Toujours aucun plan pour l’accueil des réfugiés en milieu francophone

Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, John McCallum a annoncé, jeudi 17 mars, un programme pour attirer des immigrants francophones hors Québec. Archives

OTTAWA – Malgré la volonté des communautés francophones hors Québec d’accueillir des réfugiés syriens, leur nombre reste restreint et le gouvernement fédéral ne dispose toujours pas d’une stratégie claire pour répondre à leurs demandes.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Selon les chiffres obtenus par #ONfr, au 17 janvier 2016, l’Ontario avait accueilli seulement 41 réfugiés syriens déclarant avoir des aptitudes à communiquer en français, alors que l’Alberta n’en comptait que 16 et la Colombie-Britannique 5. Dans les autres provinces, aucun chiffre n’était disponible. Mais ceux obtenus sont bien loin des demandes répétées ces derniers mois par les communautés francophones hors Québec qui souhaitent grossier leur rang.

« Beaucoup de réfugiés ne parlent ni le français, ni l’anglais et nous pensons qu’il y a une bonne occasion d’augmenter la démographie de notre population francophone et d’offrir des opportunités à ces réfugiés en les accueillant et en les intégrant chez nous, en français », explique la présidente de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), Jeanne d’Arc Gaudet.

Son homologue en Ontario, Denis Vaillancourt, partage cet objectif. Dès l’annonce de la volonté du gouvernement fédéral d’accueillir 25000 réfugiés syriens, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) avait positionné la communauté franco-ontarienne.

Interrogé sur l’enjeu linguistique de l’accueil des réfugiés syriens lors de sa visite au Nouveau-Brunswick, en janvier 2016, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, John McCallum, avait dit être ouvert à ces demandes et indiqué qu’il consulterait le commissaire aux langues officielles du Canada, Graham Fraser, sur la question des responsabilités du fédéral en matière de formation linguistique des réfugiés syriens.

Le bureau de M. Fraser a indiqué à #ONfr enquêter actuellement sur une plainte relative à l’accueil des réfugiés, le plaignant accusant le gouvernement de ne pas respecter la partie VII de la Loi sur les langues officielles, relative à la promotion du français et de l’anglais.

 

Aucune mesure concrète

Questionné par #ONfr, mercredi 3 février, le ministre McCallum a fait le point. Indiquant avoir rencontré M. Fraser sur cette question, il a répété son ouverture aux demandes des communautés francophones hors Québec, sans toutefois ne révéler aucune mesure concrète pour y répondre.

« J’ai eu une bonne réunion avec M. Fraser et avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick. C’est clair que nous voulons qu’il y ait un bon nombre de réfugiés francophones, surtout au Nouveau-Brunswick. On essaie de trouver des réfugiés pour aller, par exemple, à Bathurst. Nous travaillons avec M. Fraser pour essayer d’atteindre ces objectifs. Le fait qu’une bonne majorité de ces réfugiés ne parle ni le français, ni l’anglais, veut dire qu’il peut y avoir une occasion de leur apprendre le français en priorité, si on le souhaite. Quelques-uns parlent déjà français, et on essaie de capitaliser sur ces éléments pour aider la promotion de la langue française au Canada. »

Le ministre McCallum a toutefois refusé de se doter d’une cible, comme celle fixée par le gouvernement fédéral en matière d’immigration francophone hors Québec, soit 4,4 % d’ici 2023.

« Ça, c’est une question plus large », pense M. McCallum. « Concernant l’objectif de 4,4 %, il y a des discussions et nous allons faire certaines choses afin d’arriver à cet objectif ou faire mieux que ce que nous avons fait dans le passé », a-t-il promis.

Pour la présidente de la SANB, il n’y a pourtant aucune distinction à faire.

« Ce sont deux éléments d’une même problématique. Au Nouveau-Brunswick, nous avons trois centres d’accueil accrédités, dont un est bilingue et les autres anglophones. La question des réfugiés est bien évidemment une question de compassion, mais pourquoi ne pas y intégrer une composante linguistique? Si nous continuons d’accueillir des réfugiés sans se préoccuper des questions de langue, on va aggraver la baisse du poids démographique des francophones. Le gouvernement doit intervenir en fournissant des ressources pour accueillir les réfugiés en français, leur fournir des cours et mieux les informer qu’ils sont dans une province bilingue où parler les deux langues peut leur ouvrir de bonnes opportunités. Ces personnes viennent pour avoir une meilleure qualité de vie, autant leur en donner les outils! »

Un avis que partage M. Vaillancourt : « Le gouvernement fédéral doit travailler avec la province pour offrir des ressources aux organismes francophones qui peuvent accueillir les réfugiés et leur fournir des services. Pour l’instant, aucun effort n’est fait dans ce sens-là, et le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté ne semble pas avoir de lentille francophone à sa stratégie d’accueil. Nous comprenons qu’il y a une urgence humanitaire, mais cela ne doit pas empêcher d’avoir une démarche proactive de promotion du français en milieu minoritaire. Ce n’est pas la première fois que nous constatons un tel  oubli, mais ça reste toujours déplorable. »