Les sénateurs réclament plus d’argent pour le bilinguisme

Claudette Tardif
La présidente du comité sénatorial des langue officielles, la sénatrice franco-albertaine, Claudette Tardif. Archives

OTTAWA – Le comité sénatorial des langues officielles souhaite que le gouvernement fédéral investisse davantage dans l’enseignement du français langue seconde dans le prochain plan d’action pour les langues officielles.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Malgré un accueil plutôt favorable du gouvernement fédéral qui dit souscrire « à l’orientation générale du rapport du Sénat sur le bilinguisme », les libéraux ne semblent pas décidés à s’engager davantage sur les recommandations formulées par les membres du comité sénatorial des langues officielles dans le rapport intitulé Viser plus haut : Augmenter le bilinguisme de nos jeunes Canadiens.

Publié en juin 2015, le document préconisait notamment l’augmentation du soutien accordé à la promotion et à l’apprentissage des langues officielles, la création d’un cadre commun de référence sur l’enseignement, l’apprentissage et l’évaluation des langues officielles, l’amélioration des pratiques de redditions de comptes et l’établissement d’un objectif précis et mesurable pour accroître la maîtrise des langues officielles au sein de la population, en particulier chez les jeunes Canadiens.

En février dernier, les sénateurs avaient adopté une motion demandant au gouvernement de se prononcer sur leurs recommandations.

« Les travaux du comité enrichiront la démarche de réflexion sur les pistes d’avenir en préparation d’un nouveau plan en matière de langues officielles », peut-on lire dans la réponse du gouvernement fédéral. « Les pistes identifiées alimenteront aussi les discussions prochaines entre autres avec les gouvernements provinciaux et territoriaux de façon à réaliser des progrès par rapport au grand objectif d’augmenter le bilinguisme au Canada. »

S’ils se disent heureux de pouvoir influencer la réflexion actuelle du gouvernement quant à son nouveau plan d’action sur les langues officielles prévu pour 2018, les membres du comité sénatorial regrettent que le gouvernement « refuse de s’engager à libérer davantage de fonds pour l’enseignement de la langue seconde ».

« Nous sommes heureux de constater que le gouvernement fédéral va utiliser notre rapport pour rédiger un nouveau plan concernant les langues officielles. Mais nous sommes aussi déçus qu’il ne se soit pas engagé de manière plus ferme et spécifique sur certaines de nos recommandations, d’autant que toutes n’ont pas forcément d’impact financier. Le gouvernement nous fournit une réponse très générale, alors que notre rapport est très détaillé et qu’il est le fruit d’un travail rigoureux, regroupant les témoignages et les recommandations d’une cinquantaine de témoins. Nous pensons qu’il peut faire mieux », commente pour #ONfr, la présidente du comité sénatorial des langues officielles, Claudette Tardif.

La sénatrice franco-albertaine aurait aimé notamment que le gouvernement s’engage à fixer une cible précise sur l’amélioration du bilinguisme chez les jeunes Canadiens.

« Il y avait une cible dans le plan d’action de 2003, mais ensuite il n’y en a plus eu aucune. On aurait trouvé ça intéressant que le gouvernement s’engage à ce que Patrimoine canadien travaille avec les gouvernements des provinces et territoires, ainsi qu’avec les conseils scolaires, pour établir un objectif précis et mesurable. »

Pas d’augmentation depuis 2009

La présidente du comité sénatorial des langues officielles s’inquiète également de l’effet de l’inflation sur une enveloppe gelée depuis 2009.

Dans sa réponse, le gouvernement fédéral reconnaît que le financement prévu dans le protocole d’entente entre le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux et territoriaux pour l’éducation dans la langue minoritaire et l’enseignement de la langue seconde n’a pas augmenté depuis 2009. Ce financement sera maintenu à ce niveau jusqu’en 2018. Alors que les négociations du nouveau protocole doivent commencer l’année prochaine, le gouvernement indique néanmoins comprendre « l’importance accordée au financement fédéral ».

« Pour augmenter le taux de bilinguisme, il faut investir davantage! », juge Mme Tardif.

Depuis 2009, le gouvernement fédéral indique qu’il consacre 259,5 millions $ par année à l’enseignement de la langue seconde, dont 24 millions $ destinés à des programmes de bourses d’études pancanadiens et 234,5 millions $ aux plans d’action provinciaux et territoriaux. En 2015, environ 2,4 millions de jeunes Canadiens apprenaient le français ou l’anglais comme langue seconde dans les écoles primaires et secondaires.

« Un soutien financier important est essentiel afin d’augmenter le bilinguisme au Canada. À l’aube du 150e anniversaire de la Confédération canadienne, nous encourageons le gouvernement à démontrer son appui pour le bilinguisme en passant de la parole aux actes », appuie la sénatrice néo-brunswickoise et vice-présidente du comité, Rose-May Poirier.

La ministre Joly attendue

Afin d’en savoir plus, les membres du comité sénatorial des langues officielles souhaitent recevoir de nouveau la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, dès la rentrée parlementaire mi-septembre, afin qu’elle précise ce que le gouvernement fédéral compte faire pour améliorer la situation du bilinguisme au Canada. La présidente du comité ne veut toutefois pas tirer de conclusions hâtives.

« Nous allons laisser sa chance au gouvernement. Peut-être attend-il d’avoir mené ses consultations pour se prononcer plus précisément? Mais nous voulons aussi lui rappeler qu’il est important d’agir! »

Dans une étude récapitulative de Statistique Canada, on apprenait que le taux de personnes bilingues avait connu une croissance continue depuis 1961, mais que la tendance semblait s’inverser depuis 2001, avec une légère baisse entre 2001 à 2011, de 17,7% à 17,5% de personnes bilingues à travers le pays.

Le comité sénatorial sur les langues officielles prévoit poursuivre ses travaux amorcés dans le rapport sur le bilinguisme en entreprenant une mission d’étude à Vancouver et à Victoria au mois d’octobre afin mieux comprendre les difficultés liées à l’accès aux écoles françaises et aux programmes d’immersion française en Colombie-Britannique. Ce nouveau rapport devrait être déposé en décembre prochain.