Rentrée parlementaire à Queen’s Park : l’ombre du Sudburygate

Le ministre de l’Énergie de l’Ontario, Glenn Thibeault, avait remporté en février 2015 l'élection partielle à Sudbury sur fond de scandale.

[ANALYSE]

TORONTO – Le hasard du calendrier fait bien mal les choses pour Kathleen Wynne. La rentrée parlementaire à Queen’s Park ce lundi coïncide avec le début du procès des deux organisateurs pour corruption électorale à Sudbury. Une affaire pour laquelle la première ministre témoignera même ce mercredi.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Minée par une popularité déjà en berne, Mme Wynne n’avait sans doute pas besoin du Sudburygate pour amorcer les travaux d’automne à Queen’s Park. Les événements de janvier 2015 lors de l’élection partielle à Sudbury – une soi-disant offre du Parti libéral à Andrew Olivier pour renoncer à sa candidature en échange d’un emploi ou d’une nomination – continuent de hanter depuis deux ans et demi l’équipe de la première ministre.

Que risque véritablement Kathleen Wynne au cours de ce procès qui s’échelonne sur deux mois? La condamnation des deux organisateurs, Patricia Sorbara, éminence grise de la première ministre, et de Gerald Lougheed, connu pour sa capacité à récolter des fonds pour le Parti libéral, pourrait coûter quelques plumes au gouvernement.

Surtout, les projecteurs médiatiques braqués sur le Palais de justice de Sudbury auront une résonnance très défavorable pour l’équipe libérale. Une faille que ne manqueront pas d’exploiter les progressistes-conservateurs et les néo-démocrates dès les premiers débats cette semaine à Queen’s Park.

En somme, c’est moins la possible condamnation des deux organisateurs qui laissera des traces que le sentiment de cacophonie qui émergera de l’Assemblée législative de l’Ontario.

Des possibilités de rebondir pour Wynne

Mal embarqué à neuf mois des élections provinciales, le gouvernement libéral dispose tout de même de quelques atouts pour s’en sortir. La grogne contre la hausse des factures d’électricité pourrait s’estomper, en raison de la baisse de celles-ci décidée au printemps dernier.

La première ministre a déjà commencé le travail de séduction, notamment auprès de sa base de gauche, avec le salaire minimum à 15 dollars de l’heure dont les consultations publiques ont animé l’été. Pour satisfaire son aile droite, le Parti libéral continuera de s’afficher en bon gestionnaire, malgré les réserves sur les chiffres de la Vérificatrice générale.

Les enjeux francophones à la loupe

Il faudra par ailleurs surveiller à la loupe les intentions du gouvernement Wynne pour les francophones.

On se souvient que la session printanière à Queen’s Park s’était achevée avec une surprise de taille : le dépôt d’un projet de loi pour enchâsser dans la Loi sur la ville d’Ottawa le règlement municipal sur le bilinguisme et la politique de la Ville sur les services en français. Reste à surveiller si le processus ira maintenant au bout, donnant à la capitale du Canada le statut toujours refusé par le maire Jim Watson.

Autre « dossier franco-ontarien » sur lequel les libéraux sont attendus au tournant : la refonte de la Loi sur les services en français. Marie-France Lalonde s’y était en tout cas engagée lors du trentième anniversaire de la loi il y a un an. Depuis, les choses traînent…

Enfin, il sera très intéressant de voir si une somme supplémentaire sera accordée au ministère des Affaires francophones, dorénavant indépendant depuis fin juillet.

Avant le grand rendez-vous électoral de juin 2018, les Franco-Ontariens ne peuvent être négligés par le gouvernement, tant ils occupent des circonscriptions clés. Sudbury, lieu de tous les regards ces prochaines semaines, est de celles-là. La ville du Nord sera le théâtre de l’échec ou du sursaut des libéraux.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 11 septembre.