Les Franco-Manitobains laissent une chance à Ottawa

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WINNIPEG – D’ici l’automne prochain, la Société Franco-Manitobaine (SFM) devra choisir si elle maintient ou non sa poursuite contre le gouvernement fédéral au sujet de la prestation de services en français dans la province.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

L’organisme porte-parole des 47 670 francophones du Manitoba juge que le gouvernement fédéral applique une définition trop restrictive des francophones  qui ne correspond plus à la réalité. Cette définition permet de déterminer où Ottawa offre des services en français.

« Les communautés francophones en situation minoritaire ont beaucoup changé avec l’immigration, le succès de l’immersion et l’exogamie. Pourtant, on ne dénombre pas toujours ces personnes comme francophones », explique le président-directeur général de la SFM, Daniel Boucher.

Raison pour laquelle, la SFM a intenté un recours devant la Cour fédérale.

« L’article 20 de la Charte canadienne des droits et libertés parle d’offrir des services en français là où la demande est importante. Mais comment détermine-t-on ce qu’est « une demande importante »? », interroge l’avocate de la SFM, Anne M. Tardif.

La SFM considère que de nombreux francophones sont oubliés par la méthode de calcul du gouvernement fédéral, notamment ceux dont la langue maternelle n’est pas le français mais qui le parlent et souhaitent le parler.

« Si la méthode de calcul des francophones change, on pourrait avoir plus de services offerts en français de la part du fédéral au Manitoba, mais aussi dans toutes les communautés francophones de l’extérieur du Québec », rappelle M. Boucher.

Pour l’avocate de la SFM, le gouvernement ne tient pas assez compte des objectifs de la Loi sur les langues officielles.

« Si on vise vraiment l’égalité des deux langues officielles et l’épanouissement des communautés minoritaires, il faut faire plus. Nous soulevons un enjeu inédit qui revêt une importance fondamentale pour les francophones hors Québec mais aussi pour tout le pays. »

Révision du Règlement sur les langues officielles

L’audience aurait dû avoir lieu en avril dernier, à Winnipeg, mais elle a finalement été ajournée. La raison? En novembre dernier, le gouvernement fédéral a annoncé une révision des règles entourant la livraison de services bilingues à travers le Canada.

Cette révision pourrait permettre de revoir les critères de livraison des services bilingues dans les bureaux de Service Canada et donc, éventuellement, d’en augmenter le nombre.

« La Cour fédérale nous a laissé jusqu’au 29 septembre pour discuter avec le gouvernement fédéral et voir ce qu’il compte faire », explique M. Boucher.

Le gouvernement prévoit la mise en place d’un nouveau règlement d’ici le printemps 2019, qui ne devrait prendre effet qu’à la suite du recensement de 2021. D’ici là, le gouvernement a imposé un moratoire sur les bureaux qui allaient perdre ou étaient susceptibles de perdre leur statut bilingue, jusqu’à ce qu’un règlement modernisé soit mis en place.

Patiente, la SFM ne compte toutefois pas attendre encore deux ans.

« Nous avons eu des discussions avec le Secrétariat du Conseil du Trésor qui nous assure qu’on devrait avoir une bonne idée des orientations prises autour de cette modification d’ici l’automne. Nous aurons alors trois solutions : demander un autre sursis à la cour, demander une date d’audience ou abandonner notre recours si nous sommes satisfaits avec les orientations présentées. »

Un comité d’experts sur la révision

En juin, le gouvernement fédéral a révélé le nom des membres du conseil d’experts qui sera chargé de se pencher sur cette révision. Les sénatrices Claudette Tardif et Raymonde Gagné composent ce comité aux côtés de l’ancien commissaire aux langues officielles, Graham Fraser et de la co-présidente de Dialogue Nouveau-Brunswick, Mirelle Cyr.

« Les membres de ce groupe sont des grands défenseurs des droits des minorités linguistiques. Leurs expertises, leurs expériences et leurs conseils vont considérablement enrichir notre révision et vont nous permettre de moderniser et d’améliorer le Règlement pour qu’il reflète mieux les besoins de nos communautés », a expliqué le président du Conseil du Trésor, Scott Brison.