Légalisation du cannabis : inquiétude dans les petites municipalités

Le centre servira de lieu de rencontre culturelle pour les francophones de la municipalité de Rivière des Français. Archives ONFR+

TORONTO – L’arrivée de la vente contrôlée du cannabis par le gouvernement dans les municipalités ontariennes fait sursauter plusieurs maires de communautés au Nord de la province. Certains ne cachent pas leurs inquiétudes face au projet.

JEAN-FRANÇOIS MORISSETTE
jmorissette@tfo.org | @JFMorissette72

La semaine dernière, le gouvernement ontarien a annoncé qu’il ouvrira une centaine de magasins sous l’égide de la la Liquor Control Board of Ontario (LCBO) d’ici les trois prochaines années pour encadrer la vente du cannabis et a choisi de fixer l’âge minimal de la vente à 19 ans.

Le maire de la Ville de Hearst, Roger Sigouin déplore l’arrivée du cannabis dans sa ville.

« On s’est battu pendant des années pour éliminer la cigarette partout, mais là, on va implanter le cannabis partout », s’exclame-t-il en entrevue à #ONfr.


« Comme représentant d’une ville, je pense aux nombreuses problématiques que ça va entraîner. Oui, ça peut aider certaines personnes, mais (là) on va perdre le contrôle » – Roger Sigouin


Hearst possède déjà un dispensaire privé, mais le maire Sigouin ne cache pas sa désapprobation face à ce commerce. Selon lui, la légalisation du cannabis va plutôt favoriser la création d’autres problèmes liés à la drogue.

M. Sigouin déplore également que les petites villes vont devoir se battre davantage pour obtenir de l’aide financière.

« Les discussions qu’ils (le gouvernement provincial) ont avec les maires, c’est comme dans bien d’autres sujets, ils disent qu’ils nous consultent, mais n’écoutent pas », s’indigne-t-il.

« De voir que ce sont des enfants et innocents qui vont jouer avec ça (le cannabis), c’est déplorable. On va voir des communautés entières avoir des problèmes, pas seulement dans le Nord, mais partout dans la province. » 

Claude Bouffard, maire de la municipalité de la Rivière des Français, et président de l’Association française des municipalités de l’Ontario (AFMO), estime aussi que la situation est inquiétante à priori.

« Dans les petites municipalités, nous devons nous demander comment nous allons pouvoir implanter la loi. Il va falloir savoir qui va devoir s’assurer que la loi soit respectée. Est-ce que ça va être les municipalités? »

Le maire de la municipalité de la Rivière des Français demande d’ailleurs que l’implantation commence par les grandes villes de la province avant d’arriver dans les petites villes de l’Ontario.

Toutefois, selon M. Bouffard, l’implantation de dispensaire de cannabis contrôlé par le gouvernement permet d’apaiser les craintes que la légalisation pourrait entraîner.

La province n’a toutefois pas dévoilé les mesures qu’elle allait prendre pour s’attaquer au problème de la conduite sous l’influence de la marijuana. Des détails à cet effet doivent être dévoilés au cours des prochaines semaines.

Une collaboration avec les villes

Le procureur général de l’Ontario, Yasir Naqvi, note qu’il comprend bien les inquiétudes des petites communautés de la province et souligne être en communication avec ces dernières pour s’assurer que leurs inquiétudes soient écoutées.


« Nous reconnaissons qu’il va y avoir des inquiétudes liées à la légalisation et notre engagement est de travailler avec les communautés » – Yasir Naqvi


Le ministre Naqvi assure que lorsque les discussions au sujet des revenus venant de la taxation auront lieu avec le gouvernement fédéral, l’Ontario sera en mesure de mieux comprendre comment la province pourra venir en aide aux municipalités.

Face aux inquiétudes générales, M. Naqvi veut se montrer rassurant et indique que la sécurité publique sera la priorité du gouvernement.

Des détails manquants selon les partis d’opposition

Le chef du Parti progressiste-conservateur (Parti PC) de l’Ontario, Patrick Brown, estime qu’il reste encore beaucoup de questions sans réponse.

« Cette décision est précipitée sans que le gouvernement ait fait ses devoirs », explique-t-il.

« La responsabilité numéro un d’un gouvernement est de s’assurer que nos communautés et nos rues soient sécuritaires (…) Quand nous avons des policiers qui disent qu’ils n’ont pas les ressources ou les équipements pour faire face à la légalisation, je suis inquiet », a ajouté M. Brown.

Même son de cloche chez Andrea Horwath, la chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Ontario, qui note qu’il reste encore trop d’interrogations.

« Nous ne savons pas le niveau de taxe qui sera imposé, nous ne savons que le prix qu’aura le produit, nous ne savons même pas de quoi aura l’air le produit », s’est-elle questionnée.

Bien qu’elle salue l’implantation d’une société de la Couronne ontarienne, Mme Horwath doute des lieux où seront mis les dispensaires.