Un vrai test électoral pour Kathleen Wynne

La première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne. Crédit photo: Archives, #ONfr

[ANALYSE]

La date n’a pas encore été fixée, mais l’élection partielle dans Scarborough-Rouge River s’annonce plus difficile que prévu pour Kathleen Wynne. Le premier véritable test électoral pour la première ministre de l’Ontario depuis les élections provinciales de juin 2014.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Durant ce laps de temps, la province n’a connu que trois élections partielles. Certes, les progressistes-conservateurs l’ont emporté à deux reprises (Patrick Brown dans Simcoe-Nord et Lorne Coe dans Whitby-Oshawa). Mais dans les deux cas, les gains possibles du Parti libéral étaient faibles devant ces châteaux forts conservateurs.

La seule chance nette des troupes de Kathleen Wynne, c’était à Sudbury en février 2015. Avec pour mission d’y déloger les néo-démocrates. Une chance saisie puisque le libéral Glenn Thibeault, transfuge du NPD fédéral, s’était imposé.

Ce coup de maître aura du mal à être reproduit dans Scarborough-Rouge River, où l’ex-député Bas Balkissoon a démissionné le 22 mars dernier. Loin de mettre en doute les qualités du candidat libéral nommé, Piragal Thiru, les astres ne sont pas vraiment alignés.

La base électorale du Parti libéral s’érode lentement dans cette circonscription de l’est de la métropole de Toronto pourtant acquise depuis la création du comté en 1999. Lors de la dernière élection en 2014, il n’y avait même que 3076 voix d’écart entre M. Balkissoon et le néo-démocrate Neethan Shan. Ce même Neethan Shan qui portera de nouveau les couleurs du parti orange lors cette « partielle ».

Nul doute que la première ministre de l’Ontario aurait aimé déclencher plus tôt cette élection. Et pourquoi pas combiner ce scrutin avec celui d’Ottawa-Vanier où Madeleine Meilleur a remis sa démission le 9 juin. Une manière de ne pas se retrouver avec deux sièges vacants à Queen’s Park pour la rentrée parlementaire le 12 septembre.

C’était sans compter sur le refus du candidat adoubé par le parti dans Ottawa-Vanier, Mathieu Fleury. Un choix qui oblige à retarder l’échéance du côté de Vanier. Le hic, c’est qu’un « double scrutin » durant l’été aurait bien arrangé les affaires de Mme Wynne. Non seulement parce qu’une participation plus faible aurait été à l’avantage du parti en place dans Scarborough-Rouge River, mais aussi parce qu’une éventuelle défaite aurait pu être compensée le même soir par un triomphe dans Ottawa-Vanier où les libéraux n’ont plus perdu depuis 1967.

Le défi de Brown

En cas d’échec des troupes de Mme Wynne, le grand vainqueur pourrait être Patrick Brown. Le chef du PC de l’Ontario a nommé Raymond Cho, un vieux routier de la politique municipale torontoise, pour ravir cette circonscription. Histoire de convaincre un peu plus les résidents de la « couronne », c’est même l’ancien conseiller municipal Doug Ford qui gère présentement la campagne de M. Cho.

Patrick Brown sait que lui aussi joue gros dans cette « partielle ». Si les votes se divisent entre libéraux et néo-démocrates, la route serait alors dégagée pour voir son parti l’emporter. Un signal fort quand on sait que la dernière victoire d’un progressiste-conservateur dans une circonscription torontoise remonte à Doug Holyday dans Etobicoke—Lakeshore en 2013.

À l’inverse, les critiques pourraient fuser en cas de défaite des progressistes-conservateurs. Fin tacticien, séducteur, M. Brown a beaucoup promis aux communautés d’Asie du Sud-Est de la région de Scarborough… pour finalement offrir l’investiture à M. Cho, d’origine chinoise. En cas de déroute de son parti, l’association durant la campagne avec la « Ford Nation » pourrait également lui être reprochée.

Pour Mme Wynne comme pour M. Brown, les lendemains de cette élection risquent donc bien de marquer un tournant.

Cette analyse est publiée également dans le quotidien LeDroit du 2 août.