Les négociations se poursuivent pour l’éducation en français au Yukon

L’école Émilie-Tremblay, la seule école francophone du Yukon. Gracieuseté CSFY

WHITEHORSE – Renvoyés au point de départ par la Cour suprême du Canada il y a un peu plus d’un an, le gouvernement territorial et la Commission scolaire francophone du Yukon (CSFY) tentent de s’entendre sur le dossier de l’éducation en français afin d’éviter d’avoir encore recours aux tribunaux.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Les négociations se poursuivent entre le gouvernement de Darrell Pasloski et la CSFY. En mai dernier, les deux parties ont communément demandé plus de temps afin de poursuivre leurs négociations pour parvenir à une entente hors cour.

La CSFY souhaite obtenir la construction d’une école secondaire à Whitehorse et également la pleine gestion scolaire, afin notamment de pouvoir recruter les élèves considérés comme non ayants-droit.

En mai 2015, la Cour suprême du Canada avait renvoyé les deux parties au point de départ. Le plus haut tribunal du pays avait alors considéré que le juge Vital Ouellette avait fait preuve de « partialité » à l’égard des francophones, lors du procès en première instance tenu en 2011, opposant le gouvernement du Yukon à la CSFY.

« À la suite de la décision de la Cour suprême du Canada, nous étions d’accord qu’il était dans l’intérêt de tous de trouver un terrain d’entente », explique Edith Campbell, porte-parole de la CSFY.

Situation critique

De là, ont été créés deux comités, un comité de règlement et un sous-comité de construction sur la question de l’école secondaire.

« Les négociations avancent bien, même si bien sûr, nous souhaiterions que ça aille plus vite. Nous allons dans la bonne direction et sommes optimistes. Le gouvernement semble être conscient des besoins », pense Mme Campbell.

Pour la CSFY, le temps presse. L’école Émilie-Tremblay, la seule école francophone du Yukon, a connu une croissance exponentielle depuis son ouverture. À la rentrée prochaine, elle accueillera plus de 270 élèves pour le primaire et le secondaire, contre une centaine au départ.

D’où l’intérêt pour la communauté franco-yukonnaise d’avoir une école secondaire qui permettrait ainsi de libérer de l’espace pour le niveau primaire et d’offrir des installations adéquates pour les jeunes élèves du secondaire, d’autant que la CSFY prévoit une augmentation des effectifs de 10% par année et dépasser les 300 élèves en 2017-2018.

L’école Émilie-Tremblay contient 13 classes avec fenêtres et 3 classes sans fenêtre. Si la capacité maximale de l’école est de 260 élèves, deux portatives ont été ajoutées pour accueillir plus d’élèves. Et pour parer au plus pressé, une troisième portative sera ajoutée cet été.

« Trois de nos classes sont des locaux spécialisés sans fenêtres qui ont été transformés en salle de classe. Nous avons perdu notre ancien local de musique, notre ancien laboratoire informatique et notre ancienne salle d’art pour en faire des salles de classe pour accommoder le nombre d’élèves grandissant. Les élèves du primaire sont logés dans les portatives qui n’ont pas l’eau courante… », rapporte Mme Campbell.

Le nombre grandissant d’élèves suppose également une augmentation du personnel, souligne la CSFY, ce qui crée aussi son lot de défis.

« Nous avons dû réduire la taille de la bibliothèque et éliminer la salle de ressources pédagogiques pour ajouter des espaces de travail. Nous avons converti l’entrepôt de livres de l’école en salle de classe pour des élèves à besoins spéciaux et nous avons converti les petites salles d’entreposage en bureaux de travail. Nous avons aussi bloqué une section d’un corridor pour créer un autre espace d’enseignement. Nous n’avons plus assez de place dans le stationnement pour nos employés et l’accès à l’école le matin et le soir pour les parents est difficile, car il y a trop de circulation. »

Cette situation critique n’échappe pas au gouvernement, assure la vice-première ministre et ministre responsable de la Direction des services en français, Elaine Taylor.

« Nous sommes conscients qu’il y a un besoin car l’école Émilie-Tremblay est à pleine capacité. Nous avançons bien. Le site de la future école secondaire a déjà été identifié, nous avons annoncé de l’argent dans le budget afin de travailler sur la phase de planification et continuons de travailler avec Patrimoine canadien afin d’obtenir une aide financière du gouvernement fédéral. La prochaine étape est de définir le design. »

D’ici deux ou trois ans?

La future école serait un centre scolaire communautaire comme il en existe déjà dans plusieurs communautés francophones en situation minoritaire à travers le Canada. Le futur établissement, installé dans le centre-ville de Whitehorse, comprendrait une école secondaire donc, mais aussi une salle de spectacle de 250 personnes, des bureaux pour la CSFY, un endroit pour regrouper des archives et des locaux accessibles pour la communauté.

« Cela permettrait d’y organiser des activités pour toute la communauté et de montrer aux élèves que le français ce n’est pas seulement dans les salles de classe », justifie Mme Cambpell.

La CSFY espère obtenir l’aide de Patrimoine canadien pour le volet communautaire. Une demande a été déposée qui est surveillée de près par la communauté franco-yukonnaise.

« Nous faisons partie des négociations pour le côté communautaire car c’est un projet que nous souhaitons voir aboutir depuis longtemps. Ce type d’infrastructure manque dans notre communauté. Nous sommes confiants car il y a de bons canaux de communication avec le gouvernement », explique Angélique Bernard, présidente de l’Association franco-yukonnaise (AFY).

Selon Mme Campbell, la nouvelle école ne devrait toutefois pas voir le jour avant deux ou trois ans.

Concernant la gestion scolaire, la CSFY se montre également confiante même si elle demeure sur ses gardes.

« Les négociations sont confidentielles donc on ne peut pas en dire trop, mais on sent qu’il y a de l’ouverture de la part du ministre de l’Éducation Doug Graham et du gouvernement. Les progrès réalisés depuis un an nous encouragent, même si on ne peut pas dire qu’on n’ira plus jamais devant les tribunaux tant qu’il n’y a pas d’entente. Mais on préfère trouver un terrain d’entente car au final, nous partageons le même objectif : donnez les outils adéquates à nos jeunes pour qu’ils réussissent! »