Publicité fédérale : encore une année difficile pour les médias francophones

Crédit photo: Benjamin Vachet

OTTAWA – La diminution des dépenses en publicité du gouvernement fédéral s’est poursuivie en 2015-2016 dans l’ensemble des médias, dont notamment ceux de langues officielles.

BENJAMIN VACHET
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Dans son rapport annuel sur les activités de publicité du gouvernement du Canada 2015-2016, publié récemment, le ministère des Services publics et de l’Approvisionnement rapporte que 42,2 millions de dollars ont été dépensés pour l’exercice 2015-2016, contre 68,7 millions de dollars pour l’année précédente, très loin des 86,9 millions de dollars dépensés en 2006-2007.

(Source : des Travaux publics et Services gouvernementaux )

Pour les médias de langues officielles en situation minoritaire les dépenses en publicité à la radio et dans la presse écrite ont été de 460 065 $ en 2015-2016, contre 615 582 $ l’année précédente. Un chiffre, là encore, très éloigné des 2,7 millions de dollars qui avaient été dépensés dans ces médias par le gouvernement fédéral en 2006-2007.

(Source : des Travaux publics et Services gouvernementaux )

De cette somme, les médias francophones à l’extérieur du Québec se sont partagé 300 356 $, soit 101 828 $ pour la presse écrite et 198 528 $ pour la radio, ce qui représente une baisse de 37 % par rapport à 2014-2015. À l’époque, les radios et journaux francophones en situation minoritaire avaient obtenu 411 687 $. En 2006-2007, cette somme était de 1,69 millions de dollars.

Contexte

Le ministère explique la diminution générale du budget de publicité « en raison d’une suspension obligatoire de la publicité lors de l’élection fédérale qui s’est étendue sur une période de 94 jours ». Compte tenu du délai entre le jour de l’élection et l’assermentation du nouveau gouvernement, « la publicité a été suspendue du 2 août au 4 novembre 2015 », explique-t-on.

En tenant compte de cette « pause électorale », les dépenses publicitaires dans les médias de langues officielles ont donc été proportionnellement plus élevées cette dernière année.

Mais dans l’absolu, les radios et la presse écrite ont dû composer avec une baisse qui se poursuit depuis 2006-2007, exception faite de l’année 2009-2010 avec la crise du H1N1, explique le président de l’Association de la presse francophone (APF), Francis Sonier.

« Ce rapport décrit une situation que nous connaissons déjà bien. La longue campagne électorale a effectivement eu impact, mais le rapport traduit surtout une tendance générale à la baisse que nous constatons depuis dix ans. Et les signaux que nous avons reçus de la part du gouvernement l’automne dernier ne nous incitent pas à l’optimisme, car cette somme devrait encore baisser. »

Tendance lourde

En y regardant de plus près, l’argument électoral évoqué par le ministère pour expliquer la baisse des dépenses publicitaires ne saurait expliquer à lui seul les montants plus faibles dépensés la dernière année. Si on compare les montants alloués à la publicité en 2015-2016 aux autres années où se déroulaient des élections fédérales, la tendance à la baisse est marquante.

En 2008-2009, les dépenses publicitaires atteignaient 79,5 millions de dollars, et lors de l’année électorale de 2011-2012, 78,5 millions de dollars.

« La différence, c’est que la campagne a été plus longue et qu’avec ce gouvernement, il n’y a eu aucune activité de publicité pendant la transition, alors que parfois, l’activité reprend plus rapidement », justifie Louise de Jourdain, directrice de la coordination de la publicité au ministère Services publics et de l’Approvisionnement.

La porte-parole du ministère reconnaît toutefois que la diminution des dépenses publicitaires est là pour rester. Dans le dernier budget, le gouvernement libéral s’est engagé à diminuer de 40 millions de dollars les dépenses de publicité par rapport à la moyenne des dix dernières années. Il est donc à prévoir que le budget annuel de publicité du gouvernement fédéral reste situé autour de 40 à 45 millions de dollars, prévoit le ministère.

« Dans certaines communautés, la publicité se vend moins bien et les recettes publicitaires issues du gouvernement fédéral deviennent d’autant plus essentielles. En ne publiant pas dans nos journaux, le gouvernement fédéral ne permet pas aux médias de langues officielles en situation minoritaire de s’épanouir, et donc à la communauté de s’épanouir », regrette M. Sonier.

Cet argument a récemment été repris dans un rapport préliminaire d’enquête du Commissariat aux langues officielles qui recommande au gouvernement fédéral d’adopter des « mesures positives afin de contribuer au rayonnement des médias communautaires » et également « des mesures palliatives pour remédier aux effets négatifs observés ou pour les atténuer, en concertation avec les représentants de ces médias ».

D’autant qu’outre la diminution de la somme totale accordée aux dépenses publicitaires, le gouvernement continue de privilégier internet. Les dépenses en publicité numérique ont en effet augmenté de 21 % en 2015-2016 et le ministère prévoit une croissance dans le futur. Le gouvernement a confirmé ce choix dans sa nouvelle politique de communication.

Autres sources de financement

Si l’APF continue de militer pour une augmentation des budgets publicitaires, elle dit également essayer de trouver de nouvelles sources de financement.

« Nous avons réalisé un cahier spécial sur le centenaire du droit de vote des femmes en 2016. On prépare deux autres cahiers de ce genre cette année. C’est un contenu informatif et publicitaire qui ne menace pas l’indépendance éditoriale de nos journaux, mais qui est une source de revenu non négligeable », assure-t-il.

Le cahier spécial sur l’histoire du droit de vote des femmes a été financé à hauteur de 190 800 $ par Patrimoine canadien. Mais cette autre source de financement ne saurait toutefois assurer seule la survie des médias de langues officielles.

« Nous demandons toujours une aide annuelle d’opération et voudrions également que soit augmenté le pourcentage du budget total de dépenses publicitaires du gouvernement fédéral qui est consacré aux médias de langues officielles. »

Selon les chiffres du rapport, seulement 1,1 % du budget total des publicités fédérales est consacré à la presse écrite et aux radios de langues officielles. Il s’agit d’une amélioration par rapport à l’année passée, puisque les médias de langues officielles avaient reçu 0,9 % de l’enveloppe globale en publicité. En 2006-2007, cette part était de 3,1 %.

« On pense que ce pourcentage (consacré aux médias de langues officielles) devrait refléter le poids démographique des communautés de langues officielles en situation minoritaire, ce qui n’est pas le cas actuellement », conclut le président de l’APF.