Madeleine Meilleur, nouvelle commissaire aux langues officielles?

Madeleine Meilleur, ex-ministre déléguée aux Affaires francophones de l'Ontario. Archives ONFR+

OTTAWA – Selon La Presse Canadienne et Radio-Canada, le gouvernement libéral devrait annoncer très prochainement la nomination de Madeleine Meilleur à titre de nouvelle commissaire aux langues officielles du Canada. L’opposition ne cache pas sa colère face à un choix jugé « partisan ».

JEAN-FRANÇOIS MORISSETTE
jmorissette@tfo.org | @JFMorissette72

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Alors que les francophones des provinces de l’Atlantique réclamaient un premier commissaire aux langues officielles du Canada issu de leur communauté, et que d’autres appuyaient la nomination d’une seconde femme dans l’histoire du commissariat aux langues officielles (CLO), le gouvernement de Justin Trudeau s’apprête à satisfaire l’une de ces deux demandes.

La Franco-Ontarienne Madeleine Meilleur serait sur le point de devenir la septième commissaire aux langues officielles du Canada, succédant ainsi à Graham Fraser pour un mandat de sept ans, rapportent plusieurs médias, le mercredi 10 mai.

Originaire du Québec, Mme Meilleur a occupé le poste de conseillère municipale à Vanier puis à Ottawa, avant d’être élue députée provinciale d’Ottawa-Vanier lors du scrutin qui a porté au pouvoir les libéraux de Dalton McGuinty, en 2003.

Elle a été ministre responsable des Affaires francophones de manière ininterrompue pendant près de 13 ans, ce qui fait d’elle l’élue qui a le plus longtemps occupé ce poste depuis sa création au milieu des années 1980.

Jointe par #ONfr, la principale intéressée, qui en février dernier avait déjà avoué à #ONfr vouloir succéder à M. Fraser, n’a pas confirmé la nouvelle.

« Je ne confirme pas, mais c’est sûr que je voudrais que ce soit le cas » – Madeleine Meilleur

Le bureau de la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, est lui aussi resté très discret, disant « respecter le processus parlementaire ». La Loi sur les langues officielles prévoit que le commissaire aux langues officielles du Canada soit nommé après consultation du chef de chacun des partis reconnus au Sénat et à la Chambre des communes et après l’approbation par résolution des deux chambres.

Du côté du Commissariat aux langues officielles du Canada, aucune information n’avait jusqu’ici filtré, assure-t-on.

Si cette nomination se confirme, l’ancienne procureure générale et ministre déléguée aux Affaires francophones de l’Ontario, Mme Meilleur serait nommée près d’un an, jour pour jour, après son départ de la vie politique. Un choix qui remettrait en cause la volonté affichée du gouvernement libéral de ne pas faire de nomination partisane, puisque Mme Meilleur était une membre très influente du Parti libéral de l’Ontario.

 

L’opposition fulmine

Les partis d’opposition n’ont d’ailleurs pas caché leur désapprobation dès la période des questions, pendant laquelle le chef néo-démocrate, Thomas Mulcair, s’en est pris au premier ministre, Justin Trudeau, l’accusant d’avoir enfreint la Loi sur les langues officielles.

« Premièrement, le fait de nommer quelqu’un de si proche de lui à cette fonction constitue un conflit d’intérêt évident. Deuxièmement, cela mine l’autorité et la crédibilité de l’institution que représente la commissaire aux langues officielles. Finalement, c’est une insulte pour tous les Canadiens et Canadiennes qui croient fermement à l’importance des langues officielles. Le premier ministre va-t-il retirer cette nomination qui n’a aucun bon sens? », a-t-il interrogé.

Le premier ministre a assuré que la nomination n’était pas encore entérinée.

« Une partie intégrante du processus de nomination du commissaire aux langues officielles implique de consulter les membres de l’opposition. C’est ce que nous sommes en train de faire. (…) Quand vient le temps de protéger les langues officielles, il est important pour nous de choisir quelqu’un du plus haut calibre. Nous annoncerons cette nomination dans les jours et semaines à venir. »

Dans les couloirs de la Chambre des communes, la porte-parole aux langues officielles du Parti conservateur du Canada (PCC), Sylvie Boucher, ne cachait pas sa frustration.

