Penetanguishene : un carrefour communautaire au lieu d’un hôpital

L'hôpital de Penentanguishene.

[EXCLUSIF]

TORONTO – Face à la grogne provoquée par la fermeture annoncée de l’hôpital de Penetanguishene, le gouvernement de l’Ontario plancherait sur une solution alternative qui mise sur l’ouverture d’un carrefour communautaire de santé. Un projet qui est accueilli avec une dose de scepticisme par certains acteurs francophones.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

« Lorsque le gouvernement a constaté que les francophones étaient très fâchés par la fermeture de l’hôpital, le ministère de la Santé nous a contacté pour voir si nous pouvions offrir des services de santé en français dans la municipalité », a révélé à #ONfr, David Jeffery, directeur général du centre de santé communautaire Chigamik.

Son organisme est déjà bien implanté dans la ville voisine de Midland, mais le projet présentement sur la table verrait la communauté de Penetanguishene hériter de son propre centre multidisciplinaire à l’intérieur même de l’ancien hôpital. Chigamik louerait le bâtiment à son propriétaire, l’Hôpital général de la baie Georgienne (HGBG), qui irait ainsi chercher une nouvelle source de revenu.

« Il y aurait sous un même toit entre 15 et 20 organismes qui offriraient chacun des services de santé complémentaires. Ce ne sont pas des services d’urgence, même s’il y aura des médecins. On y trouvera des travailleurs sociaux, des psychologues, des sage-femmes, notamment », affirme M. Jeffery.

L’annonce de la fermeture du campus de Penetanguishene du HGBG a pris de court bon nombre d’acteurs de la province, l’an dernier. La désignation partielle de l’établissement hospitalier, en vertu de la Loi sur les services en français de l’Ontario (Loi 8), aurait dû protéger la pérennité de ce point de service, selon plusieurs intervenants francophones.

Le commissaire aux services en français, François Boileau, doit publier un rapport sur la question au cours des prochains mois. En attendant, des tractations en coulisse sont menées pour trouver une solution tant en matière de services à la population que d’un point de vue politique, ont révélé à #ONfr plusieurs acteurs bien au fait du dossier.

Afin de trouver une sortie de crise, le directeur général du centre de santé communautaire Chigamik affirme que son organisation est disposée à faire une demande de désignation pour le nouveau carrefour de santé.

Entre 3 et 4 millions $ seraient nécessaires pour permettre au carrefour communautaire de voir le jour, selon David Jeffery. Le conseil municipal de Penetanguishene s’est déjà engagé à accorder 375 000$ sur 15 ans pour le projet, ce qui provoquera une hausse de taxe de 3,70$ par propriété.

Invité par #ONfr à réagir sur ce dossier, le gouvernement s’est limité à une très courte déclaration. « Le Ministère est présentement en train d’étudier la proposition, de pair avec le réseau local d’intégration des services de santé (RLISS) de Simcoe Nord Muskoka », a simplement indiqué David Jensen, porte-parole du ministère de la Santé et des Soins de longue durée.

 

Une solution acceptable?

La désignation partielle de l’hôpital de Penetanguishene oblige l’institution à avoir une offre en français dans les services d’admission, de réception, de soins ambulatoires, de ressources humaines et de comptabilité.

La présidente de l’organisme francophone La Clé d’la Baie, Claudette Paquin, affirme qu’en aucun cas il ne serait acceptable pour sa communauté que de voir disparaître certains de ces services. Elle estime que le projet de Chigamik mérite d’être étudié, mais que cela ne constitue pas pour autant une réponse à l’élimination d’un service partiellement désigné.

« Pour éliminer des services désignés, il y a un processus à suivre et ici il n’a pas été suivi. On ne peut pas juste fermer un hôpital partiellement désigné comme ça, les gens de Montfort pourraient vous en parler longtemps », dit-elle. Selon Mme Paquin, le projet de Chigamik doit aller plus loin qu’un simple « amalgame d’organismes communautaires ».

Mme Paquin a été invitée à participer à une séance publique sur le nouveau carrefour de santé, le 24 septembre. « L’invitation nous dit qu’il faut faire un choix entre la fermeture de l’hôpital et l’ouverture d’un nouveau centre de santé communautaire! Il semble évident qu’il y a une partie de poker qui se joue actuellement. L’hôpital de Midland veut recevoir plus d’argent du gouvernement et adopte la ligne dure. Ce n’est pas la première fois qu’on utilise les francophones pour une partie de bras de fer », s’attriste-t-elle.

 

« Vision holistique »

L’une des leaders francophones de la communauté, Anne Gagné, observe de près les développements dans ce dossier. Elle croit que le projet ne peut pas combler la disparition de plusieurs services hospitaliers, mais qu’il a néanmoins une certaine valeur. « Il serait encore pire que l’hôpital devienne un gros éléphant blanc. Si on ne peut combler les exigences du conseil d’administration de l’hôpital de la Baie Georgienne, tous les services vont s’en aller et tout le monde va devoir se trouver d’autres locaux », souligne-t-elle.

Mme Gagné affirme que l’arrivée du carrefour communautaire pourrait avoir des retombées positives. « Le projet de Chigamik permettrait de trouver des locataires pour une partie importante de l’hôpital. Dans cette perspective, l’hôpital de Midland semble disposé à conserver certains services à Penetanguishene », dit-elle.

L’organisme responsable de la planification des services de santé en français dans la région, Entité 4, est impliqué dans le dossier. Sa directrice générale, Estelle Duchon, affirme que l’offre du nouveau carrefour serait différente de celle de l’hôpital. « Par nature, c’est très différent. Ils veulent faire la promotion de la santé physique et mentale de manière très large. Il pourrait même y avoir une banque alimentaire, car il y a une vision holistique de la santé. Ce ne sont pas les mêmes services que ceux d’un hôpital qui seraient au carrefour », précise-t-elle.

Mme Duchon soutient que des efforts importants sont effectués en parallèle par son organisation pour accompagner l’hôpital de Midland dans l’accroissement des services en français. « On travaille avec eux pour qu’ils mettent en place des services en français, même si ce n’est plus sur le site de Penetanguishene. L’hôpital travaille à faire en sorte que c’est possible. Les services en français, c’est par étape et il y a une volonté de leur part de faire plus », dit-elle.