Lueur d’espoir pour le campus d’Alfred

OTTAWA – Lueur d’espoir pour le campus d’Alfred de l’Université de Guelph. Les collèges Boréal et La Cité se disent prêts à travailler ensemble pour assurer la survie du seul établissement francophone d’enseignement de technologies agricoles et alimentaires de l’Ontario.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Le campus satellite risque autrement de fermer ses portes.

L’Université de Guelph (UdeG) a confirmé, le mercredi 12 mars, qu’elle délestera d’ici un an son campus d’Alfred, ainsi que son campus anglophone de Kemptville, tous deux situés dans l’Est ontarien, pour des raisons financières. L’établissement tente ainsi d’éponger un déficit de 30 millions $.

L’UdeG a suspendu les inscriptions à Alfred et à Kemptville pour la prochaine année scolaire. Les projets de recherche sur les deux campus seront rapatriés sur le campus principal à Guelph, l’an prochain.

« Nous devons prendre des décisions difficiles et apporter des changements afin de minimiser les doublons et préserver les programmes qui sont uniques et au cœur de notre mission », a fait savoir Alastair Summerlee, recteur de l’UdeG, par le biais d’un communiqué.

« Maintenir une offre de programmes »

Or, à peine quelques minutes après l’annonce de l’UdeG, les collèges Boréal, à Sudbury, et La Cité, à Ottawa, ont fait connaître leur intention de travailler de concert pour « maintenir une offre de programmes » à Alfred.

Un comité serait déjà sur pied pour préparer le changement de garde.

« Nous poursuivons nos discussions avec le collège Boréal et d’autres partenaires (gouvernementaux) pour assurer le maintien d’une offre de programmes agricoles et agroalimentaires de langue française dans l’Est ontarien », a fait savoir Lise Bourgeois, présidente de La Cité, à 360 TFO. « C’est un dossier dont nous n’avons été saisis que très récemment. Donc, c’est sûr qu’il y a encore plusieurs éléments à finaliser ».

Les deux collèges francophones de l’Ontario ne disposent toutefois que de très peu de temps pour s’entendre sur le partage des coûts et de la carte des programmes, entre autres, s’ils veulent qu’un campus d’Alfred sous leur égide soit en mesure d’accueillir une nouvelle cohorte d’étudiants dès l’automne.

« Ce n’est pas encore coulé dans le béton. Mais, disons que ça regarde bien » a laissé entrevoir Jacqueline Gauthier, conseillère principale aux communications du collège Boréal. « Nous partageons tous le même objectif, qui est de continuer à offrir des programmes d’études en français similaires à ce qu’offre actuellement l’UdeG au campus d’Alfred ».

Le collège Boréal offre déjà un programme de techniques de soins vétérinaires, en partenariat avec le campus d’Alfred.

Vives réactions

Pour les francophones, l’annonce de la fermeture possible du campus d’Alfred a eu l’effet d’un électrochoc.

« La situation du campus d’Alfred est particulièrement inquiétante pour la communauté franco-ontarienne », a réagi Gilles LeVasseur, vice-président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO). « Cette situation nécessite plus que jamais que soit entendue la revendication de la communauté franco-ontarienne pour une gouvernance par et pour les francophones dans le domaine postsecondaire ».

« Cette annonce démontre à quel point nos programmes postsecondaires en français sont fragiles lorsqu’ils dépendent d’institutions que nous ne contrôlons pas entièrement », a renchéri Geneviève Latour, coprésidente du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO). « Il est essentiel que la communauté franco-ontarienne se mobilise pour empêcher la disparition du campus d’Alfred et obtienne la pleine gestion des fonds et des programmes qui y sont offerts depuis des décennies ».

L’Union des cultivateurs franco-ontariens (UCFO) s’est aussi engagée à défendre bec et ongles le campus d’Alfred, estimant qu’il s’agit d’un établissement essentiel pour la relève agricole francophone.

« Toujours un défi »

Le gouvernement libéral à Queen’s Park s’est dit confiant de voir le campus d’Alfred entamer la prochaine année scolaire dans le giron des collèges Boréal et La Cité.

« C’est toujours un défi pour une communauté lorsqu’on annonce la fermeture d’une institution comme le campus d’Alfred ou de Kemptville », a reconnu Brad Duguid, ministre de la Formation, des Collèges et des Universités de l’Ontario, à 360 TFO. « Mais les universités sont responsables de décisions qui touchent leurs installations et leur programmation. Nous ne pouvons pas faire de la microgestion », s’est-il défendu.

Un changement de garde pourrait même « revigorer » le campus d’Alfred, de l’avis de M. Duguid.

Mais sur le plan financier, pas d’engagement de la province jusqu’à nouvel ordre. « Nous traverserons la rivière lorsque nous arriverons au pont », a laissé planer le ministre.

L’UdeG injectait près de 2,3 millions $ par année dans son campus d’Alfred, qui compte 37 employés à temps plein.

Sur les banquettes de l’opposition à Queen’s Park, on dit craindre les faux espoirs.

« J’apprécie les efforts de Boréal et de La Cité. Mais nous n’avons aucune garantie. Il n’y a rien d’écrit, rien de concret », a fustigé Roxane Villeneuve-Robertson, candidate progressiste-conservative dans Glengarry-Prescott-Russell, dans l’Est ontarien. « Le gouvernement aurait dû s’assurer d’avoir un plan pour le campus d’Alfred avant que l’UdeG n’annonce sa fermeture, de manière à ce qu’il n’y ait pas d’inquiétude dans la communauté ».

Les progressistes-conservateurs font présentement circuler une pétition pour le maintien des deux campus de l’UdeG dans l’Est ontarien. Un ralliement à Alfred pourrait aussi avoir lieu au cours des prochains jours, selon Mme Villeneuve-Robertson.

Le campus d’Alfred songeait récemment à obtenir une désignation en vertu de la Loi sur les services en français de l’Ontario.

« Une porte vient de s’ouvrir. Nous avons l’occasion d’offrir, au collège d’Alfred, des programmes d’études par les francophones et pour les francophones », a fait valoir Jacqueline Gauthier, du collège Boréal.

L’ancien collège agricole d’Alfred a ouvert ses portes en 1981. Il est rattaché à l’Université de Guelph depuis 1997. Une soixantaine d’étudiants y sont présentement inscrits.