Alfred : l’Ontario renvoie la balle « aux collectivités »

Le Collège d'Alfred.

TORONTO – Le gouvernement libéral de l’Ontario renvoie la balle « aux collectivités locales » pour assurer « la propriété » et « maximiser le potentiel économique » sur le long terme du collège agricole d’Alfred, dans l’est de la province.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

La province a fait connaître sa décision sur l’avenir du seul établissement francophone d’enseignement agricole sur son territoire par le biais d’un bref communiqué, le vendredi 30 janvier. Elle assure que la cohorte actuelle d’étudiants au collège d’Alfred finira ses études et que l’établissement acceptera les admissions de nouveaux étudiants pour l’année universitaire 2015-2016.

« L’Ontario adopte maintenant des mesures pour aborder l’avenir de l’éducation en agriculture, (notamment) aider les collectivités locales à élaborer une approche stratégique en matière de propriété à long terme du campus d’Alfred, conçue pour maximiser le potentiel économique de l’établissement », mentionne le communiqué du ministère de l’Agriculture.

Le collège d’Alfred a été menacé de fermeture après que l’Université de Guelph (UdeG), à laquelle l’établissement était rattaché, eut décidé de s’en désinvestir pour des raisons financières, à la mi-mars 2014.

La survie du collège agricole d’Alfred dépendrait à l’avenir des Comtés unis de Prescott et Russell, un gouvernement régional qui regroupe huit municipalités rurales dans l’Est ontarien, et de groupes comme l’Union des cultivateurs franco-ontariens (UCFO), selon ce qui ressort à première vue de la décision de Queen’s Park. Il s’agirait là d’un transfert de responsabilités sans précédent dans l’histoire de la province.

« Nous continuerons à travailler avec les collectivités francophones et agricoles locales afin de stimuler le développement économique et d’élaborer une stratégie viable pour Alfred », a fait savoir Madeleine Meilleur, ministre déléguée aux Affaires francophones, le 30 janvier.

« La gouvernance du campus d’Alfred est un enjeu sur lequel nous souhaitons nous pencher le plus rapidement possible », a ajouté Jeff Leal, ministre de l’Agriculture, joint par #ONfr. « Nous voulons non seulement que le campus réponde aux besoins de la communauté agricole francophone de l’Est ontarien, mais aussi qu’il devienne un véritable catalyseur de l’économie locale. »

Un flou quant aux autres collèges

Le gouvernement de Kathleen Wynne entretient par contre un flou quant au rôle futur des collèges Boréal et La Cité au sein d’une nouvelle structure de gouvernance à Alfred. Les deux collèges francophones, rappelons-le, sont venus à la rescousse du campus agricole après l’annonce du retrait de l’UdeG, assurant la continuité de la plupart des programmes d’études par intérim.

En entrevue, M. Leal s’est limité à dire que les deux collèges conserveraient un « rôle significatif » à Alfred.

Dans les mois qui ont précédé le verdict de la province, le collège Boréal, de Sudbury, et le collège La Cité, d’Ottawa, ont tous deux signalé à plus d’une occasion leur intention de faire partie d’une solution sur le long terme à Alfred.

Un facilitateur nommé par la province, Marc Godbout, a quant à lui proposé pour Alfred une nouvelle structure de gouvernance, autour de laquelle se retrouveraient des représentants municipaux, collégiaux et du domaine agricole. L’ancien sous-ministre adjoint souhaiterait, en effet, voir l’école d’agriculture tomber sous la houlette d’un nouveau Conseil de formation agricole auquel siégeraient, entre autres, les collèges Boréal et La Cité.

Les deux collèges francophones n’ont pas immédiatement réagi au verdict de la province.

« Très vague »

La décision pour le moins laconique de Queen’s Park a été ponctuée dans l’Est ontarien de bien des interrogations, le 30 janvier.

« Le document est pour l’instant très vague », a partagé Tom Manley, président du Conseil communautaire du collège d’Alfred, à #ONfr. « L’initiative de donner le collège aux collectivité locales est bonne, mais on ne sait rien de plus. Je regrette que le Ministère n’ait pas communiqué avec nous, ni avec le maire d’Alfred-Planagenet. On mentionne la rentrée 2015 sans donner d’autres éléments. »

L’UCFO, à son tour, a accusé la province d’« acheter du temps » et d’entretenir une confusion qui n’aide en rien la relance du collège d’Alfred. « Dans son rapport, M. Godbout avait clairement indiqué que l’accroissement de l’offre de formation et du nombre d’étudiants étaient des éléments clés incontournables », a décoché Simon Durand, directeur général du regroupement d’agriculteurs. « Force est d’admettre que cette annonce va dans une direction différente. »

Dans le cas du collège agricole anglophone de Kemptville, également largué par l’UdeG pour des raisons financières, la province y est pourtant allée d’une recommandation beaucoup plus claire : elle souhaite un « transfert de la propriété » vers la municipalité de North Grenville.

« C’était très important, pour nous, de traiter les campus de Kemptville et d’Alfred de manière équitable », a rappelé le ministre Jeff Leal. « Dans le cas d’Alfred, le rôle des municipalités locales a pu sembler moins évident d’emblée parce que des collèges se sont rapidement impliqués. »

Aucun collège anglophone n’a cherché, par ailleurs, à attirer le collège de Kemptville dans son giron.