Un nouveau rapprochement entre le Québec et l’Ontario français

Les ministre Madeleine Meilleur, de l'Ontario, et Jean-Marc Fournier, du Québec.

QUÉBEC – Alors que le Québec se souvient, vendredi 30 octobre, du 20e anniversaire du référendum sur la souveraineté, la Belle-Province se rapproche depuis quelques mois des francophones en milieu minoritaire.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @SebPierroz

Et les signes ne manquent pas pour illustrer ce réchauffement des relations. Depuis peu, le ministre québécois, responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Francophonie canadienne, Jean-Marc Fournier, multiplie les visites en terre franco-ontarienne.

Pas plus tard que la semaine dernière, le ministre libéral était présent lors de la remise des Prix de la francophonie, à Toronto. Une visite qui s’ajoutait à l’appui un peu plus tôt de M. Fournier à l’Ontario dans son projet de rejoindre l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

« C’est certainement une période où tout le monde cherche un rapprochement », explique à #ONfr, M. Fournier. « Il y a peut-être un tournant qui est en train de se faire effectivement. La jeunesse québécoise a changé et est beaucoup plus ouverte. Elle a une une volonté d’additionner les identités plutôt que de s’en réserver une seule et unique. »

Au-delà de l’aspect francophone, les signes de respect ne manquent pas entre la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, et son homologue québécois, Philippe Couillard. En mai, ce dernier devenait d’ailleurs le premier chef du gouvernement québécois depuis un demi-siècle à être reçu à l’Assemblée législative de l’Ontario.

Le temps pour les deux chefs libéraux de se fendre de déclarations d’intentions communes, notamment sur la lutte « ensemble » contre les changements climatiques.

« Il y a effectivement un renouveau des relations au plus haut niveau entre les deux provinces », analyse la professeure à l’Université d’Ottawa, Linda Cardinal. « Certes, le fait qu’ils soient tous deux libéraux aide, mais il n’y a pas que ça. On sait, par exemple, que le Québec doit se tourner davantage vers l’ouest pour exporter son surplus d’électricité (…) Cette relation peut avoir un impact positif sur la question du français en Ontario, notamment par la multiplication des programmes d’échange au niveau culturel, ou encore universitaire. »

Après le coup de froid diplomatique pendant les 18 mois au pouvoir de la première ministre péquiste, Pauline Marois, entre septembre 2012 et avril 2014, ce « renouveau francophone » se situe dans la lignée de la politique de Benoît Pelletier, ancien ministre québécois, responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Francophonie canadienne (2003-2008).

Le début de son mandat marquait alors le retour des libéraux au pouvoir sous l’impulsion de Jean Charest après neuf ans de règne pour le Parti québécois. De là, le Québec allait notamment participer à la création du Centre de la francophonie des Amériques, ou encore rénover le programme du gouvernement libéral en matière de relations avec les autres provinces et le gouvernement fédéral. Le Conseil de la fédération était ainsi mis sur pied sous une initiative de M. Charest en 2003.

En entrevue pour #ONfr, le principal intéressé revient sur cette période : « Il y avait alors une rupture entre le Québec et les francophones en milieu minoritaire. Cette rupture n’avait jamais été cautérisée. Imaginez la situation si chacun continuait à s’ignorer. La langue française ne peut s’affirmer que dans la coopération. »

 

Limites

Cette nouvelle tendance entre le Québec et le reste des francophones du Canada peut-elle continuer? Si. M Fournier estime à « vingt années » le temps pour en analyser les résultats, tout n’est pas au beau fixe pour les francophones de chaque côté de la « frontière ».

En témoigne, la prise de position du Québec en défaveur de la Commission scolaire francophone du Yukon lors de l’hiver dernier. Le gouvernement de Philippe Couillard avait alors demandé à la Cour suprême du Canada de ne pas prendre en compte les précédents jugements en faveur des francophones du Yukon, de crainte qu’une décision positive ne renforce les attentes de la communauté anglophone présente dans la Belle Province.

Interrogé sur le sujet, M. Fournier se fait évasif : « Ça n’a aucun rapport, la minorité anglophone est historique et a façonné le Québec. Elle fait aujourd’hui partie intégrante de la culture québécoise et accepte la majorité francophone. »

Pour Mme Cardinal, l’entente entre le Québec et les autres provinces reste toujours tributaire du fédéralisme. « Le Québec intervient bien souvent pour protéger son intérêt provincial. Il n’y a pas de reconnaissance du Québec en tant que société distincte, et pas d’approches asymétriques des enjeux politiques et francophones », conclut-elle.