Santé : une « navigatrice » pour aider à s’y retrouver

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TORONTO – Les patients francophones du comté de Simcoe, au sud de la baie Georgienne, peuvent maintenant compter sur une « navigatrice » du service de santé en français. Cette nouvelle ressource permettra aux patients de langue française de mieux se retrouver dans un système de santé qualifié de « très complexe » par plusieurs.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

« Mon travail est d’encourager les francophones à utiliser les services qui existent dans leur langue et à les trouver. Souvent, il y a un stigma et les patients sont gênés de demander des services dans leur langue et se forcent à parler en anglais », explique Anne Gamble, la toute nouvelle navigatrice du système de santé en français du Centre de santé communautaire Chigamik de Midland.

Elle est la première francophone à assumer un tel rôle dans la province, et ce, grâce aux sommes débloquées dans le cadre d’un projet pilote mis en place par le gouvernement fédéral et appuyé par pléiade d’acteurs provinciaux.

« Je suis une francophone de la communauté, née dans le canton de Tiny près de Penetanguishene, et je suis en train de me faire connaître là où les familles francophones se tiennent, notamment les écoles et les garderies. Il faut faire tomber les barrières et sensibiliser la communauté », affirme Mme Gamble.

Concrètement, le navigateur en santé agit comme intermédiaire, conseiller et guide pour les patients qui doivent tenter de se retrouver dans le système de santé, explique Julie Lanteigne, directrice du Réseau franco-santé du sud de l’Ontario.

« Le système de santé francophone en Ontario n’est pas aussi clair que celui anglophone. Il n’y a pas de petite carte qui dit comment aller du point A au point B. Le navigateur va travailler avec le médecin, les infirmières ou le diététiste, par exemple, pour aider le patient à cheminer entre les différents intervenants. Il peut trouver un professionnel, s’assurer qu’un système de traduction en français est disponible ou aider à d’autres niveaux », dit-elle.

L’arrivée d’une navigatrice démontre-t-elle une complexification de plus en plus importante du système de santé? « Le système a toujours été compliqué, à mon avis. Le patient va parfois vouloir demander de l’aide à son médecin, mais il a un temps limité et ne peut pas expliquer le système au patient. Sa secrétaire, elle, ne peut pas faire le suivi entre les spécialistes. Il y avait un manque, surtout avec le vieillissement de la population », selon Julie Lanteigne, directrice du Réseau franco-santé du sud de l’Ontario.

L’implantation d’une personne de confiance permettant de faire connaître les ressources constitue une bonne nouvelle dans le contexte actuel, selon la députée néo-démocrate France Gélinas, porte-parole de l’opposition en matière d’Affaires francophones et de Santé. À son avis, les patients ont maintenant plus de mal à frapper à la bonne porte.

« Avant tout se concentrait autour du médecin de famille. Le système est rendu très complexe. Ça a explosé dans les dernières années, on pourrait rendre ça beaucoup plus simple. Actuellement, les francophones pensent qu’en demandant des services en français, ils devront attendre plus longtemps. La navigatrice permettra aux francophones de mieux se retrouver dans le système », dit-elle.

La navigatrice permettra aussi une utilisation optimale des services francophones actuels, selon la députée. « Quand une ressource francophone n’est pas utilisée, les anglophones vont l’utiliser. On les garde occupé les professionnels, quoi qu’il arrive. Si on s’assure que les francophones vont toujours frapper à la bonne porte, on s’assure aussi que la ressource est utilisée pleinement et on peut ensuite justifier plus de ressources et la création de nouveaux programmes », souligne-t-elle.à

Accès aux services en français

Michel Tremblay de la Société de santé en français affirme que l’accès à des services dans la langue de Molière demeure un défi dans la province.

« Il est clair pour nous que les services d’interprétariat, d’accompagnement et de navigation ne sont pas la solution optimale, celle-ci demeurant la communication directe avec un professionnel de la santé apte à comprendre la français et à s’exprimer dans cette langue », fait-il valoir. « Cela étant dit, il est reconnu que pour des communautés ou la population de francophone est minime, ou pour des régions plus isolées ou éloignées, l’interprétation ou l’accompagnement peut bien servir la population », ajoute M. Tremblay.

Bien souvent les francophones payent le prix de l’unilinguisme de leur interlocuteur et sont forcés d’accepter de ne pas recevoir de services dans leur langue. « Si le professionnel de la santé n’est pas bilingue, le client francophone se trouve à soit ne pas comprendre le professionnel ou à tenter de s’exprimer dans sa deuxième langue. Les formulaires à remplir ne sont souvent pas bilingues non plus », souligne-t-il.

L’initiative de navigatrice du système de santé en français de Chigamik prendra fin en mars prochain. Si les résultats sont satisfaisants, de telles navigatrices pourraient voir le jour un peu partout dans la province.