Vers des noms plus inclusifs pour les organismes francophones

Gracieuseté: Société de la francophonie manitobaine (SFM)

Il faudra peut-être bientôt dénommer autrement les organismes francophones en contexte minoritaire. Les idées lancées pour des noms plus inclusifs commencent à aboutir.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Au printemps dernier, la Société franco-manitobaine devenait la Société de la francophonie manitobaine (SFM). Un changement qui n’affecte donc pas l’acronyme original, et permet à l’organisme porte-parole des Franco-Manitobains de soigner son inclusivité.

Du côté de l’Alberta, le débat est lancé depuis plusieurs mois au sein de l’Association canadienne française de l’Alberta (ACFA). D’autres noms ont même été proposés. « La décision sera prise cet automne », expliquait récemment à #ONfr, le président de l’ACFA, Albert Nolette.

Ce n’est pas la première fois que l’organisme se penche sur l’enjeu. Mais en 2006, l’idée d’une modification du nom avait tourné court. L’opposition d’une partie des membres avaient fait avorter le projet.

Depuis 1925, date de sa fondation, l’ACFA utilise la même dénomination. « Le nom de l’ACFA porte en son germe l’exclusion », avance Paulin Mulatris, professeur de sociologie au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta. « Il faut bien distinguer les dénominations territoriales qui ne posent pas de problèmes, et les dénominations ethniques qui posent un problème (…) Dans le cas de l’Alberta, un changement de nom permettrait d’accroitre un signe d’ouverture pour ceux qui ne se sentent pour le moment pas assez représentés par l’association. »

Le temps idéal pour le changement? « Nous sommes au moment où les membres de l’ACFA sont prêts pour une modification », croît M. Nolette. Une francophonie en somme plus inclusive qu’il y a 11 ans. C’est aussi l’avis de son homologue de la SFM, Jacqueline Blay.

« Il y avait eu des propositions en 2006 et 2007 mais la communauté n’était pas prête » avance-t-elle. « Maintenant la communauté a changé, on a 5 000 enfants dans les écoles francophones du Manitoba, 28 000 dans les écoles d’immersion. Ils doivent être tous  inclus dans la Francophonie (…) On a de plus de francophones d’ailleurs qu’au Canada. Au lieu de refléter la Franco-Manitobie, on doit représenter la francophonie du Manitoba. »

« Réhabiliter l’histoire » par les noms, pour Rémi Léger

Le changement de nom impulsé par le Manitoba n’est certes pas une révolution pour les francophones en contexte minoritaire.

En 2005, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario voyait le jour à la suite de la fusion de l’Assemblée des communautés franco-ontariennes (ACFO) et la Direction de l’Entente Canada-communauté Ontario (DECCO).

Trois ans plus tard, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB)  succédait à la Société des Acadiens et des Acadiennes du Nouveau-Brunswick.

De leurs côtés, les Fransaksois avaient opéré ce changement dès 1999, moment où l’Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan (ACFC) laissait place à l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF).

C’est justement ce dernier changement de nom qui enthousiasme Rémi Léger. La raison : le politologue de l’Université Simon-Fraser à Vancouver estime cette appellation comme le compromis idéal entre l’inclusion et une manière de réhabiliter l’histoire des communautés.

Dans une chronique publiée sur notre site le 23 avril, M. Léger était même allé plus loin : « En terminant, permettez-moi une question : est-ce que « franco-manitobain » empêche véritablement l’accueil, l’intégration et la rétention des immigrants? En d’autres mots, le nom Société de la francophonie manitobaine est-il plus inclusif que Société franco-manitobaine (…) De mon bord, je suis d’avis que le terme francophone tout court évacue nos histoires et nos luttes qui donnent pourtant un sens et une pesanteur à nos revendications contemporaines. »

« Changer les noms ne suffit pas », selon Phyllis Dalley

« On parle beaucoup de changements de noms, mais tout a commencé avec la Révolution tranquille au Québec », analyse pour sa part, Phyllis Dalley de l’Université d’Ottawa, une autre spécialiste de la question. « Lorsqu’on a commencé à construire l’identité québécoise, les autres provinces ont eu à se redéfinir. En Ontario, on a alors parlé des Franco-Ontariens. »

De là à modifier ces noms imposés dans les années 1960? La professeure partage difficilement ce constat. « Changer le nom ne suffit pas, il faut davantage travailler sur un changement sociétal. Lorsqu’on parle du nom, on ne parle que de la forme. Il faut plutôt voir comment le nom est assuré par l’organisme, si l’on fait des projets d’inclusion ou d’assimilation. »

La définition de l’identité franco-ontarienne ne doit pas être sous-estimée d’après elle. « Si on peut devenir québécois ou canadien, alors on doit pouvoir devenir et se définir comme franco-ontarien ou franco-albertain. »

Article écrit avec la collaboration de Benjamin Vachet