Quarante ans de « petits pas »

Le drapeau franco-ontarien. Archives ONFR+

[ANALYSE]

Il y a 40 ans, le drapeau de l’Ontario français flottait pour la première fois à Sudbury. À peu près à la même époque, à Queen’s Park, le gouvernement progressiste-conservateur de Bill Davis adoptait sa politique officieuse des « petits pas » pour donner à la minorité francophone de la province de meilleures institutions. Donner, oui. Mais pas trop vite.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Il s’est donc écoulé quatre décennies depuis le jour où les francophones de l’Ontario se sont donné leur plus illustre symbole et le jour où leur gouvernement provincial a commencé à leur concéder plus régulièrement des petits gains.

Il n’y a pas de doute que les « petits pas » de M. Davis ont permis à la communauté franco-ontarienne, qui compte aujourd’hui plus d’un demi-million de membres, d’avancer considérablement sur le chemin de la gouvernance. Cette communauté qui, rappelons-le, n’avait même pas en 1975 la pleine gestion de ses écoles, a aujourd’hui le contrôle d’un réseau de conseils scolaires auxquels sont inscrits plus de 100000 élèves.

Les temps ont beaucoup changé depuis 40 ans.

Mais hormis quelques pas de géant, comme l’adoption d’une loi sur les services en français sous David Peterson et la création d’un commissariat sous Dalton McGuinty, la politique des « petits pas » est toujours bien imprégnée dans les boiseries à Queen’s Park. On n’a qu’à penser à ce projet d’université franco-ontarienne auquel la province a répondu, dans un premier temps, par une simple bonification des programmes d’études dans la région de Toronto.

Dans certains cas, la francophonie fait du sur-place. C’est le cas à Oshawa, où la minorité tente à contre-courant d’obtenir une désignation régionale en vertu de la Loi sur les services en français. À Penetanguishene, où un hôpital est condamné à fermer malgré une protection partielle des soins en français, on peut même parler d’un recul.

 

Prendre le bâton de pèlerin

Si la province estimait qu’il y avait un risque de brusquer une majorité anglophone encore peu habituée au concept de dualité linguistique vers 1975, quelle raison peut-elle invoquer en 2015 pour toujours réduire à des « petits pas » les ambitions les plus légitimes des francophones? Le ressac serait-il toujours aussi grand?

Ceci dit, il n’y a pas qu’à la province de faire son bout de chemin.

Les francophones de l’Ontario doivent aussi prendre – et reprendre tant qu’il le faudra – le bâton de pèlerin pour convaincre leurs élus et l’ensemble de leurs concitoyens que leur langue et leur culture ajoutent à la vitalité économique et sociale de la province. Ils doivent démontrer que le français, c’est bon et c’est payant.

À quand une étude sur les bienfaits du français sur l’économie d’Ottawa pour convaincre le conseil municipal d’adopter une politique de bilinguisme officiel? À quand un plan d’affaires exhaustif pour appuyer la revendication d’une université « par ou pour » les francophones? À quand une campagne pour enrôler des anglophones dans un mouvement pour une province bilingue?

Un peuple ne peut pas toujours marcher dans les « petits pas » des autres.