Le journaliste Adrien Cantin est décédé

L'ancien journaliste Adrien Cantin.

OTTAWA – La francophonie ontarienne perd l’une de ses plus grandes plumes. L’ancien journaliste Adrien Cantin est décédé à l’âge de 68 ans, le mercredi 22 mars.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Originaire de Hearst, dans le Nord de l’Ontario, M. Cantin a œuvré dans le domaine des médias pendant près de 50 ans. Il avait fait ses débuts comme journaliste pour le quotidien Le Droit en 1980. Spécialisé dans le domaine de l’éducation, il y était devenu chef des nouvelles et chroniqueur, avant de se faire entendre sur les ondes de Radio-Canada. Dans les années 90, M. Cantin avait rejoint le Groupe Média TFO comme animateur et producteur délégué de l’émission d’affaires publiques, Panorama. 

« Adrien Cantin était un des grands personnages de l’Ontario français. Comme journaliste, il était un modèle. Il connaissait bien l’Ontario français, ses régions, ses gens, son histoire… Quand il était à Panorama, l’émission était un rendez-vous incontournable pour savoir ce qui se passait en Ontario français. On savait qu’on pouvait lui faire confiance », se souvient le directeur général de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Peter Hominuk, qui a connu M. Cantin en travaillant pour la chaîne provinciale à la fin des années 90.

Aujourd’hui coordonnateur et professeur au collège La Cité, Alexandre de Courville Nicol a travaillé avec M. Cantin sur l’émission d’affaires publiques Panorama. Il se souvient d’un homme passionné qui, par souci de rigueur, pouvait être dur avec ses journalistes, mais qui était extrêmement respecté.

« Pour moi, Adrien Cantin est le père de Panorama et des affaires publiques et de l’information en Ontario français. Il avait le rêve un peu utopique de faire de l’information par et pour les Franco-Ontariens quand tout le monde lui disait que personne ne s’intéresserait à ça. C’était un fonceur! J’ai un grand respect pour lui et je pense qu’il nous a malheureusement quittés en étant un peu attristé de voir ce que sont devenues les affaires publiques, aujourd’hui, à TFO. »

Passionné d’actualité, celui qui disait chercher à comprendre et à faire comprendre l’actualité et à en expliquer l’impact sur les Franco-Ontariens, a également travaillé sur des biographies de personnalités franco-ontariennes, comme celle de l’ancien député provincial Bernard Grandmaître. Dernièrement, il coordonnait le service de presse de l’Association de la presse francophone (APF).

Critiquer pour avancer

Personnage haut en couleurs, M. Cantin revendiquait de faire du journalisme engagé.

« Un journaliste qui travaille dans une communauté minoritaire et qui n’est pas engagé vis à vis de sa communauté est un traître à sa communauté », confiait-il à Gisèle Quenneville, dans un portrait qui lui avait été consacré dans l’émission Carte de Visite.

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« Adrien n’avait pas peur de lancer des débats et de dire ce qu’il pensait. Mais il le faisait toujours par amour pour la communauté franco-ontarienne. Il voulait faire avancer les dossiers. Avec le temps, il n’a pas changé » – Gisèle Quenneville

Jamais avare de commentaires, toujours prompt à engager des débats, les propos de M. Cantin ne faisaient pas toujours l’unanimité. Mais ils permettaient de faire avancer la communauté franco-ontarienne, pense le directeur général de l’AFO.

« Il aimait lancer des débats et sa très bonne connaissance de l’Ontario français lui permettait de le faire. Il avait ce don qui, je crois, profite toujours à une communauté. »

Mme Quenneville se souvient de sa première impression lorsqu’elle avait rencontré M. Cantin au milieu des années 90 pour un entretien d’embauche à Panorama.

« Je le connaissais de réputation. Il était impressionnant et paraissait un peu bourru de prime abord, mais quand on réussissait à l’avoir de son côté et à prouver sa valeur, il s’adoucissait. Nous avons fait une campagne électorale provinciale ensemble, couvert le grande rassemblement pour Montfort, c’était LE journaliste de l’Ontario français et pour moi, un patron et un mentor… Il avait une passion pour le Nord et son patelin de Hearst qu’il m’a fait découvrir. Il croyait en l’importance de former la relève journalistique franco-ontarienne car il pensait que c’était aux Franco-Ontariens de raconter leurs propres histoires. »

Preuve de son attachement à sa ville natale et à la francophonie ontarienne, M. Cantin avait aussi participé à la réalisation de la série télévisée Les Francos puis, au moment de quitter TFO, était devenu directeur général de l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO) provinciale, ancêtre de l’AFO.

Perte pour la communauté

Le président de l’organisme porte-parole des Franco-Ontariens, Carol Jolin, a d’ailleurs réagi à l’annonce du décès de M. Cantin, dans un communiqué publié le vendredi 24 mars.

« C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès d’Adrien Cantin. Véritable figure du journalisme, il s’est continuellement engagé pour donner une tribune à la communauté franco-ontarienne. Aujourd’hui, nous saluons un défenseur de la francophonie ontarienne qui nous rappelle l’importance d’avoir une communauté francophone dynamique, forte et unie. »

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La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Sylviane Lanthier, a également salué le parcours de M Cantin.

« Pendant des années, il a été un témoin et un participant des grands débats et des grandes luttes des francophones en Ontario et au pays. Ces événements, il les a racontés avec une plume parfois critique, souvent acérée, toujours éloquente et intègre. À la dernière rencontre du conseil d’administration de la FCFA à laquelle il a participé, en 2015, c’est Adrien Cantin qui a suggéré le slogan « Nous comptons » pour la campagne électorale fédérale qui s’amorçait. Jusqu’à la fin, il a fait une différence, il a compté. Il est particulièrement symbolique qu’Adrien Cantin nous ait quittés le 22 mars, jour anniversaire du 20e anniversaire du Grand rassemblement pour Montfort, jour de la solidarité franco-ontarienne. »

Si, selon Mme Quenneville, « la vie d’Adrien, c’était son travail », elle se souvient aussi d’une personne qui aimait rire, raconter des histoires et boire un bon verre de scotch.

« Je ne l’ai pas beaucoup connu en dehors du travail, mais je pense que c’était quelqu’un qui, derrière une forte carapace, avait un cœur très gros. »

M. Hominuk se souvient d’un homme passionné.

« Adrien Cantin était un bon vivant, une personne qui avait toujours le sourire, qui aimait la vie et voulait en profiter. C’était un passionné! »