Plaidoyer pour la représentation effective dans la francophonie canadienne

La création d'une commission d’étude sur la représentation effective en Nouvelle-Écosse ouvre une voie pour la francophonie canadienne. Crédit image : Facebook FANÉ

[CHRONIQUE]

La Nouvelle-Écosse aura une commission d’étude sur la représentation effective. On se souviendra qu’en janvier dernier, la cour d’appel de la province statuait que l’abolition des trois « circonscriptions acadiennes » ne respectait pas le principe de la « représentation effective » des minorités. À mon sens, le travail effectué par la commission d’étude d’ici le 1er novembre sera d’une importance définitive pour la collectivité acadienne néo-écossaise, mais aussi pour la francophonie canadienne dans son ensemble.

REMI LÉGER
Chroniqueur invité
@ReLeger

La représentation effective est une piste peu explorée en francophonie canadienne. Notre lexique politique est plutôt dominé par la vitalité linguistique, la complétude institutionnelle ou encore la formule désormais incontournable de la Loi sur les langues officielles, « favoriser l’épanouissement des minorités et appuyer leur développement ».

Dans la cause sur l’abolition des « circonscriptions acadiennes », la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANÉ) et son avocat, le professeur Michel Doucet, ont fait intervenir ce principe peu exploré de la représentation effective. Dans une décision rendue il y a plus de 25 ans, la Cour suprême du Canada statuait que la représentation effective exige un équilibre entre d’une part, la parité électorale (une personne, un vote) et d’autre part, la représentation des groupes en situation minoritaire.

En janvier dernier, la cour d’appel donnait raison à la FANÉ en statuant que la nouvelle carte électorale enfreint la représentation effective. C’est en réponse à cette décision que le gouvernement néo-écossais créait, il y a deux semaines, une commission d’étude qui vise à réfléchir à la représentation effective de la collectivité acadienne et de la minorité noire.

Selon Michel Samson, ministre des Affaires acadiennes et de la Francophonie, cette commission d’étude « dépassera l’examen de la délimitation des circonscriptions électorales et aidera à déterminer les moyens pour les groupes minoritaires de participer activement et d’être représentés dans le processus électoral ».

 

Une triple importance

À mon sens, le travail de la commission d’étude sera d’une importance définitive pour la francophonie canadienne dans son ensemble. Pourquoi?

En premier lieu, parce que la représentation effective est un « principe constitutionnel ». Cela n’est pas une réflexion théorique qu’un gouvernement pourra rejeter du revers de la main. Tout principe constitutionnel a une certaine pesanteur dans la vie politique canadienne. En définissant les contours et la portée de la représentation effective, la commission d’étude contribuera à outiller la collectivité acadienne néo-écossaise, mais aussi les minorités francophones au pays, qui voudraient revendiquer une meilleure représentation politique dans leur province ou au palier fédéral.

En deuxième lieu, parce que le travail accompli risque d’orienter les discussions futures. À ma connaissance, la commission d’étude créée par le gouvernement néo-écossais est la première en son genre au pays. Son travail permettra donc de préparer le terrain pour des réflexions similaires ailleurs au pays. En effet, il y aurait lieu de mener la même réflexion pour les Acadiens, les Franco-Ontariens, les Franco-Manitobains, les Fransaskois, les Franco-Albertains et les Franco-Colombiens.

En troisième lieu, parce que la représentation effective permettra aux minorités francophones de réinvestir l’arène politique. L’action en justice a certes porté ses fruits depuis 1982 (les décisions Mahé, Beaulac ou Rose-des-vents), mais elle a aussi connu son lot d’échecs (la décision Caron ou encore la décision de 1 601 pages sur les écoles françaises en Colombie-Britannique).

Il ne faut pas penser que la représentation effective sera une panacée, mais en ayant des représentants dans les assemblées législatives, les minorités francophones pourront participer de l’intérieur aux débats politiques sur des enjeux névralgiques pour leur avenir.

En terminant, la représentation effective ouvre la voie à de nouveaux horizons pour les minorités francophones au pays. Il est à souhaiter qu’elles saisiront l’occasion pour délaisser l’arène juridique et réinvestir l’arène politique.

 


Rémi Léger est professeur en sciences politiques à l’Université Simon Fraser, à Vancouver.

Note : Les opinions exprimées dans les chroniques publiées sur #ONfr n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position de #ONfr et du Groupe Média TFO.