Nouvelle génération franco-ontarienne, vraiment?

Les membres du RÉFO lors de leur forum annuel, début mars à Sudbury. Gracieuseté RÉFO

[TÉMOIGNAGES]

Ils ont moins de trente ans, sont souvent considérés comme la relève franco-ontarienne. Entrevue croisée avec quatre représentants de cette « nouvelle génération » qui voit d’un mauvais œil l’étiquette de la jeunesse.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Les médias francophones, #ONfr inclus, seraient trop vite tombés dans les raccourcis. « Dire que nous sommes jeunes, ça me fait rire. Nous sommes des gens qui sont impliqués depuis une dizaine d’années dans la communauté franco-ontarienne », lance quelque peu amère, Ajà Besler, présidente de l’Association des communautés francophones d’Ottawa (ACFO Ottawa) depuis septembre dernier.

« Je suis active dans la communauté franco-ontarienne depuis douze ans, mais ça fait depuis que j’ai le titre de présidente que l’on parle de moi. Il faut arrêter de dire que les jeunes sont un futur leadership. »

Mme Besler mesure sans doute l’ampleur de la tâche. D’autant que les derniers présidents, MM. Beaulieu et Mattard-Michaud, n’ont pas réussi à infléchir d’un pouce l’opinion de la majorité des conseillers municipaux sur la désignation bilingue d’Ottawa.

Son collègue Alain Dupuis, vice-président de l’ACFO Ottawa, est lui-aussi un visage familier dans le paysage francophone. Calme, diplomatique, le leader originaire de Sudbury est aussi l’une des figures de proue du projet pour une université franco-ontarienne. Une compétence qu’il incarne depuis plusieurs années à titre de directeur général du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO).

« Je préférerais qu’on ne parle pas de ma jeunesse, mais plutôt du fait que ça fait justement une douzaine d’années que je suis impliqué dans des organismes avec différents rôles de leadership (…) J’ai des compétences autres qu’être jeune. Je suis jeune, mais ce n’est qu’une facette de mon identité. »

Mais qui parle vraiment de jeunesse? Les acteurs communautaires? Les médias? La vieille garde franco-ontarienne? Un peu tout le monde, sans compter la ministre déléguée aux Affaires francophones. En novembre dernier, Marie-France Lalonde avait soufflé sur des braises en expliquant maladroitement l’absence d’un jeune sur le conseil de planification pour mettre en place l’université franco-ontarienne.

« Ils (les jeunes) ont été consultés (…) On est rendu à une étape de planification, Mme Adam (la présidente du comité) a besoin d’experts », déclarait-elle au micro de #ONfr.

Conséquence? Des réactions en masse des « jeunes franco-ontariens » sur les médias sociaux, et la création du mot-clic #LalondeNousDit pour exprimer leur déception.

Formation au leadership

Le projet d’une université franco-ontarienne relancé en 2012 ne serait pas le seul déclencheur de cette jeunesse. En amont, la formation au leadership donnée par la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) depuis plus de 40 ans porterait ses fruits.

« Les jeunes ont été habitués à prendre la parole et à représenter des groupes », souligne M. Dupuis. « C’est une expérience formatrice exceptionnelle. À 15 ans, j’étais dans le bureau de l’ancien premier ministre Bob Rae. Douze ans plus tard, je suis à l’aise à discuter d’enjeux et représenter des membres. »

Le visage de la francophonie a aussi changé, estime Rym Ben Berrah, arrivée au Canada en 2008. Ancienne élève de l’école De la Salle à Ottawa, la jeune leader siège depuis sur de nombreux conseils d’administration et collectionne les récompenses pour son engagement communautaire.

Gracieuseté Patrick Imbeau

« Il y a de nouvelles spécificités, comme l’inclusivité et l’apport des immigrants, même si la notion de francophone de souche reste très présente (…) J’ai été élue sur le CA de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) non pas à titre de jeune. Avant, on nous proposait des postes, maintenant on veut exister sans la case jeunesse. »

Et l’engagement de cette relève ne se limiterait pas seulement à Ottawa et Sudbury. Originaire de Montréal, Julia Ballerio-Dupé a d’abord choisi Vancouver avant de poser ses valises à Toronto. Aujourd’hui employée pour le conseil scolaire Viamonde et impliquée dans le RÉFO, elle entend vivre sa francophonie à Toronto sans entrave.

« Il faut être informé et chercher les opportunités en français et ne pas attendre qu’on nous les donne (…) Nous sommes déjà engagés, et nous sommes des leaders d’aujourd’hui. »

Mme Ballerio-Dupé est d’ailleurs présidente de l’organisme Oasis Centre des Femmes, destiné à aider les femmes francophones du Grand Toronto et Halton-Peel, touchées par la violence.

« déjà politisés »

Verra-t-on cette nouvelle génération un jour sur les bancs de Queen’s Park ou la Chambre des communes. « Nous sommes déjà politisés », soutient fermement Rym Ben Berrah.

M. Dupuis rappelle que Mona Fortier, candidate libérale à l’élection partielle fédérale d’Ottawa-Vanier le 3 avril, est une ancienne de la FESFO.

Toujours est-il qu’ils sont peu de cette génération à montrer haut et fort la couleur d’un parti politique. Dans un autre registre, Mathieu Fleury, 31 ans, souvent considéré comme le porte-étendard de la jeunesse au conseil municipal d’Ottawa, avait lui refusé les ponts d’or des libéraux pour succéder à Madeleine Meilleur dans Ottawa-Vanier au provincial.

« Les jeunes n’ont pas nécessairement la même vision des choses que leurs prédécesseurs. Il y a des choses que nous voulons faire différemment, et pousser plus loin », conclut M. Dupuis.