« Un ombudsman invisible est (…) inefficace », dit André Marin

L'Ombudsman André Marin à Queen's Park.

TORONTO – Incertain d’obtenir un nouveau mandat après une série de messages virulents sur la twittosphère, l’Ombudsman de l’Ontario a admis avoir commis « des erreurs » qu’il s’est empressé de mettre derrière lui lors du dépôt d’un dixième rapport annuel très ciblé sur les bons coups de son bureau, le mardi 28 juillet.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

« Ces gazouillis sont arrivés par erreur », a expliqué André Marin devant la presse parlementaire. « Nous faisons tous des erreurs », a-t-il ajouté. « Twitter est comme une autoroute. Plus vous y passez du temps, plus vous risquez d’avoir des accrochages. »

Très prolifique sur Twitter, avec plus de 32000 abonnés et presque autant de gazouillis à son actif, l’Ombudsman a provoqué un malaise, fin mai, lorsqu’il a exhorté sur le site de mircoblogues la population ontarienne à « faire du bruit » pour assurer sa reconduction pour un troisième mandat.

Fin avril, le chien de garde du public de l’Ontario s’est aussi servi de Twitter pour vilipender un élu municipal, Conrad Lamadeleine, qui contestait ouvertement un de ses rapports. « Le maire de Casselman toujours en crisse (sic). Relax chum », avait alors gazouillé M. Marin sur son compte francophone @Ont_OmbudsmanFR. Avant de qualifier l’édile de l’est de la province de « p’tit moineau enragé ».

Ces gazouillis corsés seraient maintenant choses du passé et « de l’eau a coulé sous les ponts » pour l’Ombudsman, qui dit avoir appris de ses erreurs et qui souhaite toujours compléter un troisième tour de piste.

De blanc vêtu au moment de déposer à Queen’s Park son plus récent rapport annuel, M. Marin a dit utiliser les médias sociaux essentiellement pour faire pression sur le gouvernement. La communication et la persuasion seraient, à son avis, les seuls vrais pouvoirs de son bureau.

« Un ombudsman invisible est un ombudsman inefficace. Je ne blâme pas le gouvernement de se sentir irrité par moi à l’occasion. C’est mon travail », a déclaré M. Marin. « J’ose croire que (mon bureau) a fait du bon travail au cours de la dernière décennie », a-t-il relancé alors qu’un panel d’élus tripartite doit décider de son sort à la mi-septembre.

 

Nouveau souffle

L’Ombudsman depuis 2005 s’est targué d’avoir donné un nouveau souffle à son bureau, menacé d’abolition par le gouvernement au début de son premier mandat, pour éventuellement convaincre ce même gouvernement de lui accorder un droit de regard sur les municipalités, les universités et les conseils scolaires avec l’adoption de la Loi 8 de 2014. « Nous sommes dans une bonne position pour relever ce défi », a-t-il indiqué lors d’un point de presse, le 28 juillet.

Le bureau d’André Marin a recensé 23153 plaintes au cours de la dernière année, soit une première accalmie après une hausse vertigineuse de 86% du nombre de signalements au cours des cinq années précédentes. Pour une deuxième année consécutive, c’est la société provinciale de distribution et de transmission d’électricité Hydro One, aux prises avec d’importants problèmes de facturation et de service à la clientèle, qui a engendré le plus de plaintes du public.

Il s’agit toutefois du dernier coup d’œil de l’Ombudsman sur Hydro One, dont le gouvernement libéral de Kathleen Wynne a autorisé la privatisation jusqu’à 60% avec l’adoption de son plus récent budget, début juin.

M. Marin a plusieurs fois dénoncé cette privatisation qui, selon lui, privera Hydro One d’un mécanisme de surveillance éprouvé et indépendant pour le remplacer par un nouvel ombudsman interne sans trop de mordant. Dans son rapport, il s’inquiète par ailleurs qu’aux dernières nouvelles, « rien n’indiquait quand ce nouveau poste serait pourvu ».

Les libéraux à Queen’s Park n’ont pas immédiatement réagi au dépôt du rapport de l’Ombudsman, le 28 juillet.

Le progressiste-conservateur John Yakabuski a réitéré, pour sa part, qu’« une surveillance indépendante est nécessaire pour s’assurer qu’Hydro One n’ait pas le droit de faire des folies aux dépens des familles et des entreprises ontariennes ».

Le néo-démocrate Jagmeet Singh a lui aussi pourfendu la privatisation d’Hydro One qui fait perdre à l’Ombudsman, et aux sept autres agents indépendants du parlement, leur droit de regard sur la société d’électricité.

Parmi les autres organisations sur sa liste noire, l’Ombudsman a aussi mentionné au passage le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH), dont le nouveau système informatisé a connu de sérieuses difficultés cette année, et le Bureau des obligations familiales (BOF), qui gère, entre autres, les paiements de pensions alimentaires.