Le terrain miné de Kathleen Wynne

La première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne. Archives

[ANALYSE]

TORONTO – Lors de la fin de session parlementaire en décembre, Kathleen Wynne et le gouvernement libéral avaient probablement poussé un soupir de soulagement. En quatre ans à la tête de la province, Kathleen Wynne n’avait jamais vu les flèches voler autant à son endroit pendant les quelques mois que représentent une session.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Les eaux calmes actuellement traversées par son gouvernement ne sont qu’une illusion. Dès le début de la session parlementaire ce mardi, les accusations portées avec le Sudburygate et la hausse des factures d’électricité viendront de nouveau nourrir les critiques de l’opposition.

Discrets depuis deux mois, le chef du Parti progressiste-conservateur, Patrick Brown et la leader néo-démocrate Andrea Horwath fourbissent leurs armes contre un gouvernement toujours à la traîne dans les sondages.

En affirmant vendredi en conférence de presse que Mme Wynne ne « savait pas ce qui se passait dans la vie des Ontariens », Mme Horwath relaye un sentiment généralisé depuis quelque temps. D’autant que certains reprochent à la première ministre son manque de déplacements à Ottawa ou dans le Nord.

La volonté et le sens tactique de Mme Wynne devront être immenses jusqu’à la fin de session, si elle veut déjouer les pièges. Le terrain est ici miné, puisque les solutions apportées par la chef du Parti libéral sont contestées.

Tout d’abord au niveau du budget. Cette semaine, la vérificatrice générale a encore fait part de ses inquiétudes. Bonnie Lysyk doute de la nécessité d’utiliser 10,7 milliards de dollars des fonds de retraite comme un actif de l’État afin d’équilibrer les finances de la province. Un souhait ici des libéraux, pourtant validé par un groupe d’experts indépendants.

Sur le dossier d’Hydro One, Mme Wynne s’est engagée voilà quelques jours à « présenter un plan pour aider les gens » en proie à une augmentation de leur facture d’électricité. Un geste louable, mais dont les détails n’ont pas encore été clairement expliqués.

Même si elle ne sera pas en première ligne des dossiers francophones, Kathleen Wynne devrait aussi entendre parler du projet d’une université francophone, ou encore de l’immigration.

Mais derrière ces enjeux « éternels » pour les Franco-Ontariens se cachera un tout autre : la capacité de Marie-France Lalonde à convaincre. Durant ses premiers mois en fonction, la ministre déléguée aux Affaires francophones avait bénéficié d’une certaine mansuétude, en tant que « successeure » de Madeleine Meilleur. Il n’en sera pas de même en 2017.

Mme Lalonde n’a pas franchement fait de faux-pas, mais deux de ses actions ont déclenché une salve de critiques. Celle de ne pas avoir nommé un jeune sur le comité consultatif destiné à la création d’une université franco-ontarienne, et celle de ne pas pousser assez fort le dossier de la désignation d’Ottawa en tant que Ville officiellement bilingue.

Le bilan du gouvernement Wynne à l’égard des Franco-Ontariens n’est certes pas négligeable : excuses sur le Règlement XVII, adhésion à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et dernièrement la volonté d’ériger un monument dédié aux Franco-Ontariens devant Queen’s Park. Mais cette « symbolique » reste loin de satisfaire une partie des Franco-Ontariens toujours en recherche d’actions concrètes par l’intermédiaire de Mme Lalonde.

Mme Wynne ne peut sous-estimer le vote des francophones, lesquels occupent de nombreuses circonscriptions pour le moment libérales (Glengarry-Prescott-Russell, Ottawa-Orléans, Sudbury), mais où le vent pourrait tourner.

À moins d’un an et demi des élections provinciales, la première ministre sait qu’elle n’a pas le droit à l’erreur. Les quelques semaines de cette session printanière représenteront peut-être les semaines les plus importantes de sa carrière politique.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit le 18  février.