Les RLISS et l’aide à l’enfance dans la mire de la VG

Bonnie Lysyk, vérificatrice générale de l'Ontario.
Bonnie Lysyk, vérificatrice générale de l'Ontario. Archives ONFR+

TORONTO – Les Réseaux locaux d’intégration de services de santé (RLISS) de l’Ontario ont reçu, il y a bientôt neuf ans, le mandat de planifier, financer et intégrer les systèmes de santé locaux. Sauf que le gouvernement n’a jamais donné à ces 14 agences de coordination des objectifs clairs, ni fixé des délais pour produire des résultats concrets, affirme la Vérificatrice générale (VG) de la province dans son plus récent rapport annuel.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Le rendement des RLISS serait principalement mesuré à l’aide d’« indicateurs » par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée. Le hic, c’est que ces indicateurs servent surtout à mesurer l’efficacité des hôpitaux, et non de l’ensemble du système, note la surveillante des comptes publics Bonnie Lysyk dans son rapport.

« Notre vérification a révélé que le Ministère n’avait pas précisé les attributs d’un système de santé intégré et n’a pas adopté de mécanisme pour mesurer l’efficacité des RLISS dans leur rôle de planification, de financement et d’intégration des soins de santé », a déclaré Mme Lysyk lors du dépôt de son rapport à Queen’s Park, mercredi 2 décembre. « Il est donc difficile de savoir si les Réseaux parviennent à optimiser les ressources. »

Dans les faits, le rendement du système de santé à l’échelle locale en Ontario se serait amélioré dans seulement 6 des 15 secteurs mesurés à l’aide des « indicateurs » du Ministère. Dans certains secteurs, le rendement se serait nettement détérioré depuis 2010, soit trois ans après la création des RLISS. C’est notamment le cas au chapitre du temps d’hospitalisation des patients n’ayant plus de besoin de soins, qui a été plus long en 2015 qu’en 2007.

De plus, les RLISS n’ont pu démontrer à la VG qu’ils ont maximisé les gains d’efficience dans la prestation des services de santé, comme l’exige leur mandat, car le recours à l’achat collectif et l’intégration des services administratifs différaient dans les quatre agences qui ont fait l’objet d’une vérification.

« Il est temps de prendre du recul et de revoir les attentes par rapport aux RLISS », a commenté Mme Lysyk.

« Les Ontariens peuvent et doivent s’attendre à ce que les RLISS s’efforcent d’atteindre les mêmes objectifs de performance, peu importe où ils vivent dans la province », a réagi à #ONfr le Dr Eric Hoskins, ministre de la Santé et des Soins de longue durée. « Et dans les semaines qui viennent, nous allons partager un document de travail sur le futur de notre système de santé qui répondra directement à plusieurs des préoccupations de la VG. »

Les deux partis d’opposition à Queen’s Park ont à leur tour réclamé une révision en profondeur des RLISS.

Aide à l’enfance

La vérificatrice Bonnie Lysyk a aussi, dans son rapport, des mots durs à l’endroit des 47 sociétés d’aide à l’enfance de l’Ontario qui, selon elle, ne respectent pas les normes provinciales de protection des enfants, ferment trop hâtivement des dossiers et mettent trop de temps à faire enquête sur des allégations de violence.

Pire encore, dit la VG, le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse manquerait d’information sur la qualité des soins offerts par les sociétés d’aide à l’enfance qui sont sous sa responsabilité, ce qui rendrait difficile la surveillance de ces agences.

« Le Ministère doit renforcer les mécanismes de surveillance et obtenir plus d’information pour savoir exactement comment les sociétés d’aide à l’enfance fonctionnenent », a exhorté Mme Lysyk lors d’un point de presse, peu après le dépôt de son rapport. « Nous avons vu des situations (…) qui sont assez préoccupantes », a-t-elle ajouté. « Ce sont des situations à risque ».

Le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse de l’Ontario n’a pas immédaitement réagi au rapport de la Vérificatrice générale, le 2 décembre.

L’opposition à Queen’s Park a dit craindre que les ratés de l’aide à l’enfance mènent à d’autres drames comme celui à Toronto du petit Jefffrey Baldwin, décédé en 2002 à l’âge de 5 ans des suites de mauvais traitements infligés par ses grands-parents maternels, chez qui le garçon avait été placé par une société d’aide à l’enfance.

« Il y a moins d’une décennie, il a eu un rapport semblable au sujet des sociétés d’aide à l’enfance. Le gouvernement libéral avait promis que les mêmes problèmes seraient résolus. Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est qu’il y a des enfants vulnérables en Ontario qui ne reçoivent pas l’aide dont ils ont besoin. Ils demeurent dans des foyers abusifs plus longtemps. Et ça prend plus de temps pour que les rapports et les enquêtes soient complétés », a dénoncé la progressiste-conservatrice Lisa MacLeod. « J’ai l’impression que l’aide à l’enfance est un après-coup pour ce gouvernement », a-t-elle ajouté avec émotion.

« Des enfants vulnérables sont confiés à des gens dont (les sociétés d’aide à l’enfance) n’ont jamais vérifié les antécédants de mauvais traitements. Ça veut dire que les circonstances entourant la mort de Jeffrey Baldwin et celle de Katelynn Sampson dont l’enquête se poursuit d’ailleurs  sont toujours suscptibles de se reproduire aujourd’hui », a fustigé à son tour la chef néo-démocrate Andrea Horwath.

L’Énergie sur la sellette

Le bureau de la VG de l’Ontario a mené au total 14 enquêtes dans le cadre de son rapport annuel.

Une de ces enquêtes portait sur le lancement « prématuré » à l’automne 2014 d’un système automatisé de gestion des paiements d’aide sociale dont les « sérieuses défaillances » qui ont fait bondir les coûts de 200 millions $ à 290 millions $. La surveillante des comptes publics estime que le système défectueux a occasionné des erreurs dans le calcul des prestations d’aide sociale de l’ordre de 140 millions $, soit 89 millions $ payés en trop à des bénéficiaires et 51 millions $ en éventuels paiement insuffisants.

Bonnie Lysyk révèle aussi qu’entre 2004 et 2014, le ministère de l’Énergie a produit deux plans stratégiques et émis 93 directives ou orientations ministérielles qui ne tenaient pas compte de l’état du marché de l’électricité et qui allaient parfois à l’encontre de l’avis de l’Office de l’énergie de l’Ontario. Ces décisions auraient déjà coûté « des milliards de dollars » aux consommateurs d’électricité, selon elle. Dans la même veine, note-t-elle, la politique de renouvellement à prix garanti des contrats d’approvisionnement du gouvernement auprès de fournisseurs d’énergies vertes pourrait faire gonfler inutilement les factures d »électicité d’autant que 9,2 milliards $ d’ici 2030.

La vérificatrice soulève finalement une préoccupation au niveau de la transparence au ministère du Développement économique où, observe-t-elle, depuis cinq ans, 80% des nouvelles subventions ont été accordées à des entreprises qui avaient été invitées dans un premier temps par le gouvernement à présenter une demande.