Université franco-ontarienne : Toronto ne fait pas l’unanimité

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TORONTO – La venue éventuelle d’une université franco-ontarienne dans la région de Toronto ne fait pas que des heureux. Parmi les plus méfiants face au choix préconisé par le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) figure le professeur émérite du Département de français du Collège Glendon de l’Université York à Toronto, Raymond Mougeon.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

En entrevue pour #ONfr, le professeur rappelle ce qu’il avait déjà présenté récemment au Forum de la francophonie torontoise. À savoir que l’identité de la Ville-Reine n’est pas adaptée à une université par et pour les francophones.

« Les élèves franco-ontariens des écoles de Toronto sont les moins chauds pour une université unilingue francophone. Cette décision nous obligerait à recruter ailleurs que dans le Centre-Sud-Ouest de la province. »

Pour M. Mougeon, ce désintérêt des élèves trouvent sa source directement dans le fait de résider dans une communauté multiculturelle. « On ne parle pas ici d’une francophonie comme à Hawkesbury ou Cornwall, mais plutôt d’une population qui s’assimile rapidement. »

Démonstration à l’appui, le professeur justifie son étude par des chiffres issus d’un sondage effectué en 2005 auprès de tous les élèves de la 9e à la 12e année dans les écoles francophones de North Bay, Hawkesbury, Cornwall, Toronto et Pembroke.

Conclusion de l’étude de M. Mougeon? Plus de 50% élèves disent n’avoir pas de préférence entre l’anglais et le français quant à leur futur lieu de résidence. Les élèves torontois font quelque peu exception puisque plus de 20% d’entre eux affirment privilégier dans ce cas la langue de Shakespeare, contre moins de 10% le français.

Interrogés aussi sur leurs préférences de langue pour les études postsecondaires, les élèves de Toronto s’illustrent par leur attrait pour l’anglais. Plus de 30% d’entre eux affirment ainsi vouloir étudier « plutôt » ou « seulement » en anglais.

À l’inverse, moins de 30% d’entre eux laissent entendre cibler des études « plutôt » ou « seulement en français ». Un chiffre bas en comparaison à Hawkesbury (plus de 65%) ou Pembroke (environ 50%) et North Bay (environ 40%).

La position de M. Mougeon n’est somme toute pas isolée. Quelques leaders d’opinion franco-ontariens ont émis des réserves sur le choix de Toronto. À commencer par Réjean Grenier, pressenti pour annoncer sa candidature au poste de président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) lors des élections de l’organisme, en fin d’année.

« Je n’ai rien contre cette idée », écrivait-il en février à titre d’éditorialiste pour Le Voyageur. « Il est clair qu’il faut desservir les Franco-Ontariens de cette région, mais il ne faut surtout pas oublier l’est et le nord de la province. Ce n’est pas vrai que les jeunes francophones du nord et de l’est vont se diriger en masse vers une institution de langue française à Toronto alors qu’ils peuvent faire une grande partie de leurs études, à moindres couts, dans les universités bilingues Laurentienne ou Ottawa. »

Boom démographique

Toujours est-il que la démographie reste l’argument sur lequel le RÉFO s’appuie toujours pour légitimer le choix de Toronto.

« Le Centre-Sud-Ouest, c’est là où il y a la plus grande demande d’accès des programmes en français, c’est aussi là où 50% des élèves quittent l’école secondaire et ne poursuivent pas leurs études en français », affirmait récemment à #ONfr, la coprésidente de l’organisme, Geneviève Borris.

Lui aussi professeur émérite au Collège Glendon, Stacy Churchill n’abonde pas dans le sens de « son ami » Raymond Mougeon : « Ce qui n’était pas possible lors des revendications pour une université franco-ontarienne à la fin des années 80 est désormais possible en 2016 : Toronto peut accueillir un bassin de francophones suffisant. »

Et d’ajouter : « Bien que Montréal est une ville francophone, il y a pourtant des universités de langue anglaise. Ce n’est pas parce que l’on parle français à Toronto que l’on doit être handicapé. »