le scandale des commandites, Justin Trudeau a réussi son pari, celui d’incarner le changement.

Tout au long de la campagne, il a martelé que sa priorité serait de servir la classe moyenne, un concept flou mais finalement efficace. Le nouveau premier ministre a tout de suite voulu imprimer sa marque en arrivant à la résidence du gouverneur général à pied lors de son assermentation et en instaurant la parité dans son cabinet, soit 15 hommes et 15 femmes. Le député de Papineau, au Québec, a fait de nombreuses promesses et suscite beaucoup d’enthousiasme, notamment chez les francophones en milieu minoritaire. L’année 2016 permettra de savoir s’il est capable de les tenir.