À Queen’s Park, Philippe Couillard parle de changement climatique

Le premier ministre Philippe Couillard, du Québec, a été reçu par les trois chefs de partis à Queen's Park, le 11 mai.

 

TORONTO – Philippe Couillard a souligné l’importance pour les provinces du Canada de lutter « ensemble » contre le changement climatique à l’occasion de la première visite officielle d’un premier ministre du Québec à l’Assemblée législative de l’Ontario depuis plus d’un demi-siècle, le lundi 11 mai.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

« Jamais le rôle des États fédérés n’aura été aussi important », a exhorté M. Couillard devant les parlementaires ontariens. Un « rôle incontournable », a-t-il ajouté.

Le chef libéral à Québec a salué l’annonce par l’Ontario, à la mi-avril, de rejoindre un système de plafonnement et d’échange de crédits du carbone – communément appelé « cap and trade » – auquel la « Belle province » et l’État américain de la Californie ont déjà adhéré. « Un choix logique », a-t-il déclaré.

« Le progrès économique et l’emploi se conjuguent nécessairement avec le développement durable et leurs deux compagnons essentiels : la protection de l’environnement et le développement social », a indiqué M. Couillard. « Cette lutte contre le changement climatique est un défi, mais surtout une opportunité de développer une économie du XXIe siècle. »

La première ministre ontarienne Kathleen Wynne a abondé dans le même sens que son homologue québécois. « Nous confrontons les défis devant nous et nous saisissons les occasions qui vont renforcer nos économies maintenant et dans le futur », a-t-elle mis de l’avant lors d’un point de presse, le 11 mai. « Nous avons fait beaucoup de progrès dans une très court laps de temps. »

 

Profession de foi fédéraliste

À l’approche d’élections fédérales, Philippe Couillard a aussi invité les populations du grand fleuve aux grands lacs à bien étudier « les plans des partis fédéraux pour soutenir les efforts des provinces et territoires » quant à la lutte au changement climatique, avant de passer aux urnes.

Résolument fédéraliste, l’invité spécial à Queen’s Park a fait l’apologie d’un réseau de provinces distinctes et fortes au sein d’un Canada uni.

Le premier ministre du Québec est remonté dans l’histoire, évoquant la mémoire de son prédécesseur Jean Lesage et de son homologue de l’époque John Robarts, puis des pères de la responsabilité gouvernementale Louis-Hippolyte Lafontaine et Robert Baldwin, pour illustrer le « fédéralisme de coopération » qui, selon lui, rapproche depuis toujours sa province et sa voisine ontarienne.

La visite de M. Couillard à Toronto a par ailleurs débouché sur un nouvel accord d’échanges commerciaux entre l’Ontario et le Québec pour l’ensemble des contrats de construction ou d’acquisition de biens, de même que pour la vaste majorité des contrats de services.

« Quand l’Ontario et le Québec travaillent ensemble, c’est tout le Canada qui y gagne », a dit M. Couillard chaudement applaudi par l’ensemble des parlementaires.

 

Rayonnement du français

Sur la plancher de la Législature ontarienne, le premier ministre du Québec a finalement souligné les 400 ans de l’ensemencement de la francophonie dans la province par l’explorateur français Samuel de Champlain.

« Champlain ne s’est pas arrêté à Tadoussac ou à Québec. Il a continué sa route. Et le français a fait du chemin au fil de notre fleuve, de nos lacs et de nos rivières », a illustré M. Couillard. « Le rayonnement de la langue française partout au Canada est un élément essentiel à la prospérité économique, sociale, culturelle et politique du pays », a-t-il ajouté un peu plus loin dans son discours.

L’Ontario et le Québec ont signé, l’automne dernier, une entente ayant pour but de « réaffirmer un engagement commun à protéger et faire la promotion de la culture et du patrimoine francophones ».

 

Coup de varlope de l’opposition

Pour l’opposition à Queen’s Park, la visite du premier ministre d’une province reconnue pour son hydroélectricité à bon prix a été l’occasion de décocher quelques flèches au gouvernement Wynne et son projet de privatiser jusqu’à 60% de la société de distribution et de transmission d’électricité Hydro One.

Le nouveau chef progressiste-conservateur Patrick Brown, qui, n’ayant pas encore été élu a obtenu un droit de parole spécial pour l’occasion, a déclaré que le Québec pouvait se permettre de joindre un système de plafonnement et d’échange du carbone « parce que les tarifs d’électricité y sont bas ». Un crochet de la droite bien senti à l’endroit des libéraux, dont les politiques énergétiques ont fait bondir les factures d’électricité depuis une décennie.

La chef néo-démocrate Andrea Horwath a profité de son temps au podium pour donner, elle aussi, un coup de varlope au clan libéral ontarien en faisait l’éloge du réseau d’électricité « entièrement public » du Québec.

Il va sans dire que les commentaires de M. Brown et de Mme Horwath ont été mal accueillis dans le camp libéral, qui souhaitait faire de la visite de M. Couillard un événement non-partisan. « Le nouveau chef de l’opposition avait une occasion de promouvoir l’Ontario », a vivement réagi le ministre des Finances, Charles Sousa, aux commentaires du leader du Parti PC.

 

« Outil économique »

Questionné au sujet de la privatisation d’Hydro One par #ONfr après son discours, M. Couillard a dit ne pas vouloir s’« insérer dans le débat politique ontarien » mais il a précisé que chez lui, Hydro-Québec est toujours utilisé « comme un outil économique pour attirer des emplois, notamment avec nos tarifs industriels. »

Les deux partis d’opposition à Queen’s Park ont aussi été à l’origine d’un changement d’heure du discours de M. Couillard car ils ne voulaient pas que l’événement empiète sur les débats parlementaires.

Philippe Couillard est seulement le dixième invité spécial qu’a reçu l’Assemblée législative de l’Ontario depuis les débuts du parlementarisme dans la province. Il est le troisième premier ministre du Québec à être invité à s’adresser aux députés ontariens après Antonio Barrette en 1960 et Jean Lesage en 1964.

Ironiquement, cette dernière visite de M. Lesage remonte à l’époque où le Québec venait de « nationaliser » l’électricité avec la création d’Hydro-Québec.