Les néo-démocrates se penchent sur leur avenir

Le chef sortant du NPD, Thomas Mulcair. archives

EDMONTON – Le Nouveau Parti démocratique (NPD) tiendra son premier congrès post-électoral du 8 au 10 avril, à Edmonton. L’occasion de revenir sur une dernière campagne décevante et de s’interroger sur l’avenir de son chef, Thomas Mulcair.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Thomas Mulcair devrait, sauf surprise, rester le chef du NPD à l’issue du vote de confiance auquel il sera soumis lors du congrès d’Edmonton.

Le soutien du caucus néodémocrate à la Chambre des communes et de plusieurs chefs syndicaux ces dernières semaines prouve qu’il bénéficie encore d’appuis. Sans oublier le petit coup de pouce de la présidente du NPD, Rebecca Blaikie, qui a fixé à 70%, le taux de passage du vote de confiance devant les militants, qui aura lieu dimanche 10 avril. Un taux que M. Mulcair a jugé « raisonnable », sans vouloir l’endosser.

« On peut effectivement voir ça comme une stratégie pour lui assurer le vote, mais s’il n’obtient que 70%, ça restera un chiffre très décevant. Traditionnellement, les chefs de partis politiques vont chercher des appuis beaucoup plus forts pour montrer qu’ils ont le support de leurs militants. Il faudrait qu’il obtienne au moins 80% pour que cet appui soit clair », analyse Geneviève Tellier, professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa.

Toutefois, la politologue demeure prudente quant à prédire si M. Mulcair sera encore le chef néodémocrate à l’issue du congrès.

« Ça ne semble pas être le désir des principaux décideurs du parti de changer de chef. Mais il faut voir ce que les délégués en pensent sur le terrain, et ça c’est beaucoup plus difficile à juger d’avance. »

Beaucoup de militants ont exprimé leur déception lors des consultations menées à travers le pays suite à l’élection du 19 octobre. Il faut dire que non content d’avoir perdu son statut d’opposition officielle, le NPD est passé de 103 élus en 2011 à seulement 44 députés aujourd’hui.

En janvier dernier, la députée ontarienne provinciale dans Parkdale-High Park, Cheri DiNovo, avait demandé le départ de M. Mulcair dans le Toronto Star. Depuis, plusieurs voix se sont élevées pour réclamer des élections à la chefferie néodémocrate, dont le président du Congrès du travail du Canada, Hassan Yussuff, cette semaine et le caucus socialiste, auparavant.

« Avec eux, on a l’habitude. Ils demandent ça à chaque congrès. Mais je pense que M. Mulcair fait un bon travail et je vais l’appuyer », commente la députée franco-ontarienne d’Algoma-Manitoulin-Kapuskasing, Carol Hugues.

Le porte-parole aux langues officielles pour le NPD, François Choquette indique lui aussi appuyer M. Mulcair. Il veut toutefois que les militants se prononcent librement.

« Ce choix ne doit pas venir des élus mais de tous les délégués. Quel que soit le résultat, nous continuerons à travailler en équipe pour faire valoir les idées de notre parti et sa vision de la société. »

Pour Mme Tellier, le maintien immédiat de M. Mulcair pourrait faire partie d’une stratégie à plus long terme.

« Il y a un risque pour le NPD de changer son chef alors que le parti n’a pas encore fait l’analyse complète de la dernière campagne électorale. La stratégie pourrait être de garder le chef et de reconstruire le parti sur des bases solides dans un premier temps, puis de régler la question du chef ensuite. C’est possible que le parti essaie de gagner un peu de temps… »

Une analyse d’autant plus plausible que la constitution du NPD prévoit la tenue d’un vote de confiance tous les deux ans.

Qui pour remplacer M. Mulcair?

La politologue souligne également le manque de candidats à la succession de M. Mulcair.

