Statistique Canada : les francophones attendent plus

Le président de la FCFA, Jean Johnson. Archives ONFR+

OTTAWA – En dévoilant sa mise à jour des données linguistiques du recensement de 2016, le jeudi 17 août, Statistique Canada a déclaré vouloir rebâtir la confiance du public envers son travail. La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada n’a pas manqué l’occasion de saisir la balle au bond.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Au moment de faire la mise à jour des données linguistiques du recensement de 2016, le directeur général, Programme du recensement de la population, à Statistique Canada, Marc Hamel reconnaissait que son organisme allait devoir regagner la confiance du public, après avoir été alerté d’erreurs dans ses données la semaine dernière.

« Il est primordial pour nous d’avoir une information de qualité. On reconnaît que nous avons une côte à remonter. Le fardeau est sur nous de rétablir cette confiance et nous commençons aujourd’hui en réagissant très vite à l’erreur qui a été constatée. »

Le directeur général à Statistique Canada a reconnu qu’il ne s’agissait pas de la première erreur lors d’un recensement. Il assure toutefois que les données de 2016, désormais révisées, sont de qualité et fiables.

La demande de la FCFA

Après fait part d’une « confiance ébranlée » envers l’institution fédérale en entrevue avec #ONfr au moment où Statistique Canada révélait son erreur, le président de la FCFA, Jean Johnson, se montre satisfait et profite du mea culpa de l’organisme pour passer un message.

« Statistique Canada a réagi rapidement et il faut les en féliciter. Ils disent désormais vouloir rebâtir la confiance avec le public et nous pensons qu’une bonne manière de le faire serait de répondre à notre demande d’ajouter des questions et d’améliorer le questionnaire pour le recensement de 2021. »

L’organisme porte-parole des francophones en contexte minoritaire, comme plusieurs organismes francophones provinciaux, demandent notamment, depuis plusieurs mois, d’ajouter des questions au recensement afin de mieux compter les ayants droit. Ils estiment que les données actuelles ne sont pas assez précises pour bien prévoir les besoins en éducation, ce qui crée des situations de surpopulation dans les écoles.

« Améliorer les données statistiques, notamment en tenant mieux compte des couples exogames, permettrait pour nous comme pour les gouvernements de mieux planifier nos besoins en infrastructures et en programmes. Tout commence avec des informations exactes dans le recensement! »

Un chercheur francophone dubitatif

Dans la communauté des chercheurs francophones, les déboires de Statistique Canada avait fait s’interroger plusieurs d’entre eux sur la confiance à accorder aux données de 2016.

Le politologue de l’Université d’Ottawa, Martin Normand, qui a suivi la saga des chiffres erronés, reste encore dubitatif.

« J’arrive mal à m’expliquer comment on a pu en arriver à une telle erreur, surtout que celle-ci est répartie sur un grand territoire et ne concerne pas qu’un seul endroit bien précis », commente-t-il.

S’il se dit prêt à faire confiance aux informations révisées, il invite l’organisme fédéral à aller plus loin dans son étude linguistique.

« Il faut mieux expliquer les variations qui ont été révélées entre 2011 et 2016. En 2006, Statistique Canada avait fait un exercice post-censitaire qui avait permis de faire un portrait plus complet des francophones en contexte minoritaire et de leurs habitudes [Les minorités prennent la parole : résultats de l’Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle]. Cet outil avait été très utile aux chercheurs. »

Selon M. Normand, la situation difficile du français au Canada, notamment dans les provinces hors Québec, justifie d’aller plus loin.

« On ne peut pas juste dire que les gouvernements ne font pas leur travail ou qu’ils n’investissent pas assez, car ça sonne comme une vieille cassette et ce n’est pas la seule raison des problèmes démographiques que rencontre le français. Il y a un contexte économique à analyser, il faut mieux comprendre l’attrait de l’anglais chez les francophones… Statistique Canada doit creuser plus loin. »