Right scandaleux?

Le logo des Jeux de la francophonie canadienne 2017 a suscité la controverse. FJCF

[CHRONIQUE]

Le slogan des Jeux de la francophonie (JFC) 2017 a récemment été dévoilé. Sur toutes les affiches, sur les promos, sur les tee-shirts de cet événement qui vise à rassembler et à faire vivre à des jeunes francophones un éveil identitaire et culturel dans leur langue, on verra écrits les mots suivants : Right fiers.

CÉLESTE GODIN
Chroniqueuse invitée
@haligeenne

Vous imaginez la controverse que ça cause. Les lettres ouvertes et les éditoriaux fusent de partout, comme ici, ici ou encore ici, ainsi que dans un texte de l’ancien président de l’organisme à la tête des JFC, entre autres. Moncton-Dieppe est à son meilleur quand tout le monde est fâché et en train d’écrire.

Est-ce qu’un slogan écrit à moitié en anglais mène les jeunes francophones sur la bonne voie? Est-ce que cela revient à afficher notre assimilation d’un océan à l’autre? Quel message est-ce que ça envoie, à des jeunes qui se cherchent en francophonie, de leur faire affirmer leur fierté de façon bilingue? Est-ce les JFC ou les « Jeux bilingues des déjà-assimilés »? Ces questions sont importantes, et la « vieille garde » ne peut s’empêcher de les poser, par l’entremise de son outrance et de son rejet du slogan.

Il est vrai qu’il est déjà difficile de donner à des jeunes vivant en situation minoritaire des expériences pleinement francophones. Il est vrai aussi que les gens qui ne vivent pas dans la région hôtesse des JFC 2017, Moncton-Dieppe, percevront ce slogan comme étant à moitié en anglais, même si ce mélange est parfaitement naturel aux francophones de la région (« why que vous gettez pas la way qu’ils parlent? »). Il est vrai que c’est important de se demander si avec les jeunes, il est mieux de demeurer accessibles en parlant comme ils parlent pour les rendre à l’aise, ou de « niveler vers le haut » en les exposant à davantage de vocabulaire et de culture française. Mais il est vrai aussi que ce slogan n’est pas de nos affaires!

Avant de sortir nos sabres pour partir en guerre contre ce slogan, il est essentiel de comprendre d’où il vient. Les JFC sont organisés par la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), un organisme mené par des jeunes de partout au pays. Cet organisme, comme ce slogan, fonctionne selon la philosophie « par et pour les jeunes ». Contrairement à des activités qui ont les jeunes comme public cible mais ont des « adultes » comme gestionnaires, les décideurs des JFC sont des jeunes, sont nos jeunes.

Par et pour les jeunes

« Par et pour les jeunes » signifie que ce sont eux qui sont réellement à la barre du bateau et prennent les décisions qu’ils veulent. Comme adulte, être un allié de ces jeunes n’est pas toujours évident. Ils prennent parfois des grosses décisions avec peu d’expérience, ils ne nuancent pas toujours leurs propos, et il faut entendre ce qu’ils voulaient dire plutôt que ce qu’ils ont réellement dit. Parfois, ils prennent des décisions qui sont objectivement un mauvais choix. Mais être un allié des jeunes veut dire : respecter l’autonomie de leurs décisions. Oui, tenter de leur transmettre l’information ou le contexte qu’ils n’ont peut-être pas, mais respecter que ce sont leurs organismes, leurs événements, leurs décisions, leurs slogans. Et s’ils font des erreurs, patiemment les laisser apprendre les leçons qui viennent avec. Les laisser être « right fiers », et être soulagés qu’ils ne soient pas plutôt « not proud at all ».

Ce slogan est un test parfait pour savoir si on est des alliés de ces jeunes. Pouvons-nous surmonter notre inconfort avec leur slogan et appuyer leur autonomie?

Pour les avoir connus personnellement*, je suis certaine que les jeunes qui ont fait le choix de ce slogan étaient parfaitement conscients de la controverse qui viendrait avec, mais qu’ils ont choisi d’affirmer leur identité comme ils la sentent pareil. Ils vivent déjà la première vague de défis avec la réaction virulente de certains membres de la communauté.

Soit ils seront contents de leur choix et de s’être affirmés à contre-courant, soit ils regretteront d’avoir causé de la division auprès de la communauté d’accueil et les défis que ce slogan aura engendrés. Mais peu importe, ce n’est pas de nos affaires non plus.

On déplore constamment le manque de jeunes impliqués en francophonie. On les veut sur nos conseils d’administration, présents à nos activités, sans avoir besoin de s’adapter pour inclure une autre génération. On veut qu’ils soient de fiers francophones et qu’ils s’affichent, mais seulement en français standardisé. On veut qu’ils changent le monde, pourvu qu’il reste comme nous l’avons imaginé.

Soyons plutôt « right fiers » que ces jeunes aient osé, tout simplement.

Céleste Godin est une écrivaine et militante acadienne de la Nouvelle-Écosse.

*Note de la rédaction de #ONfr : Céleste Godin a travaillé comme directrice générale du Conseil Jeunesse Provincial de la Nouvelle-Écosse (CJPNE).

Note : Les opinions exprimées dans les chroniques publiées sur #ONfr n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position de #ONfr et du Groupe Média TFO.