Le gouvernement toujours évasif sur un rapport pour les langues officielles

La ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly. Archives ONFR+

OTTAWA – Le gouvernement libéral de Justin Trudeau reste évasif sur les suites à donner aux recommandations du comité permanent des langues officielles en matière d’immigration francophone et sur le futur plan d’action sur les langues officielles. Si l’opposition fustige la réponse des ministres Mélanie Joly et Ahmed Hussen, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada y voit des motifs d’espoir.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Le comité permanent des langues officielles avait soumis, en décembre, un rapport intitulé Vers un nouveau plan d’action pour les langues officielles et un nouvel élan pour l’immigration francophone en milieu minoritaire, qui traitait conjointement de l’immigration francophone et du futur plan d’action pour les langues officielles.

En matière d’immigration, le comité faisait plusieurs recommandations pour atteindre la cible de 4,4 % d’immigration francophone d’ici 2023.

Dans leur réponse, les ministres du Patrimoine canadien et de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, dans leur réponse collective, vantent les mesures déjà mises en place, comme le retour du programme Mobilité francophone ou les modifications récemment apportées au système Entrée express. Ils se disent également disposés à agir en collaboration avec les communautés, mais restent évasifs sur les mesures à prendre.

« Ce n’est pas ce que j’appelle une réponse! », fustige la porte-parole aux langues officielles pour le Parti conservateur du Canada (PCC), Sylvie Boucher. « Nous avions fait des recommandations claires qui exigeaient des réponses et ce que nous avons, ce sont seulement des vœux pieux, une proclamation de ce qui a été fait… Le gouvernement nous parle notamment de l’investissement dans CBC-Radio-Canada, j’avoue que ça me fait doucement sourire quand je vois que CBC diffuse une série dans laquelle il oublie le fait français et la déportation des Acadiens… »

Le député néo-démocrate porte-parole aux langues officielles, François Choquette se montre lui aussi déçu.

« Nous avions fait plusieurs recommandations, acceptées par tous les membres du comité, tous partis confondus, dont une très claire d’avoir une politique officielle d’immigration francophone avec des ressources humaines et financières adéquates pour bien faire le travail. Nous n’avons reçu aucune réponse de la part du gouvernement, alors que c’est fondamental si on veut augmenter l’immigration francophone à l’extérieur du Québec. Sans un tel outil, il n’y aucune direction, peu importe les mesures mises en œuvre. »

La présidente de la FCFA, Sylviane Lanthier, reconnaît la nécessité d’une politique.

« On continue de penser que pour avoir du succès en immigration francophone, des mesures prises individuellement ne sauraient suffire. Il faut une politique plus large et nous sommes prêts à en discuter avec le gouvernement. »

Signes encourageants

Mais l’organisme porte-parole des francophones en milieu minoritaire se dit toutefois encouragé à la lecture de la réponse gouvernementale.

« Le gouvernement est déterminé à améliorer la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLSOM) et reconnaît l’importance de mettre en œuvre des stratégies d’immigration pour accroître l’immigration francophone, promouvoir davantage les communautés francophones en situation minoritaire et améliorer les services d’établissement », indiquent les deux ministres.

« Il y a des choses intéressantes même si on attend encore du concret, comme on le dit souvent. Il y a des mots importants qui sont employés, notamment que l’immigration est une priorité. Le gouvernement semble aussi nous avoir entendus quand il dit, par exemple, vouloir travailler à combler les lacunes dans les services « par et pour » afin de créer une série de services d’établissement qui relient les nouveaux arrivants francophones aux communautés. »

Mais des questions demeurent, avoue la présidente de la FCFA, pour savoir comment cela se traduira sur le terrain. D’autant que même si le gouvernement reconnaît l’importance des organismes francophones dans le dossier de l’immigration, la mise à l’essai d’un nouveau service, Arrimages francophones, pour « faciliter la création de liens durables entre les immigrants francophones et la communauté francophone locale et régionale », évoquée dans la réponse de Mme Joly et de M. Hussen, semble avoir été pensée sans consulter l’organisme porte-parole des francophones à l’extérieur du Québec.

« On va vouloir en savoir plus pour voir si ça répond aux besoins. C’est sûr qu’idéalement, on devrait être consulté quand un nouveau programme est mis en place. »

La FCFA se dit également préoccupée par la question du coût des tests en français pour les candidats à l’immigration, pour laquelle le gouvernement semble n’avoir aucune stratégie, juge le député Choquette.

« Le gouvernement ne semble pas comprendre qu’il ne s’agit pas d’une question d’offre et de demande mais d’une obligation en vertu de la Loi sur les langues officielles, comme l’a rappelé la commissaire aux langues officielles. C’est inacceptable! »

Patience

Le député du Nouveau Parti démocratique (NPD) de Drummond se montre toutefois plus patient concernant la réponse encore plus évasive du gouvernement vis-à-vis du prochain plan d’action sur les langues officielles 2018-2023.

« On comprend que le gouvernement travaille sur ce plan. Je vais laisser sa chance au coureur, mais j’espère que le gouvernement va arriver avec quelque chose d’ambitieux. »

Dans le rapport, le comité avait également émis un total de seize recommandations pour élaborer ce qui remplacera la Feuille de route pour les langues officielles 2013-2018, aussi bien en matière de petite enfance que de santé et d’infrastructures communautaires.

La députée Boucher regrette que le gouvernement libéral n’ait pas tenu compte davantage du travail du comité.

« Nous travaillons très bien tous ensemble, dans un esprit non partisan. Le comité doit être écouté et je pense que quel que soit le parti au pouvoir ou le ministre en charge des langues officielles, il devrait prendre le temps de lire nos rapports. On ne peut se satisfaire d’une lettre du gouvernement vide de réponses. Ça ne devrait pas être aussi difficile en 2017 de considérer les deux langues officielles. »

Sollicités par #ONfr, le président du comité permanent des langues officielles, Denis Paradis et le député Darrell Samson n’ont pas été en mesure de répondre à nos demandes d’entrevue.