Ontariens au collège pour apprendre le français : quelles motivations?

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TORONTO – Une nouvelle étude permet de mieux comprendre les motivations d’Ontariens anglophones ou allophones qui se mettent à l’apprentissage du français au niveau collégial. Selon les conclusions d’une chercheuse, cette clientèle a aussi besoins de davantage de programmes d’apprentissage de la langue française.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

« Considérant que le Canada est bilingue, plusieurs entreprises veulent que leurs employés parlent les deux langues officielles. Apprendre le français a un impact direct sur le niveau d’employabilité d’une personne », soutient Crystal Brown, qui a mené ses recherches pendant un séjour à l’Université Western de London.

Au total, 40 % des élèves des collèges interviewés par la chercheuse ont décidé de retourner sur les bancs d’écoles apprendre le français pour des raisons professionnelles.

Elle affirme que plusieurs participants à sa recherche ont évoqué un désir d’avoir un salaire plus élevé et font un lien direct entre cette rémunération future et leur capacité à s’exprimer en français.


« J’ai décidé de venir au collège pour le français, car je souhaite avoir un niveau de français qui me permettra d’être compétitive pour mener une carrière au sein du gouvernement fédéral. » – Une participante

« Le français est une bonne deuxième langue à avoir. Ça ouvre des portes. On aurait pu dire qu’à notre époque, l’espagnol et le mandarin seraient les langues à apprendre, mais considérant l’endroit où nous vivons, c’est le français. » – Un participant


La chercheuse a interviewé plusieurs étudiants qui suivent des cours au sein du réseau de collèges de l’Ontario. Son échantillon n’était pas très grand, admet-elle, mais il permet de prendre le pouls d’une clientèle bien souvent méconnue. Les profils de ces sujets étaient forts divers, tant au niveau des âges que de l’origine. La majorité avait déjà suivi des cours de français lors de leur parcours scolaire en Ontario. Elle a tenté de comprendre leurs motivations de retourner au collège pour réapprendre ou peaufiner leur français.

« Plusieurs des participants que j’ai rencontrés venaient d’une région francophone ou avaient été exposés à la langue, mais ils l’ont perdu. J’ai pu voir que le français fait partie intégrante de leur identité et qu’ils veulent retrouver leur langue », soutient Mme Brown.

Les professeurs aussi sont concernés

Faits intéressants : de plus en plus de professeurs anglophones décident de se tourner vers l’enseignement du français, constatant que les conseils scolaires francophones offrent bien souvent des opportunités plus intéressantes que leurs équivalents anglophones, affirme la chercheuse. Ces derniers suivent donc aussi des cours dans la langue de Molière pour être en mesure de l’enseigner, dit-elle. « Ils croient que le français vient leur donner un avantage dans un marché de l’emploi très compétitif », souligne-t-elle dans sa recherche.

Outre des raisons professionnelles, certains répondants ont évoqué des raisons personnelles ou même patriotiques pour l’apprentissage du français. Le prestige associé à la connaissance des deux langues officielles du Canada est aussi évoqué dans l’étude.


« D’apprendre le français me rend plus fier d’être canadien, je fais grandir mon identité linguistique. De dire que tu viens d’un pays officiellement bilingue est associé à un sentiment de fierté. » – Un participant

« Mon copain est francophone. Il est né à Vanier, près d’Ottawa. Toute sa famille est francophone et quand nous allons là-bas, tout se fait en français » – Une participante


Plus de ressources nécessaires

Alors que les francophones de la province espèrent voir un accroissement de l’offre éducative en français se produire prochainement, la chercheuse derrière cette étude affirme qu’il faudrait aussi offrir davantage de programmes de français pour les anglophones et les allophones.

« Cette étude confirme que plus d’individus ont besoin du français pour leur travail. Il y a peut-être une opportunité à explorer pour développer des programmes qui répondent aux besoins spécifiques de cette clientèle », affirme Mme Brown.

Elle constate que la majorité des programmes pour apprendre le français visent des publics jeunes ou encore des adultes qui ont un emploi dans la fonction publique. L’arrivée d’immigrants qui n’ont pas été exposés au système scolaire ontarien et au français impose également une revue des stratégies actuelles, selon elle.

Il serait, par exemple, judicieux d’avoir des enseignants de français qui offrent des programmes spécifiques à chaque clientèle. Actuellement, plusieurs personnes aux parcours différents et aux besoins différents se font bien souvent offrir le même cours, a-t-elle observé.

« J’ai constaté que plusieurs immigrants veulent aussi apprendre le français, c’est une surprise pour moi. Selon eux, c’est important pour bien comprendre l’identité du Canada. Mon étude était basée sur un petit échantillon, mais je crois que des conclusions similaires pourraient être tirées si on allait voir des étudiants un peu partout au pays », dit-elle.