L’Université Laurentienne, un an après la désignation

SUDBURY – Il y a un an, l’Université Laurentienne de Sudbury devenait la première institution universitaire bilingue en Ontario reconnue en vertu de la Loi sur les services en français. Portrait d’une année d’adaptation et du travail qu’il reste à faire.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Collaborateur spécial
@etiennefg

La date du 1er juillet 2014 est qualifiée de « moment historique » par les dirigeants de l’Université Laurentienne. Jamais en Ontario une université bilingue n’avait obtenu auparavant une désignation, même partielle, en vertu de la Loi sur les services en français.

Cette date est aussi marquante pour Denis Hurtubise, vice-recteur associé à l’enseignement et aux affaires francophones, qui est depuis un an l’un des maîtres d’œuvre des profonds changements enclenchés.

« En vertu de cette désignation, nous devons offrir des services dans les deux langues. C’est un engagement que nous avons pris, mais c’est maintenant aussi une obligation. Alors tous les systèmes possibles doivent être mis en place pour répondre à cette nouvelle exigence », explique celui qui a amorcé son mandat le même jour que le début de ce nouveau chapitre pour l’Université.

L’un des premiers gestes posés par Denis Hurtubise aura été de mener une tournée de sensibilisation sur la question des services en français auprès des différents acteurs de sa communauté universitaire. Il a expliqué à tous les membres du personnel comment répondre à la nouvelle politique et améliorer très concrètement l’offre en français dans leur domaine d’expertise. Certaines façons de faire doivent changer, a-t-il pu constater.

« Les gens ont été habitués à une politique moins précise et moins appliquée. Il y a beaucoup d’habitudes qui ont été prises et les gens doivent réviser leurs façons de faire et s’adapter », fait-il savoir.

 

Dose d’« interprétation »

Certaines situations ne sont cependant pas abordées par la nouvelle désignation et une dose d’« interprétation » est nécessaire, selon M. Hurtubise, qui cite en exemple le cas des employés temporaires.

« La politique couvre les postes réguliers seulement. Dans le cas du personnel temporaire, il y a une ambiguïté, alors parfois du personnel administratif qui n’a pas la compétence langagière requise est engagé », révèle M. Hurtubise qui compte s’attaquer à cette problématique dès septembre.

La rentrée universitaire marquera aussi le début d’une nouvelle approche. M. Hurtubise dit vouloir identifier plus clairement les lacunes en matière de bilinguisme et mettre en place les solutions qui s’imposent pour que la communauté universitaire puisse être servie en français et en anglais sans difficulté.

Cette première année de désignation aura été marquée par une soudaine augmentation du nombre d’élèves francophones recensés pour l’année scolaire 2014-15, affirme M. Hurtubise. Cette hausse n’est cependant pas liée au nouveau statut de l’institution, mais plutôt à une conjoncture particulière.

« Le nombre d’étudiants francophones a augmenté en raison de la modification des programmes en éducation. À partir de cette année, les programmes en éducation vont durer deux ans, plutôt qu’un an, ce qui a motivé plusieurs personnes à s’inscrire pour bénéficier de l’ancienne formule. On devrait revenir à la normale, cette année », selon le vice-recteur.

Le Commissariat aux services en français a confirmé à #ONfr avoir reçu à ce jour deux plaintes au sujet de l’Université Laurentienne. « Comme les enquêtes sont en cours, la nature et les renseignements relatifs aux plaintes doivent demeurer confidentiels et ne peuvent être divulgués », a fait savoir sa porte-parole Marie-Eve Pépin. L’une des plaintes a cependant fait l’objet d’un reportage de Radio-Canada, où une étudiante dit avoir été poussée à s’exprimer en anglais devant un comité universitaire devant lequel elle devait présenter un projet de recherche.

 

Le cas de la sous-traitance

La mise en œuvre d’une politique de services en français n’est pas toujours simple, mais là où ça se complique encore davantage c’est lorsque des acteurs privés sont aussi appelés à changer leurs méthodes, explique M. Hurtubise.

« Quand on a un sous-traitant ou un contractuel, c’est une dynamique différente et ça prend davantage de négociations. C’est une question à laquelle il faudra potentiellement faire face. C’est sûr que c’est plus compliqué que lorsque c’est un service interne avec des gens qui travaillent directement pour nous », selon le vice-recteur associé à l’enseignement et aux affaires francophones de l’Université Laurentienne.

Les services en français offerts par des entreprises privées qui évoluent sur les campus universitaires est une problématique également présente ailleurs dans la province. Au Collège Glendon, le campus bilingue de l’Université York, le principal Donald Ipperciel est aussi préoccupé par cette question.

« La sous-traitance a toujours été un problème. Chez nous, nous en vivons les effets à la cafétéria. Je voudrais que les gens qui font les sandwichs apprennent au moins les mots en français pour les ingrédients qui sont devant eux. On ne peut pas s’attendre à un niveau de bilinguisme élevé, mais je m’attends à ce qu’ils sachent ce qu’est une tomate et un concombre. Je ne pense pas que c’est trop demandé », a-t-il confié lors d’un récent entretien avec #ONfr.

M. Ipperciel et son homologue de l’Université Laurentienne s’entendent sur la nécessité pour les universités d’inclure le français dans les clauses des contrats signés avec ces acteurs privés, afin que la relation soit par la suite facilitée et encadrée par des balises claires.

Glendon espère aussi obtenir sa désignation officielle en vertu de la Loi sur les services en français, a rappelé M. Ipperciel. C’est également le cas de l’Université d’Ottawa qui a fait une demande en ce sens en 2012.

 

Étienne Fortin-Gauthier est journaliste depuis une dizaine d’années. Il a évolué au sein de plusieurs médias, dont le Réseau francophone d’Amérique, La Voix de l’Est et La Presse Canadienne.