« D’habitude, quand on a une nomination comme celle-ci, on consulte les autres partis et leurs chefs. J’ai eu des discussions avec la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, il y a deux ou trois semaines, mais la consultation n’était pas finie et on annonce aujourd’hui que le choix est fait! Les libéraux n’arrêtent pas de nous parler de transparence, d’ouverture, mais ce n’est pas ce qu’ils font. Ils nous consultent à peine et leur idée est faite d’avance. Ça laisse un goût amer. »

La députée conservatrice juge peu opportun le choix d’une ancienne ministre libérale provinciale.

« Ça n’enlève rien à Mme Meilleur, elle a un très beau CV, mais son problème, c’est qu’elle est identifiée libérale et pour le commun des mortels, c’est une nomination partisane. Il y avait d’autres noms qui n’étaient associés à aucun parti politique, alors pourquoi ne pas avoir fait ce choix-là? »

Même son de cloche chez son homologue néo-démocrate, François Choquette.

« C’est vraiment dommage que ça se déroule comme ça parce Mme Meilleur a les capacités et les qualités pour ce poste, c’est une protectrice des communautés de langue officielle. Mais le processus n’a pas été respecté et il n’est pas exempt de partisanerie. La loi prévoit que le gouvernement consulte les chefs de l’opposition et de ce que je sais, ça n’a pas été fait! On leur a juste dit : voici la nouvelle commissaire! C’est inacceptable et ce n’est pas comme ça qu’on devrait travailler avec l’opposition. »

Selon M. Choquette, il y avait mieux à faire.

« Il y avait plein de bons candidats et d’autres personnes qui sont d’excellents candidats potentiels, il y avait moyen de trouver une ou un commissaire qui aurait répondu à tous les critères qui avaient été mis de l’avant par le premier ministre. »

 

Les francophones satisfaits

Du côté de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, la présidente Sylviane Lanthier se montre satisfaite.

« Nous accueillons favorablement cette nomination. Ce que nous voulions, c’était une personne issue de nos communautés et qui connaît bien nos dossiers et nos enjeux. Je pense que Mme Meilleur répond bien à ces critères. »

La présidente de l’organisme porte-parole des francophones en milieu minoritaire reconnaît toutefois que les questions des partis de l’opposition sont légitimes et juge que ce sera au gouvernement d’expliquer son choix.

Elle dit toutefois ne pas craindre que le passé libéral de Mme Meilleur la rende moins mordante à l’égard du gouvernement.

« Connaissant sa personnalité et son engagement, je ne suis pas inquiète. »

Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin, préfère quant à lui rester prudent.

« Si c’est bel et bien Madeleine Meilleur qui est la nouvelle commissaire (aux langues officielles), l’Assemblée de la francophonie va se réjouir parce que c’est une Franco-Ontarienne, qui connaît bien les dossiers de la francophonie de l’Ontario et du Canada en général. »

Bien que plusieurs dénoncent la politisation du poste par les libéraux de Justin Trudeau, M. Jolin note que peu importe qui sera choisi, l’AFO collaborera avec cette personne, tout en indiquant que son organisme est habitué de travailler avec Mme Meilleur, ce qui pourrait faciliter la collaboration.

 

Queen’s Park réagit

En fin d’après-midi, la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne a réagi sur les réseaux sociaux, saluant la probable nomination de celle qui a été ministre dans son cabinet pendant plusieurs années.


Marie-France Lalonde, l’actuelle ministre déléguée aux Affaires francophones de l’Ontario, dit attendre avec impatience la confirmation de cette nomination, tout en affirmant soutenir depuis longtemps la candidature de celle qui occupait son poste jusqu’à l’an dernier.

« C’est certain que je soutiens fortement la candidature de Mme Meilleur qui a depuis des années contribué à la vitalité de notre culture et de notre communauté francophone. Je sais qu’elle sera une excellente commissaire aux langues officielles », a-t-elle expliqué à #ONfr.

Le poste de commissaire aux langues officielles a été occupé pendant 10 ans par l’ancien journaliste Graham Fraser, son mandat ayant été renouvelé pour trois ans en 2013. Il avait quitté ses fonctions en décembre dernier et avait été remplacé, par intérim, par Ghislaine Saikaley.