VG : l’Ontario a joué avec la sécurité routière

L’Ontario a changé la formule de sélection des entrepreneurs pour l’entretien hivernal de ses routes en 2009.

TORONTO – L’Ontario a joué avec la sécurité des automobilistes pendant cinq ans pour économiser quelques millions de dollars sur l’entretien hivernal de ses routes, signale la Vérificatrice générale (VG) de la province.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Un changement dans la manière d’octroyer les contrats de déneigement serait à l’origine d’une importante « détérioration » de l’état des routes provinciales l’hiver depuis 2009, conclut la surveillante des comptes provinciaux Bonnie Lysyk dans un rapport spécial qu’elle a déposé à Queen’s Park, le mercredi 29 avril.

« Le processus de sélection des entrepreneurs n’a pas mis suffisamment l’accent sur les niveaux de service », a déclaré Mme Lysyk devant la presse parlementaire. « C’est bien d’économiser de l’argent. Mais il faut bien définir les attentes par rapport au service obtenu. Dans le cas qui nous occupe, il y avait une attente par rapport au service qui était difficile à combler, si on se fie aux appels d’offres. »

L’Ontario a changé la formule de sélection des entrepreneurs pour l’entretien hivernal de ses routes en 2009. La province a alors opté pour des contrats « fondés sur le rendement » qui accordaient plus de points aux plus bas soumissionnaires, et ce, qu’ils aient ou non l’équipement nécessaire pour s’acquitter de la tâche.

Résultat : des entrepreneurs sous-équipés et sous-qualifiés ont décroché d’importants contrats d’entretien routier sans avoir la capacité de les mener à bien.

La province aurait économisé environ 36 millions $ sur cinq ans.

 

Déneigement plus lent

S’il fallait en moyenne deux heures pour dégager complètement les routes les plus fréquentées de l’Ontario après une tempête durant l’hiver 2010-2011, soit l’année après l’octroi de contrats « fondés sur le rendement », il en fallait plus de quatre heures durant l’hiver 2013-2014, selon le rapport de la VG. Dans près du tiers des zones contractuelles, les entrepreneurs ne parviendraient même plus à dégager les routes dans le délai huit heures établi par la province.

Sans pointer du doigt directement le gouvernement, Mme Lysyk a reconnu que l’état des routes représentait « un facteur » pour plusieurs accidents mortels ou avec blessés survenus depuis 2009 sur les routes provinciales de l’Ontario.

Les libéraux à Queen’s Park ont dit avoir mis en œuvre toute les recommandations de la VG pour améliorer la sécurité routière l’hiver.

« Je prends sur moi l’entière responsabilité », a réagi Steven Del Duca, ministre des Transports, sans toutefois présenter d’excuses formelles au nom du gouvernement. « Bien que le Ministère ait déjà pris des dispositions pour améliorer l’entretien hivernal de nos routes, il est évident pour moi qu’il y a encore du travail à faire. »

Conscient du problème depuis l’an dernier, le ministère des Transports aurait déjà changé les règles d’octroi des contrats de déneigement des routes dans la région de Kenora, dans le nord-ouest de la province. Les nouveaux contrats tiendraient compte davantage de la capacité des entrepreneurs à faire leur travail, selon M. Del Duca.

 

Régions toujours moins bien desservies

L’Ontario aurait aussi acheté 105 pièces d’équipement pour appuyer le travail des entrepreneurs privés et embauché 20 superviseurs régionaux pour garder un œil sur le déneigement des routes durant la saison froide. Des mesures qui n’auraient toutefois pas été nécessaires si la province avait conservé son système d’appel d’offres d’avant 2009.

L’opposition à Queen’s Park n’a pas mâché ses mots, le 29 avril.

« Les libéraux ont sciemment pris des risques avec notre sécurité routière pendant cinq ans », a condamné le progressiste-conservateur Steve Clark. « Même avec le nouvel équipement, la moitié des zones contractuelles sont toujours desservies par moins de pièces d’équipement qu’avant l’arrivée des contrats fondés sur le rendement », a renchéri son collègue Michael Harris.

« Le gouvernement savait, à l’époque, qu’il était en train de mettre en place un système dans lequel les entrepreneurs ne seraient pas capables de respecter les exigences minimales pour entretenir nos chemins. Ce n’est vraiment pas acceptable », a tonné le néo-démocrate Gilles Bisson, jetant une partie du blâme sur la première ministre Kathleen Wynne, qui a été ministre des Transports en 2010 et 2011.