Sudbury : un organisateur libéral accusé

Glenn Thibeault a été élu député provincial de Sudbury lors d’une partielle, le 5 février 2015. Archives, #ONfr

TORONTO – Un organisateur libéral à Sudbury fait face à deux accusations criminelles pour avoir supposément incité un ancien candidat de sa formation à céder sa place à un autre candidat plus connu peu avant une élection partielle dans la circonscription provinciale du Nord ontarien.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

La Police provinciale de l’Ontario (PPO) a déposé une accusation de trafic d’influence et une autre d’incitation à commettre un geste illégal contre Gerry Lougheed Jr, le jeudi 24 septembre.

On reproche à M. Lougheed d’avoir fait miroiter une offre d’« emploi ou une nomination » à un ex-candidat libéral, Andrew Olivier, pour qu’il cède le passage à un candidat plus connu, Glenn Thibeault, lors d’une élection partielle dans la circonscription de Sudbury, début février.

Gerry Lougheed a clairement indiqué dans une conversation qu’il a eue avec Andrew Olivier, et enregistrée à son insu puis publiée sur Facebook, qu’il démarchait au nom de la première ministre Kathleen Wynne.

« Je vais me défendre vigoureusement », a fait savoir M. Lougheed dans une déclaration écrite, le 24 septembre, annonçant du même coup qu’il se retirait temporairement de la présidence de la Commission des services policiers du Grand-Sudbury, un poste qu’il a continué à occuper avec la bénédiction de la province tout au long de l’enquête à son sujet.

L’entrepreneur de 61 ans devra comparaître devant les tribunaux à Sudbury à la mi-novembre.

Une autre personne d’influence dans le clan libéral, Patricia Sorbabra, la chef de cabinet adjointe de la première ministre, a fait elle aussi l’objet d’une enquête de la PPO dans ce qu’il est maintenant convenu d’appeler « l’affaire Olivier » mais aucune accusation n’a été déposée contre elle.

Glenn Thibeault a été élu député provincial de Sudbury et Andrew Olivier, qui s’est finalement présenté en tant que candidat indépendant, a récolté une troisième place lors du scrutin du 5 février.

 

Versions discordantes

Kathleen Wynne a toujours soutenu, pour sa part, qu’elle avait rencontré M. Thibeault à la fin novembre 2014 – alors que le transfuge était toujours député néo-démocrate à Ottawa – et qu’elle avait dès lors fait son choix de le nommer candidat libéral dans Sudbury. Toutefois, les enregistrements de M. Olivier donnent à penser que ce choix s’est fait beaucoup plus tard.

À plus d’une centaine d’occasions à Queen’s Park, la première ministre a refusé de répondre directement à des questions de l’opposition sur les allégations de corruption dont faisait l’objet sa formation, se limitant à dire que l’affaire était entre les mains de la police.

Le Directeur général des élections (DGE) de l’Ontario avait conclu lui aussi qu’il y avait dans cette histoire alléguée de trafic d’influence, des « contraventions apparentes » à la loi électorale de la province.

Kathleen Wynne a dit « prendre au sérieux » les accusations déposées contre son ancien organisateur à Sudbury mais n’a pas voulu commenter davantage le dossier, le 24 septembre. « Je n’ai jamais cru que mon personnel avait fait quelque chose de mal », a-t-elle réitéré au sujet de sa chef de cabinet adjointe, blanchie par la police.

L’opposition à Queen’s Park, qui a fait ses choux gras de l’« affaire Olivier » tout l’hiver, a pilonné de nouveau le gouvernement libéral.

Le chef progressiste-conservateur Patrick Brown a exhorté la première ministre, « si elle a une once d’intégrité », à se retirer le temps du procès de son organisateur sudburois. Le député néo-démocrate Gilles Bisson a lui aussi insinué que la chef libérale en avait beaucoup à se reprocher dans cette affaire. « Si Patricia Sorbara est blanchie, qui a donné l’ordre à Gerry Lougheed d’intervenir », a-t-il demandé dans la Législature.

En pleine campagne électorale, le Nouveau Parti démocratique (NPD) du Canada, qui n’a jamais pardonné à Glenn Thibeault sa défection, ne s’est pas gêné non plus pour rappeler les liens entre Gerry Lougheed et les libéraux fédéraux de Justin Trudeau. « Le bailleur de fonds de M. Trudeau a été accusé dans une affaire de corruption électorale. C’est encore un autre exemple de la culture du « tout-m’est-dû » qui règne dans les rangs libéraux et conservateurs depuis trop longtemps », a laissé tomber le néo-démocrate Charlie Angus, candidat dans Timmins–Baie-James.

S’il est reconnu coupable, Gerry Lougheed pourrait écoper au maximum d’une peine de cinq ans d’emprisonnement.