Une année de transition

Le drapeau franco-ontarien. Archives ONFR+

[ANALYSE]

Il y a des années qui passent à l’histoire pour toutes sortes de raisons, bonnes ou mauvaises. Des années de grandes victoires, comme en 1986 lors de l’adoption de la Loi sur les services en français de l’Ontario. Des années de luttes, comme en 1916 lors de la fameuse « bataille des épingles à chapeaux ».

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Les premiers mois de 2016 semblaient avoir donné le ton à une année de grandes revendications.

Les Franco-Ontariens, comme leur concitoyens des autres provinces, étaient vivifiés par le mouvement d’expression #Nouscomptons qui avait pris naissance lors de la campagne fédérale, l’automne d’avant.

Les demandes pour une université de langue française et une capitale nationale officiellement bilingue allaient bon train. Avec la moitié du calendrier écoulé, 2016 semble plutôt prendre des allures d’une année de transition pour la francophonie ontarienne.

Il y a eu quelques gains, comme des excuses de Queen’s Park pour le Règlement XVII qui a interdit l’enseignement du français dans la province au début du XXe siècle. Un feu vert pour la planification d’un campus universitaire francophone dans la région de Toronto, aussi.

Mais voilà. Dans l’ensemble, mis à part un petit pas dans le sens d’une nouvelle université, il semble que les grands dossiers de l’Ontario français font du surplace cette année.

Dans certains cas, les francophones ont peut-être même l’impression de reculer.

L’incertitude qui plane depuis bientôt deux ans sur l’avenir des soins de santé en français à Penetanguishene est un rappel aux francophones que leurs acquis ne reposent pas toujours sur des bases solides et qu’ils doivent se battre constamment ne serait-ce que pour maintenir le statu quo.

C’est une année de transition aussi sur le plan de la représentation politique et associative des Franco-Ontariens, avec la retraite inattendue de Madeleine Meilleur et l’arrivée de Marie-France Lalonde dans le poste de ministre responsable des Affaires francophones à la mi-juin. Dans quelques semaines, ce sera au tour de Carol Jolin de passer la flambeau de l’Association des enseignants franco-ontariens (AEFO) à son successeur désigné Rémi Sabourin. Un peu plus tard, à l’automne, Denis Vaillancourt laissera quant à lui la présidence de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), étant arrivé à la fin de son deuxième et dernier mandat. De nouvelles voix francophones émergent et vont émerger au cours des prochains mois. Elles pourront donner un souffle nouveau aux causes historiques de la minorité et défendre de nouvelles causes.

La fin d’une époque marque toujours le début d’une autre. Ça fait un peu « cliché ». Mais c’est vrai. Et puis, il y en a eu d’autres, des périodes de transition sur le parcours des Franco-Ontariens. Il y a une dizaine d’années, par exemple… L’angoisse de la saga Montfort avait cédé sa place à un certain optimisme. Plusieurs revendications de longue date étaient sur le point d’aboutir enfin.

Cette période de transition a mené notamment en 2007 à la création du Commissariat aux services en français de l’Ontario, de loin le plus important levier politique de la communauté francophone après l’adoption de la Loi 8 de 1986.

Si 2016 prend des allures d’une année de transition, c’est peut-être pour mieux mettre la table pour les prochains gains des Franco-Ontariens. Je regarderai ça avec intérêt depuis l’Île-du-Prince-Édouard, où je m’en vais réaliser mon vieux rêve de travailler et de vivre dans les Maritimes. J’emporte avec moi de bons souvenirs de l’Ontario. J’ai une grande dette de gratitude envers la francophonie d’ici qui m’a donné une chance de pratiquer le métier qui me passionne et d’avoir été pendant un peu plus d’une décennie un témoin privilégié de ses luttes et de ses victoires.

Merci et salut!

Cette analyse est publiée également dans le quotidien LeDroit du 18 juillet.