Violence sexuelle : la francophonie oubliée dans le plan Wynne

La première ministre Kathleen Wynne présentant son plan d'action contre le harcèlement et la violence sexuels dans un YWCA du centre-ville de Toronto, le 6 mars.

TORONTO – La surprise a été plutôt mauvaise pour Action ontarienne contre la violence faite aux femmes (AOcVF). Le Plan d’action contre la violence à caractère sexuel de Kathleen Wynne ne comporterait aucune référence à la francophonie.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

Une déception pour l’organisme féministe et francophone qui a du coup écrit à Mme Wynne, peu après le dévoilement du document Ce n’est jamais acceptable d’une quarantaine de pages, début mars.

« Nous avons fait part à Mme Wynne, ainsi qu’à la ministre déléguée à la Condition féminine, Tracy MacCharles, de nos inquiétudes », explique Maïra Martin, chargée de projet pour AOcVF. Si le document est bien traduit dans les deux langues, il y a malheureusement zéro référence aux services en français à l’intérieur. »

Une différence dès lors notable avec le premier Plan d’action entrepris en 2011, lequel comportait de nombreuses références aux besoins des femmes franco-ontariennes. Plus encore, les différents organismes francophones n’auraient pas pu participer autant aux forums de discussions provinciales sur le sujet qu’il y a quatre ans.

Du coup, AOvCV a même demandé à Mme Wynne une « clause francophone » afin d’assurer la représentation des Franco-Ontariennes dans le Plan d’action.

« Nous avons reçu une réponse de la ministre MacCharles, ce mardi 26 mai. Elle nous a remerciés, nous rapportant que les services en français demeurent pour elle une priorité. C’est une réponse rassurante », rapporte Mme Martin.

Également jointe par #ONfr, Mme MacCharles n’a pas manqué de se justifier dans un échange de courriels : « Notre gouvernement reconnait la diversité de notre province et sait que la violence à caractère sexuel existe indépendamment de la langue, de la culture ou de l’ethnicité. Ceci dit, nous reconnaissons qu’une voix forte francophone est très importante pour guider notre approche et c’est pour cette raison que nous avons invité Action ontarienne en tant que membre de notre table-ronde pour mettre fin à la violence à caractère sexuel. »

Et de poursuivre : « Les services de langue française pour répondre aux enjeux de violence à caractère sexuel sont une priorité pour le gouvernement et nous sommes engagés à travailler avec les  organismes appropriés afin de s’assurer que les survivants francophones puissent recevoir le soutien nécessaire dans leur langue maternelle. »

 

Besoins criants

Si AOvCV reste préoccupée par ces références, c’est bien que les besoins sont aujourd’hui criants pour les nombreux organismes francophones dont elle demeure la porte-voix. À commencer par la dizaine de Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) francophones qu’elle représente à travers la province.

Des urgences qu’a rappelées Mme Martin devant la dizaine de députés du Comité spécial de la violence et du harcèlement à caractère sexuel mis en place en janvier dernier sous forme d’une vaste « table ronde ». Le groupe était réuni à Ottawa, vendredi 22 mai.

« Il s’agissait avant tout de montrer que les CALACS francophones manquent vraiment de financement. Aussi, qu’il faut miser sur l’aspect unilingue francophone. »

Sur le terrain, les difficultés affleurent : « Nous n’avons que deux postes et demi d’intervenant pour les 78000 femmes francophones d’Ottawa. Quand on sait qu’une femme sur trois sera victime de violence sexuelle dans sa vie, c’est peu », affirme Josée Guindon, gestionnaire du CALACS francophone d’Ottawa. « Notre centre fonctionne avec une enveloppe annuelle de 400000$. Il nous faudrait au moins 150000$ en plus pour organiser davantage d’ateliers de formations et de soutiens aux victimes. »

Si le montant alloué à la trentaine de CALACS francophones et anglophones en Ontario est identique depuis 2005, les spécificités francophones ne sont pas toujours prises en compte, estime la responsable : « On ne compte pas les documents anglais à traduire par exemple, ou les campagnes de promotion dont nous avons besoin justement pour aller chercher les francophones. »

 

Attente

Si rien ne dit que la province augmentera le financement des différents CALACS, les tables rondes se poursuivent toujours sur le terrain, deux mois et demi après le lancement du Plan d’action.

Une campagne publicitaire, des lois plus strictes dans les milieux de travail, des améliorations au système des poursuites judiciaires : voilà ce qu’avait annoncé grosso modo Kathleen Wynne dans son Plan d’action contre la violence sexuelle, le 6 mars. Le tout auréolé d’une enveloppe de 41 millions $ sur trois ans.

L’idée du financement était née dans la foulée des témoignages de plusieurs femmes, affirmant avoir été harcelées ou agressées sexuellement par l’ancien animateur de radio de la CBC, Jian Ghomeshi.