Les 16 enjeux à surveiller en 2016

L'année 2015 terminée, place aux enjeux de 2016. ThinkstockPhotos

TORONTO – L’année 2015 terminée, les regards sont désormais tournés vers 2016. Plusieurs dossiers ont connu leur aboutissement en 2015, mais d’autres restent à régler. L’équipe d’#ONfr présente 16 enjeux qu’il faudra surveiller pour cette nouvelle année.

LES DÉBATS SERONT ANIMÉS À QUEEN’S PARK

1. L’ascension de Patrick Brown

Il l’a prouvé. Il peut provoquer la surprise. Maintenant, le défi du nouveau chef progressiste-conservateur Patrick Brown est de se faire connaître, sans trop se brûler d’ici les prochaines élections. Premier test, l’élection partielle qui aura lieu sous peu dans Whitby-Oshawa. Un bastion du Parti PC que M. Brown devra conserver dans son giron pour bien asseoir sa crédibilité en tant que chef de l’opposition à Queen’s Park. L’autre défi qui attend Patrick Brown en 2016, c’est d’élaborer un programme électoral sans faille.  Le chef progressiste-conservateur devra trouver le ton juste pour interpeler les électeurs, et faire oublier les prises de position parfois controversées de son prédécesseur Tim Hudak. C’est donc une année importante qui attend Patrick Brown.

2. Énergie

C’était déjà un enjeu chaud avant la privatisation d’Hydro One. Ça l’est encore plus maintenant. L’énergie demeure, encore et toujours, la bête noire des libéraux à Queen’s Park. Et le gouvernement de Kathleen Wynne aura fort à faire en 2016 pour convaincre les Ontariens qu’il a emprunté la bonne voie avec son « virage vert ». Surtout après le dépôt d’un rapport de la Vérificatrice générale de l’Ontario qui laisse entendre que la province a dépensé 9,2 milliards $ de trop pour son énergie éolienne et solaire. L’opposition a fait ses choux gras des politiques énergétiques de la province en 2015. Gageons que nous n’avons pas fini d’en entendre parler.

3. Plan vert

Queen’s Park doit dévoiler, au début de 2016, son plan pour atteindre un objectif, très ambitieux, de réduire d’ici 2050 les émissions de gaz à effet de serre de la province à 80% de ce qu’elles étaient en 1990. L’enjeu est intimement lié à l’énergie, mais il touche aussi tous les aspects de la société. On sait d’ores et déjà que le gouvernement a dans sa mire la pollution par les transports et les immeubles. Une enveloppe de 20 millions $ a déjà été annoncée à la fin de 2015 pour multiplier les bornes de recharge de véhicules électriques le long de nos routes. Mais au-delà de ça, on ne sait pas trop combien va coûter la lutte au changement climatique. Le gouvernement nous dit que le prix de l’inaction sera encore plus gros. Mais tant qu’on n’a pas les chiffres, c’est difficile de se faire une idée.

4. L’infrastructure

Ce n’est pas sexy. Mais c’est quand même là où le gouvernement de l’Ontario veut dépenser 13 milliards $ par année d’ici les neuf prochaines années. Plusieurs projets d’infrastructure sont sur la table, comme l’électrification du réseau de trains GO et le prolongement des autoroutes 407, 417 et 427. Queen’s Park entend financer une partie de ses projets d’infrastructure avec les profits de la vente du fournisseur d’électricité Hydro One. Mais il faudra aussi d’autres « outils de revenus », comme des voies réservées à accès tarifé, qui seront à l’essai sur l’autoroute QEW à Burlington et Oakville dès l’été 2016.

FRANCOPHONIE ONTARIENNE : UNE ANNÉE DÉCISIVE

5. Statut bilingue de la Ville d’Ottawa

Ottawa, ville officiellement bilingue pour le 150e anniversaire de la Confédération en 2017? La réussite du projet dépendra de la capacité des francophones d’Ottawa à convaincre leur conseil municipal. L’idée : une demande des élus à l’Assemblée législative de l’Ontario d’une résolution exigeant de clarifier le statut linguistique de la capitale du Canada. Réclamé depuis des décennies et relancé de plus bel depuis 2012, le projet se heurte toujours au maire d’Ottawa, Jim Watson, opposé à une désignation officielle. Reste que le nouveau gouvernement libéral donne certains espoirs aux francophones. Réputé plus favorable au bilinguisme, le premier ministre Justin Trudeau pourrait éventuellement appuyer le projet.

