Université franco-ontarienne : le temps du rappel

La coprésidente du RÉFO, Geneviève Borris. Archives #ONfr

[ANALYSE]

TORONTO – Depuis plusieurs mois, les militants francophones prennent leur mal en patience. Une « patience stratégique ». Les conclusions du conseil de planification de Dyane Adam pour le lancement d’une université franco-ontarienne sont toujours attendues. Les plus optimistes prédisent un rapport dévoilé dans quelques semaines.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Derrière le secret qui entoure ce « groupe d’experts », un motif d’espoir : le budget provincial. L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) souhaite que le document déposé le 27 avril (date confirmée par le gouvernement, jeudi dernier) comporte un « financement de démarrage » de 60 millions de dollars sur quatre ans pour cette université.

En réalité, l’AFO n’invente rien. Cette somme impressionnante est l’une des recommandations du rapport Le temps d’agir dévoilé en juin 2016. Le document sur l’accès aux études postsecondaires en français dans le centre et le sud-ouest de l’Ontario préconisait de mettre cette enveloppe dans le prochain budget provincial.

Pour l’AFO, il ne s’agit pas ici de marquer l’impatience, encore moins l’exaspération. Simplement un « rappel amical », pourrait-on presque dire. Un peu comme la conférence de presse début mars, avec ses deux alliés principaux, le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) et la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO). Le tout pour souligner le deuxième anniversaire de la demande pour une gouvernance par et pour les francophones.

Il n’est pas impossible que le gouvernement mentionne ce fonds de démarrage le 27 avril. L’engagement de Mme Wynne pour un édifice postsecondaire en français ne peut plus être nié.

Le document budgétaire sera probablement l’occasion d’envoyer un message aux groupes francophones : « les choses avancent, faites-nous confiance ». C’est aussi ce que répète à haute-voix la ministre déléguée aux Affaires francophones, Marie-France Lalonde, depuis sa prise de fonction en juin dernier.

En revanche, les libéraux n’iront peut-être pas avec une somme si rondelette. Le montant de 60 millions ne va pas forcément de pair avec la volonté du parti d’équilibrer coûte que coûte le budget pour 2018.

Reste que le processus de création d’une université, orchestré depuis maintenant sept mois autour de la figure respectée de Dyane Adam, cache trois écueils majeurs. En premier lieu, le temps.

L’idée que le « conseil des gouverneurs transitoire » assure le démarrage de l’établissement en 2018 bât de l’aile. Rien n’indique que tout sera prêt l’année prochaine. Le rapport de Mme Adam devait être dévoilé au printemps, les rumeurs disent maintenant qu’il tomberait en juin. On se souvient que le rapport Le temps d’agir sur le bureau du ministre responsable de l’Enseignement supérieur, Reza Moridi, dès février 2016, avait finalement été rendu public quatre mois plus tard.

Seconde inquiétude : une université qui desservirait uniquement le Centre-Sud-Ouest de la province. Le gouvernement semble se diriger tout droit vers cette direction, et ne changera probablement pas son fusil d’épaule avant la publication du rapport de Mme Adam.

Le troisième obstacle est sans doute le plus important et sous-estimé : l’affiliation. Au moment de dévoiler Le temps d’agir, M. Moridi avait eu une phrase lourde de sens : « Le comité de planification explorera les options pour l’affiliation (à d’autres établissements) ». Les derniers bruits de couloirs disent qu’il s’agit toujours de l’option envisagée par l’équipe de Mme Wynne.

Une université affiliée dans une région distincte représenterait un modèle semblable à l’Université de Hearst. Une université de langue française certes, mais dont l’appellation « université franco-ontarienne » deviendrait très contestable.

Si les militants francophones privilégient jusqu’à maintenant la « la patience stratégique » avec le gouvernement, la proposition d’une université franco-torontoise affiliée pourrait provoquer quelques frustrations publiques. Avec le risque d’un statu quo définitif dans le dossier d’une université franco-ontarienne.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 15 avril.