L’inaction du gouvernement dans la mire du commissaire Boileau

Le commissaire aux services en français de l'Ontario, François Boileau, a déposé son dixième rapport Crédit image: Jean-François Morissette

TORONTO – Le gouvernement ontarien doit faire davantage pour améliorer le quotidien des Franco-Ontariens, selon le commissaire aux services en français, Me François Boileau. Pour les dix ans du Commissariat, il livre dix recommandations aux décideurs de la province, tout en déplorant que plusieurs de celles qu’il a formulées par le passé soient restées sur les tablettes.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

JEAN-FRANÇOIS MORISSETTE
jmorissette@tfo.org | @JFMorissette72

Le gouvernement devrait en faire plus pour faire connaître les services en français disponibles, insiste le commissaire pour son dixième rapport annuel. En santé, par exemple, aucune liste des médecins et autres spécialistes capables de s’exprimer en français n’existe, s’attriste-t-il. « La population francophone ne sait toujours pas à quelle porte frapper pour avoir accès à des soins de santé en français », déplore-t-il. Même s’il a déjà fait une telle recommandation en 2010, la situation n’a guère changé, constate-t-il.

Tout au long de son rapport, le commissaire Boileau fait d’ailleurs remarquer que plusieurs de ses propositions passées sont tombées dans l’oubli.

« Est-ce que toutes les recommandations qui ont été faites ont été suivies? Non. Est-ce qu’il y a encore des enjeux, tout à fait », a laissé entendre le commissaire Boileau.

Dans son rapport, il persiste et signe en ramenant plusieurs de ses préoccupations à l’avant-plan. Les tiers qui fournissent des soins de santé au nom de l’État doivent être plus surveillés pour s’assurer qu’ils offrent des soins en français. Cette demande avait d’ailleurs été formulée au ministère à l’automne dans le cadre de l’étude de la loi 41, mais le gouvernement avait ignoré la demande du commissaire Boileau.

Me Boileau demande également au gouvernement que les organismes désignés sous la Loi 8 soient mieux surveillés et rendent davantage de comptes. Le commissaire aux services en français estime également que des changements législatifs s’imposent dans le domaine de la santé pour « accorder aux entités de planification francophone un rôle accru dans la planification des services de santé ». Jusqu’à maintenant, les entités ne font que « conseiller » les réseaux de la santé.

 

Refonte de la Loi 8

Le commissaire Boileau estime qu’il est temps que le gouvernement aille de l’avant avec une refonte de la Loi sur les services en français.

« Les ministères auraient davantage une obligation légale de faire des plans en matière de services en français. Ce n’est pas juste de traiter un document comme s’il était bilingue (…), mais davantage se pencher sur notre clientèle cible en français », a-t-il expliqué en conférence de presse.

« Les services en français ne sont pas seulement une affaire de traduction, mais c’est une affaire de bons services à la population », note-t-il.

Dans son rapport, le commissaire Boileau suggère également à la ministre déléguée aux Affaires francophones, Marie-France Lalonde, de faire suite à son rapport spécial de 2016 sur l’offre active et continue de militer pour une modification à la Loi sur les services en français pour inclure ce concept où les organisations accueillent de manière bilingue les clients.

 

La justice et l’immigration

En matière de justice, le commissaire continue de dénoncer le refus du gouvernement de traduire les règlements de la province, même s’ils concernent la santé et la sécurité du public. Il s’étonne encore davantage des délais entourant le dévoilement des conclusions du projet pilote qui devait améliorer l’accès à la justice en français. Le modèle testé semble donner de bons résultats et il doit être reproduit ailleurs dans la province, à son avis. Le nombre de juges bilingues est aussi insuffisant, rappelle-t-il.

En immigration, malgré les propositions faites par un groupe d’experts, peu a été fait pour accroître le nombre de nouveaux Franco-Ontariens. « En cette année du 150e anniversaire de la Confédération, le commissaire souhaite que l’Ontario soit cohérent avec ses intentions et élabore un plan qui les reflétera », dit-il dans son rapport. Selon lui, un comité de mise en oeuvre doit maintenant voir le jour pour provoquer des changements concrets.

« Le gouvernement mise beaucoup sur sa cible de 5 % d’immigrants francophones. C’est louable, mais questionnable. C’est questionnable, car il n’y a pas de plan d’actions », s’est-t-il exclamé.

Le commissaire se questionne également sur la manière dont les services en français pourront être délivrés suite à la refonte complète du modèle des Sociétés d’aide à l’enfance. Le gouvernement doit impérativement faire des changements législatifs pour s’assurer de garantir les droits des enfants et adolescents de recevoir l’aide nécessaire dans leur langue.

 

Un rapport qui fait réagir

La ministre déléguée aux Affaires francophones, Marie-France Lalonde, a défendu le bilan de son gouvernement en matière de francophonie. Selon elle, les Franco-Ontariens ont fait plusieurs avancées, mais elle comprend que plusieurs peuvent être frustrés par la lenteur des procédures.

Mme Lalonde note bien que des efforts sont faits pour mettre à jour la Loi 8 sur les services en français. Elle n’a toutefois pas donné d’échéancier sur ce point.

« Je me suis engagée de façon très ferme à une refonte de la loi et je prends cet engagement très au sérieux. La loi a 30 ans et elle à besoin d’être modernisée » – Marie-France Lalonde

Elle note au passage qu’une refonte de la Loi 8 doit être faite pour avoir un impact « significatif« et pas seulement pour les apparences.

Gila Martow, critique du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario, note que le gouvernement doit en faire plus pour offrir des services en français à sa population francophone.


La critique en matière de Francophonie pour le Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Ontario, France Gélinas, espère que le gouvernement entendra les sonnettes d’alarme lancées par le commissaire Boileau.

« Ça fait dix ans que notre commissaire nous fait rapport après rapport, mais quand on regarde concrètement sur le terrain, les gens continuent de ne pas avoir accès (à des services en français) », s’est-elle exclamée.

« Que tu regardes la santé, l’éducation ou la justice, c’est la théorie des petits pas, mais il y a des petits pas qui font du surplace » – France Gélinas

Pour le président de l’Assemblée de la Francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin, le gouvernement a encore beaucoup de travail à faire, notamment dans les dossiers de la santé et de l’immigration francophone.

« On parle souvent de la théorie des petits pas. Là, on a souvent à faire des petits petits petits pas », a-t-il lancé en conférence de presse.