"L'hôpital

6. La santé à Penetanguishene

L’enjeu est toujours de taille pour l’obtention de services de santé en français à Penetanguishene. L’Hôpital général de la baie Georgienne (HGBG), partiellement désigné en vertu de la Loi sur les services en français, fermera ses portes au courant de l’année. Aucune solution n’a encore été clairement identifiée pour permettre au millier de francophones de l’endroit de bénéficier de services dans leur langue. Le rapport du commissaire aux services en français de l’Ontario, François Boileau, sera très attendu par les francophones de l’endroit, mais aussi de toute la province. Car le dossier de Penetanguishene fait bien écho à un autre historique : celui de l’Hôpital Montfort menacé de fermeture de 1997 à 2001 par le gouvernement conservateur de Mike Harris.

7. Le projet d’université franco-ontarienne

Le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) et d’autres organismes francophones exigent toujours que la première pierre soit posée au plus tard en 2018, et ce, sous forme d’un premier campus à Toronto. Si 2015 constituait le temps de la présentation du projet, 2016 pourrait rimer avec son approbation ou non. Les députés seront amenés à donner leur feu vert au projet de loi initialement présenté par la néo-démocrate, France Gélinas, et visant à la création d’une université franco-ontarienne.

Jusqu’à maintenant, le gouvernement libéral de Kathleen Wynne n’a jamais appuyé clairement l’idée, arguant la lutte contre le déficit budgétaire. Mais les deux partis d’opposition à Queen’s Park, le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Parti progressiste-conservateur, vont obliger sans doute les libéraux à quelques concessions.

8. Désignations de régions en vertu de la Loi 8

Le gouvernement libéral sera vraisemblablement attendu sur le dossier des régions désignées en vertu de la Loi sur les services en français (Loi 8 de 1986). Si Markham, située dans la région du Grand Toronto, est devenue la 26e région désignée l’été dernier, d’autres régions sont toujours candidates à commencer par la municipalité d’Oshawa ou celle de Waterloo, dans l’ouest de Toronto.

Les critères pour obtenir une désignation, à savoir au moins 10% de la population locale ou 5000 personnes dans un centre urbain, sont de plus en plus critiqués pour leur caractère restrictif. Selon l’Office des affaires francophones (OAF), 85% des Franco-Ontariens résident dans une région désignée.

9. L’accès égal aux services de base

Un enfant francophone de Toronto a été témoin de l’agression de sa mère par son père? Même s’il a été traumatisé, il sera bien difficile pour lui d’avoir de l’aide en français. Un peu partout en Ontario et au Canada, des citoyens francophones sont forcés de consulter des spécialistes du réseau public en anglais, même lorsque les lois en place imposent qu’ils reçoivent de l’aide vitale dans leur langue. Cette problématique est bien réelle dans l’univers de la santé, mais aussi dans le monde judiciaire, notamment. Le commissaire aux services en français de l’Ontario, François Boileau, fait de l’offre active en français une de ses priorités depuis un bon moment. Alors que les cas problématiques se multiplient, le gouvernement ontarien sera assurément invité à proposer de nouvelles solutions dans ces sphères au cours des prochains mois.

10. De l’aide en français pour les aînés francophones

Plusieurs études le confirment : les aînés francophones sont plus pauvres que leurs semblables de langue anglaise. La population étant vieillissante, il y a de plus en plus de besoins dans cette tranche de la population et des organismes de partout en Ontario devront continuer à se transformer pour leur venir en aide dans toute sorte de domaines de la vie quotidienne. En plus de devoir faire face à des défis socio-économiques plus importants, plusieurs aînés sont actuellement obligés de vivre loin des leurs et font face à un phénomène de déracinement. Il y a, par exemple, un manque de lits de soins de longue durée dans le sud de l’Ontario et plusieurs personnes âgées doivent aller séjourner dans des centres éloignés de là où ils ont vécu pendant toute leur vie.

11. Notoriété pour l’Ontario français

« Il y a des gens qui parlent français en Ontario? », une phrase entendue bien souvent par de nombreux Franco-Ontariens. Bien peu de gens savent à l’extérieur des frontières de l’Ontario que plus de 600 000 francophones vivent dans la province. Agaçant pour certains, cette situation a aussi des conséquences importantes à plusieurs autres niveaux. Le Québec est l’un des marchés touristiques prioritaires de l’Ontario, mais un travail énorme est à faire pour faire connaître le visage francophone d’une bonne partie du territoire ontarien. Le manque de notoriété de l’Ontario français est aussi un problème lorsque vient le temps de recruter des étudiants francophones à l’étranger. Avec l’élection d’un nouveau gouvernement à Ottawa, l’Ontario pourrait possiblement aussi avoir le champ libre pour rejoindre l’Organisation internationale de la Francophonie. Auparavant, le gouvernement conservateur de Stephen Harper bloquait la candidature ontarienne.

