Nomination de Madeleine Meilleur : un retour en arrière est-il possible?

Madeleine Meilleur
Madeleine Meilleur, ancienne ministre responsable des Affaires francophones de l'Ontario.

OTTAWA – La nomination de Madeleine Meilleur à titre de commissaire aux langues officielles du Canada ne fait toujours pas l’unanimité. À tel point que l’on peut s’interroger sur la validation de ce processus.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Annoncée par le premier ministre, Justin Trudeau le 15 mai, la nomination de l’ancienne ministre déléguée aux Affaires francophones de l’Ontario doit encore passer par la Chambre des communes et le Sénat, en tant que poste d’agent indépendant du Parlement. Un parcours qui pourrait être semé de quelques embuches, selon le politologue de l’Université d’Ottawa, Martin Normand.

« Si les libéraux sont majoritaires à la Chambre des communes, il y a en revanche une possibilité que le Sénat refuse cette nomination. Il faudra voir si les sénateurs francophones feront preuve de solidarité vis-à-vis des groupes communautaires. »

Élément en défaveur des libéraux : la présence de plus en plus marquée de sénateurs « indépendants » (ils sont aujourd’hui 35), contre 38 sénateurs du Parti conservateur. 18 se déclarent encore libéraux, bien que M. Trudeau les a exclu de son caucus. « Il n’y a plus vraiment de sénateurs libéraux », croît M. Normand.

Pour Éric Forgues, directeur de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques (ICRML), « tout est encore possible » du côté de la Chambre haute. « Il va falloir surveiller l’influence que peut exercer le Comité permanent des langues officielles au Sénat. »

Le choix de Mme Meilleur par le libéral M. Trudeau reste dénoncé par les partis d’opposition comme une décision partisane. Les révélations mardi selon lesquelles Mélanie Joly,  ministre du Patrimoine canadien, ait conduit elle-même l’entrevue finale, avait mis un peu plus d’huile sur le feu.

Pour Éric Forgues, « l’entêtement » du premier ministre n’a pas lieu d’être. « Ça serait malheureux que ça aille jusqu’au bout. Si oui, Madeleine Meilleur aurait alors tout une côte à remonter et on aurait du mal à lui faire confiance pour jouer son rôle de chien de garde. »

En cas de validation du processus, les deux universitaires prédisent des temps difficiles pour Madeleine Meilleur, mais aussi les communautés francophones. « Le Commissariat aux langues officielles a un rôle de liaison entre les organismes et le gouvernement. Une confirmation de cette nomination pourrait tendre les relations entre les groupes francophones et le gouvernement », analyse M. Normand. Et de poursuivre : « Si le processus n’a pas été transparent, il y’aura toujours un nuage. »

« Vu son passé récent en politique partisane, je vois mal comment Madame Meilleur pourra porter un agenda, fondé sur des principes, qui transcende les lignes partisanes », a écrit récemment sur son blogue, Rémi Léger, politologue de l’Université Simon Fraser. « Les langues officielles méritent pourtant une championne apte à rallier les différents partis politiques ».

 

Rencontre de la FCFA et des organismes

Du côté des organismes francophones hors Québec, la situation préoccupe de plus en plus. La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada rencontre ses organismes membres ce jeudi 25 mai en soirée.

Des informations dévoilées en début de journée par Radio-Canada et confirmées peu après, par l’organisme porte-parole des francophones hors Québec à #ONfr.

La FCFA, tout comme l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), n’ont pas souhaité retourné nos demandes d’entrevue avant la réunion.

Réservée depuis la nomination de la politicienne libérale, la FCFA était sortie du bois, samedi dernier, pour appeler dans un communiqué la préservation de « l’intégrité » du poste de commissaire aux langues officielles.