Depuis l’échec des élections, quelques noms ont circulé dont celui de Nathan Cullen, qui bénéficie d’appuis dans l’ouest du pays. M. Cullen s’était présenté à la chefferie du NPD, en 2012, tout comme Niki Ashton, dont le nom a également été évoqué. Une des étoiles montantes du parti, Megan Leslie, qui a toutefois été défaite aux dernières élections, serait elle aussi sur la liste des candidats potentiels.

« Mais je ne sais pas à quel point ces rumeurs sont fondées. Il est possible que certains tâtent le terrain, mais ce ne sont que des suppositions pour la plupart. Et puis, il ne faut pas oublier qu’avec M. Mulcair, le NPD dispose de plusieurs atouts. Il a aidé le parti à être plus populaire au Québec, lui a donné une certaine envergure et a fait de bonnes interventions à la Chambre des communes… Aujourd’hui, je pense que si les gens écoutent davantage les idées du NPD, les néodémocrates le doivent en partie à M. Mulcair », glisse Mme Tellier.

Prendre des risques

Mais le recentrage opéré par le parti sous la chefferie de M. Mulcair fait aussi grincer quelques dents chez les plus progressistes, dont certains se sont fendus d’une lettre dans les médias pour demander un repositionnement du NPD du côté gauche de l’échiquier politique.

Lors de son élection à la chefferie en 2012, M. Mulcair, ancien ministre du gouvernement libéral de Jean Charest au Québec, avait milité pour sortir le NPD de ses créneaux traditionnels. Sera-t-il prêt à opérer le virage à gauche souhaité par certains pour rejoindre sa base électorale?

« Je pense qu’il est souhaitable que nous nous redéfinissions comme le parti de gauche que nous sommes. Mais je pense également que c’est le travail de tout une équipe et pas seulement du chef », précise M. Choquette.

Pour Mme Tellier, le défi de Thomas Mulcair s’annonce de taille.

« Ça va peut-être ça son plus grand défi : amener le parti à se renouveler, tout en incarnant ce changement. »

Le porte-parole aux langues officielles reconnaît que le parti a mal joué ses cartes aux dernières élections.

« Nous n’avons peut-être pas assez pris de risques pendant la campagne. Nous avons trop insisté sur l’équilibre budgétaire ce qui a donné l’image d’un parti axé sur la lutte contre l’austérité. Nous avions pourtant un plan économique progressiste qui comprenait lui aussi de nombreux investissements et qui expliquait où nous allions aller chercher de quoi les financer. Je pense que de voir que nous avions des chances réelles de l’emporter nous a peut-être conduit à être trop prudents. »

Pour un parti qui a été dépassé sur sa gauche par le Parti libéral du Canada (PLC) lors de la dernière campagne électorale, l’urgence est donc davantage de se repositionner que d’entamer une course à la chefferie, selon Mme Tellier.

« Ça va être difficile pour le NPD car le Parti libéral a non seulement fait campagne à gauche, mais il semble aussi gouverner à gauche, si on se fie à son premier budget. Tant que c’est le cas, ça embête vraiment le NPD qui aura bien du mal à se différencier? »

Dans son examen de la campagne 2015, le NPD a fait le même constat : « Les Canadiens arrivaient mal à nous différencier des libéraux ».

« Les Canadiens voulaient surtout du changement, ils ne voulaient plus de M. Harper », pense Mme Hugues.

Mais pour M. Choquette, la lune de miel entre les électeurs et le gouvernement de Justin Trudeau ne saurait durer.

« Nous devons nous tenir prêts à offrir une solution social-démocrate aux Canadiens quand ils réaliseront que les libéraux n’ont pas tenu leurs promesses, et qu’ils n’ont aucun plan pour gérer leurs déficits. La perception actuelle est que le Parti libéral gouverne à gauche, mais il reste un parti de centre. »

Pour Mme Tellier, le NPD doit avant tout reconquérir sa base électorale.

« Il faut qu’ils retournent vers leur base et leurs valeurs traditionnelles pour essayer de se démarquer. »