12. Incertitude touristique francophone

Le 400e anniversaire de la présence francophone en Ontario a permis de constater le dynamisme de nombreuses communautés de langue française de la province. De nouvelles attractions ont même vu le jour. À Penetanguishene, le nouveau Parc Rotary Champlain Wendat permet d’observer plusieurs sculptures, dont l’une met en vedette Samuel de Champlain et le chef huron Aenon. Mais les touristes francophones seront-ils au rendez-vous? Direction Ontario qui faisait la promotion du tourisme auprès des marchés francophones a fermé ses portes. Normalement, le travail de promotion pour la prochaine saison estivale commence dès l’hiver, qui va assumer ce rôle clé cette année? Les retombées économiques provenant des touristes francophones sont importantes et de nombreux emplois dans la province dépendent d’eux. Il faudra aussi voir si la nouvelle route touristique francophone promise par Tourisme Ontario verra le jour et de quelle manière ce projet va s’articuler.

GOUVERNEMENT FÉDÉRAL : EN ATTENTE DE GESTES CONCRETS

13. Bilinguisme à la Cour suprême

Le député de Drummond, porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) en matière de Langues officielles, François Choquette, a déposé, le 8 décembre, un projet de loi visant à faire du bilinguisme un critère obligatoire quant à la nomination des juges à la Cour suprême du Canada. Le dossier n’est pas nouveau, puisqu’il s’agit de la quatrième tentative du NPD depuis 2006.

Celle-ci pourrait toutefois être la bonne, en 2016, puisque le Parti libéral du Canada (PLC) a inclus cet engagement dans sa plateforme électorale et que même le représentant aux Langues officielles pour le Parti conservateur du Canada, Bernard Généreux, a dit être prêt à étudier la question. Selon ce qu’a appris #ONfr, le projet de loi C-203 devrait être débattu en deuxième lecture au cours du second semestre 2016.

14. Immigration francophone

Le gouvernement fédéral peine à atteindre sa cible en matière d’immigration francophone hors Québec, fixée à 4,4% par année, depuis 2003. Le problème n’est pas récent mais le nouveau ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, John McCallum, est attendu dans ce dossier. Son prédécesseur, le conservateur Chris Alexander, avait été critiqué pour l’absence de lentille francophone au programme Entrée Express. La fin du programme Avantage significatif francophone, en 2014, a été un coup dur selon plusieurs communautés francophones à travers le pays. Ces dernières rappellent l’importance de l’immigration francophone pour assurer leur survie et leur développement.

Le gouvernement fédéral devra donc rapidement préciser sa stratégie pour faire mieux que son prédécesseur. La province de l’Ontario, qui s’est donnée une cible de 5% fin mai 2015 comme le Nouveau-Brunswick et le Manitoba, attend des engagements pour atteindre ses propres objectifs.

15. Financement des organismes

La Feuille de route pour les langues officielles du Canada ne prendra fin qu’en 2018, mais la nouvelle ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, est d’ores et déjà attendue sur la question du financement des organismes francophones en situation minoritaire. Gelée depuis 10 ans, l’enveloppe de 1,1 milliard $ destinée à financer la dualité linguistique ne répondrait pas aux attentes et aux besoins des communautés, selon les organismes. La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada a plusieurs fois rappelé le manque de ressources des organismes sur le terrain. Le nouveau gouvernement libéral va donc devoir dévoiler ses intentions et proposer des solutions, lui qui n’avait pas hésité à pointer du doigt les conservateurs sur cette question pendant la campagne électorale.

16. Nominations au Sénat

Le gouvernement de Justin Trudeau a présenté sa réforme du processus de nomination des sénateurs, en décembre. Celui-ci reposera désormais sur le mérite des candidats, même si le gouvernement assure qu’il n’omettra pas le rôle fondamental du Sénat pour représenter les intérêts des minorités. Compte tenu du manque de sénateurs de l’Ontario, du Québec et du Manitoba, le gouvernement a annoncé la nomination de deux Ontariens, deux Manitobains et un Québécois dès le début de l’année 2016. Actuellement, la Chambre haute compte 22 sièges vacants et l’Ontario n’a actuellement que 17 sénateurs sur les 24 prévus.

Alors que la sénatrice de Sudbury, Marie Charette-Poulin, a quitté son siège en avril 2015 pour des raisons de santé, et que le sénateur Jean-Robert Gauthier n’a jamais été remplacé depuis 2004, les yeux de la communauté franco-ontarienne sont donc tournés vers ces premières nominations qui pourraient être un bon indicatif de l’engagement du gouvernement en matière de représentativité des francophones hors Québec à la Chambre haute.