Les libéraux tiennent-ils Toronto pour acquis?

TORONTO – Plusieurs intervenants s’interrogent sur l’attitude du gouvernement de Kathleen Wynne à l’égard des résidents de la Ville reine, quelques jours après le dépôt du budget, alors que le maire de Toronto, John Tory, affirme que sa municipalité est la grande perdante du dernier exercice financier.

JEAN-FRANÇOIS MORISSETTE
jmorissette@tfo.org | @JFMorissette72

Le gouvernement martèle depuis vendredi qu’il a largement contribué à la métropole canadienne au cours des derniers mois avec des investissements majeurs dans plusieurs domaines clés, dont une contribution de 1,48 milliard de dollars pour l’extension de la ligne de métro jusqu’à Scarborough et le financement de plusieurs milliers de places en garderie.

Toutefois, selon le maire de Toronto, John Tory, les libéraux ont simplement tourné le dos à la métropole canadienne avec leur dernier budget.

Depuis que la province a refusé l’implantation de péages routiers près de Toronto, ce qui aurait permis à la municipalité de récolter plus de fonds, la relation entre M. Tory et le gouvernement libéral à Queen’s Park est particulièrement tendu.

Pour Geneviève Tellier, politologue à l’Université d’Ottawa, le maire de Toronto a en partie raison lorsqu’il dit que sa municipalité a été oubliée du budget. Elle nuance toutefois les propos du premier magistrat.

« Ce sont toutes les villes qui ont été oubliées, pas particulièrement Toronto (…). Ce ne sont pas les municipalités qui ont été au cœur du budget, mais la santé et les gens. »

« Le budget est quand même à saveur électoraliste et je crois qu’avec cet exercice, le gouvernement essaie d’aller chercher les gens plutôt que de passer par les villes » – Geneviève Tellier

La politologue précise aussi que les fonds sont là, mais qu’il ne s’agit pas nécessairement de nouvelle somme puisque le gouvernement poursuit les investissements qu’il avait déjà annoncés dans les budgets précédents.

Mme Tellier note aussi que les fonds ne manquent pas dans les derniers budgets, mais qu’ils sont plus « saupoudrés » un peu partout plutôt que dirigés à un endroit précis.

Un vote acquis?

Que va-t-il arriver avec le vote dans la région du 416? Pour Mme Tellier, il va être important de voir comment les partis d’opposition à Queen’s Park agissent auprès des électeurs.

« Les dernières élections nous ont montré que les partis d’opposition jouent souvent contre eux-mêmes (…) et il ne faut pas oublier que les libéraux ont une équipe assez forte et des moyens importants », remarque Mme Tellier, qui ajoute qu’il reste plus d’un an et surtout un autre budget avant la prochaine élection.

« Le problème des libéraux est ailleurs (qu’à Toronto) puisqu’il y a un sentiment général dans la population qui est tannée de voir le parti au pouvoir. Ça fait longtemps qu’ils sont là et lorsque les gens commencent à se dire cela, la pente est plus difficile à remonter », estime tout de même la politologue.

Selon un récent sondage de la firme Forum Research, les progressistes-conservateurs de l’Ontario sont largement en avance dans les intentions de vote et récolteraient 47 % des voix si une élection avait lieu aujourd’hui. Les libéraux de Kathleen Wynne, pour leur part, devraient se contenter de 19 % du vote, et les néo-démocrates termineraient en seconde position à 24 %.

À la dernière élection provinciale, le Parti libéral de l’Ontario a réussi à récolter toutes les circonscriptions de la région du 416, à l’exception de celle de Toronto-Danforth et de Parkdale-High Park, qui ont été acquises par les troupes néo-démocrates d’Andrea Horwath.

Les partis d’opposition en mode charme

En point de presse le lundi 1er mai, Patrick Brown, le chef du Parti progressiste-conservateur (Parti PC) de l’Ontario, a promis que s’il était porté au pouvoir, il serait à l’écoute de la métropole en s’engageant à avoir des rencontres « régulières » entre lui et le maire Tory.


M. Brown a aussi promis de réduire le fardeau administratif pour faciliter la construction de logements abordables dans la grande région de Toronto et de poursuivre, voire d’accélérer, le projet d’extension de la ligne de métro jusqu’à Scarborough, un projet pour lequel milite le maire Tory.

Pour sa part, la chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Ontario, Andrea Horwath, a aussi promis de ne pas laisser en reste la métropole ontarienne. Si elle est portée au pouvoir en juin 2018, la chef de la troisième force politique à Queen’s Park s’est engagée à écouter les besoins du maire de Toronto.

« Tout le monde connaissait les besoins de la ville de Toronto en matière de transport en commun et de service à la petite enfance avant le dépôt du budget et je me suis engagée dans ces domaines lorsque j’ai rencontré le maire Tory en février », a-t-elle commenté.

« La ville ne peut pas affronter seule ces problématiques (…). Elle a besoin d’être partenaire avec le gouvernement provincial. »

En conférence de presse le lundi 1er mai, la première ministre Kathleen Wynne a affirmé que la relation avec la Ville de Toronto est « bonne ».