Réfugiés francophones LGBT : financement incertain

Le drapeau de la communauté LGBTQ et le drapeau franco-ontarien. Archives ONFR+

TORONTO – Des dizaines de réfugiés et demandeurs d’asile francophones en Ontario issus de la communauté des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) ont obtenu l’aide de l’organisme FrancoQueer, au cours de la dernière année. Le financement à très court terme de ce programme d’aide de première ligne est pourtant incertain.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

« On attend toujours de voir si notre financement sera renouvelé. L’Ontario a un objectif de 5% d’immigration francophone et il y a une part de ces gens qui sont LGBT. Ils ont des réalités particulières. On est là pour eux, ils ont besoin de nous », affirme d’emblée Arnaud Baudry, président de FrancoQueer. Son organisme a développé un programme inédit visant à permettre l’intégration de cette clientèle en Ontario et à veiller à leur offrir l’aide psychologique dont elle a souvent besoin.

« Un rapport de 2013 concluait que les services auparavant offerts n’étaient pas nécessairement accueillants pour les LGBT. Dans certains organismes, il y a encore des incompréhensions sur ce que c’est d’être gay, lesbien, transgenre ou queer », explique M. Baudry.

FrancoQueer a développé une expertise au cours des derniers mois, notamment lorsque vient le temps de conseiller les réfugiés qui ont été victimes de violence en raison de leur orientation sexuelle.

« Devant le juge d’immigration, on les aide à présenter leur histoire. Plusieurs viennent de pays où il est illégal d’être homosexuel, donc plusieurs ne sont pas à l’aise de communiquer sur ce sujet. On les accompagne dans tout le processus », explique Arnaud Baudry. Les nouveaux arrivants LGBT se font aussi orienter vers les bonnes ressources pour le traitement du VIH, pour obtenir de l’aide psychologique ou une assistance psychosociale.

« Ces personnes ont dû fuir leur pays pour sauver leur vie menacée en raison de leur orientation sexuelle. Lorsqu’ils nous racontent leur histoire, ça donne la chair de poule. Ils sont seuls. Sans famille. Certains ont besoin d’aide en santé mentale, d’autres de se rebâtir un réseau, on aide sur tous ces plans », explique Ronald Dieleman, qui est le consultant engagé pour épauler les nouveaux arrivants. Il travaille bien souvent dans les bureaux d’organismes partenaires, alors que FrancoQueer n’a pas les moyens nécessaires pour s’offrir son propre espace de travail.

L’organisme FrancoQueer aide maintenant une clientèle fidèle et chaque mois de nouvelles personnes font appel à ses services. Tout s’arrêtera-t-il au cours des prochains jours? C’est une possibilité.

Une porte-parole du ministre de l’Immigration, Michael Chan, a indiqué que FrancoQueer avait reçu des sommes dans le cadre d’un « projet de recherche ». Dans une courte déclaration envoyée à #ONfr, le gouvernement fait savoir qu’il compte étudier les recommandations du groupe d’experts sur l’immigration francophone qui se trouveront dans un rapport à être déposé prochainement.

FrancoQueer a fait une demande pour un financement stable pour les trois prochaines années. La porte-parole du ministre Chan affirme que cette demande est étudiée, sans préciser si une décision sera prise avant le dépôt du rapport sur l’immigration francophone, dont la date de publication est toujours inconnue.

Bris de service à prévoir?

Cette incertitude cause tout un casse-tête à FrancoQueer. « Qu’est-ce qui arrivera quand nous n’aurons plus de fonds? Les besoins continuent à exister. Il y a des liens qui se sont créés. On va devoir continuer à aider les gens, mais probablement bénévolement », souligne Ronald Dieleman.

Veut-on voir les nouveaux arrivants francophones s’intégrer en français ou en anglais à Toronto, se questionne Ronald Dieleman. « Même si nous sommes dans un contexte anglophone, il faut leur permettre de s’émanciper en français », tranche-t-il. Une nécessité encore plus grande pour ceux qui ont dû taire si longtemps une partie d’eux-mêmes, ajoute-t-il.

« S’ils ne peuvent pas exprimer leurs préoccupations dans leur langue et discuter de leur orientation sexuelle, c’est comme s’ils continuaient à vivre ce qu’ils ont vécu dans leur pays. C’est comme s’ils étaient encore condamnés au silence et à rester dans le placard », dit-il pour souligner l’importance pour ces nouveaux arrivants d’avoir des confidents francophones sensibles à leur réalité.

Il se dit fier des échanges menés avec les organismes anglophones au cours des derniers mois. FrancoQueer assure maintenant une présence dans plusieurs de ces organisations – 519, Black coalition for Aids prevention et Centre canadien pour victimes de torture – où peuvent se trouver des immigrants francophones LGBT qui auraient besoin de ses services. Plusieurs Néo-Canadiens aboutissent chez FrancoQueer, souligne M. Dieleman.

Outre ses services d’aide aux nouveaux arrivants, FrancoQueer a aussi un volet culturel et social où il développe des activités pour les membres de la communauté LGBT du Grand Toronto et de l’Ontario.