OIF : L’adhésion de l’Ontario en question

Le secrétaire générale de l'OIF, Michaëlle Jean, et la ministre déléguée aux affaires francophones, Madeleine Meilleur.

OTTAWA – Une simple petite phrase lancée par la ministre Madeleine Meilleur au détour d’une allocution prononcée lors de la journée d’étude Une Constitution officiellement bilingue pour le Canada en 2017?, à Ottawa, pourrait calmer l’ardeur de ceux qui voyaient déjà l’Ontario adhérer à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

La procureure générale de l’Ontario et ministre déléguée aux affaires francophones, Madeleine Meilleur, a semblé nuancer la volonté de l’Ontario d’adhérer à l’OIF, le 6 novembre dernier : « Il faut d’abord savoir combien cela nous coûterait et voir aussi si nous préférons investir dans la francophonie internationale ou dans un autre projet important, comme la création d’une université franco-ontarienne. Nous devons réfléchir à ce que cela va nous rapporter ».

Il faut dire qu’avec un déficit prévu de 7,5 milliards $ pour 2015-2016, la province de l’Ontario doit faire des choix. Pour rejoindre le Québec et le Nouveau-Brunswick, deux provinces qui siègent déjà à l’OIF aux côtés du Canada, l’Ontario devra forcément réfléchir au coût et aux retombées d’une telle adhésion, même si Mme Meilleur a pris soin d’indiquer l’intérêt de la première ministre, Kathleen Wynne, dans ce dossier.

« Une adhésion à l’OIF, ça représente des avantages, mais aussi un coût et des obligations, c’est certain. Les membres doivent régler leur adhésion mais aussi assister aux conférences et aux sommets et prévoir une équipe pour travailler sur les dossiers », reconnaît le professeur Christophe Traisnel, du Département de science politique de l’Université de Moncton. « Mais les retombées peuvent être très intéressantes car l’OIF offre une vitrine internationale. Le Québec et le Nouveau-Brunswick n’y participent pas uniquement pour parler de francophonie, mais pour les occasions d’affaires que cela représente. Une adhésion à l’OIF, ce n’est pas symbolique! »

Selon les termes de l’OIF, chaque membre doit verser une cotisation annuelle obligatoire pour siéger à la table des 57 États et gouvernements membres de l’OIF. Ainsi, en 2014, le Canada a versé une contribution statutaire d’un peu plus de 14 millions de dollars. Selon les informations recueillies par #ONfr, le Québec a, quant à lui, versé, en 2015, plus de 1,3 million $ et le Nouveau-Brunswick 135000$.

Interrogée par #ONfr à plusieurs reprises par courriel et par téléphone, l’OIF n’a pas répondu aux demandes d’entrevue, ni permis de lever le voile sur la manière de calculer cette cotisation.

Le bureau de la ministre québécoise des Relations internationales et de la Francophonie, Christine St-Pierre, précise toutefois : « Chaque État et gouvernement verse une contribution statutaire distincte basée sur la taille de son économie. La méthode de calcul prend notamment compte des moyennes récentes du Produit national brut (PNB), du PNB per capita et de la dette publique de chaque État et gouvernement ».

Outre leur contribution statutaire obligatoire, les membres de l’OIF versent également, chaque année, des contributions volontaires pour financer les programmes de l’OIF. Pour 2015, la contribution volontaire du Québec s’élevait ainsi à 4,24 millions $, alors que celle du Nouveau-Brunswick était d’environ 265000$.

Une visibilité internationale

« Pour une province bilingue comme la nôtre, c’est une occasion unique de rejoindre la grande famille de la francophonie internationale et de participer à un organisme qui fait la promotion du français dans plusieurs domaines », explique James Thériault, directeur de Relations internationales et Francophonie multilatérale, au sein du gouvernement du Nouveau-Brunswick. « De plus, cela nous a permis de conclure des ententes avec d’autres pays présents. »

Pour le Québec, l’avantage d’une adhésion prend plusieurs volets : « Un large pan des retombées ne peut être quantifié parce que relevant plutôt des domaines de la notoriété, de la promotion de l’expertise du Québec sur la scène internationale (…). Il est cependant établi que des retombées financières existent. En effet, un exemple probant à cet égard est la présence à Montréal du siège de l’Agence universitaire de la Francophonie. La quarantaine d’employés œuvrant dans ce siège social contribue directement à l’économie québécoise. »

Pour le spécialiste en francophonie internationale, M. Traisnel, les retombées économiques sont évidentes, mais elles ne sont pas le seul avantage d’une adhésion.

« Les différents acteurs autour de la table représentent une grande variété de marchés, notamment les pays émergents comme le Vietnam, le Cambodge, le Laos… Mais l’adhésion peut également être très importante pour la francophonie canadienne en milieu minoritaire car cela permet de lutter contre le complexe d’infériorité linguistique dont souffrent les communautés francophones hors Québec. Cela leur rappelle la place internationale du français qui est parlé sur les cinq continents. »

Selon Lise Gaboury-Diallo, professeure au Département d’études françaises, des langues et de la littérature de l’Université de Saint-Boniface, l’Ontario aurait tout à gagner à une adhésion.

« Aujourd’hui, les provinces sont en concurrence entre elles d’un point de vue économique et il est donc intéressant d’avoir une visibilité internationale. De plus, la francophonie ontarienne reste encore très méconnue sur la scène mondiale. Son adhésion pourrait lui permettre de se faire connaître, de lui ouvrir des portes et de faire du réseautage avec les pays membres. Le jeu en vaut la chandelle! »