Le français avant l’anglais à Glendon

Le collège Glendon de l'Université York à Toronto. Gracieusté.

TORONTO – Dorénavant, les communications avec les étudiants au collège Glendon de l’Université York, à Toronto, se font d’abord en français. Ce changement d’importance s’inscrit dans un esprit de bilinguisme asymétrique, explique le principal Donald Ipperciel, qui célèbre sa première année à la tête de l’institution universitaire.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
Collaborateur spécial
@etiennefg

« Le concept de bilinguisme asymétrique part du constat selon lequel les deux langues officielles du Canada ne seront pas toujours à égalité en termes d’usage, de prestige et de bénéfices. En particulier en milieu minoritaire, une langue l’emportera forcément sur l’autre à différents égards. Dans le cas de Glendon et de Toronto, il est clair que l’anglais aura une plus grande attractivité », observe M. Ipperciel, qui s’est confié #ONfr.

Face à ce constat, un comité stratégique a proposé un plan très concret permettant de protéger et de mettre en valeur le fait français à Glendon. Le bilinguisme asymétrique est l’un des outils qui a été proposés, révèle M. Ipperciel. « Pour rétablir un certain équilibre, il importe donc d’assurer un soutien au français. En d’autres mots, le bilinguisme doit faire l’objet d’une application asymétrique afin d’assurer une meilleure symétrie des résultats », explique-t-il.

Il y a une transformation en profondeur des manières de faire sur le campus bilingue de l’Université York et des mesures très concrètes sont en train d’être mises en place. Les employés qui offrent des services aux étudiants sont maintenant invités à s’adresser d’abord en français aux membres de la communauté estudiantine. Aussi, les courriels envoyés aux étudiants ne commencent plus en anglais. Selon M. Ipperciel, la consigne est maintenant de mettre la version française en haut du message.

« Il s’agit de donner préséance au français dans les communications bilingues, à l’oral comme à l’écrit. Les membres du personnel s’efforceront donc de s’adresser aux étudiants d’abord en français, bien qu’ils puissent passer à l’anglais par la suite. Toutes les réunions devraient débuter en français, on pourra aussi dans certains cas assurer un plus grand espace visuel au français et ainsi de suite », fait savoir le principal.

Il demeure qu’un nouvel étudiant anglophone qui apprivoise l’environnement de Glendon peut avoir des problèmes à bien saisir les nuances de la langue de Molière, admet M. Ipperciel. « Si un étudiant n’est pas à l’aise, on peut toujours passer à l’anglais », ajoute-t-il du même souffle.

 

Pas de façon autoritaire

La nouvelle politique qui met le français à l’avant-plan est bien reçue par la communauté estudiantine et universitaire, assure M. Ipperciel. « Il ne s’agit pas non plus de policer une situation de façon autoritaire », ajoute-t-il. Les étudiants anglophones ou allophones y voient leur intérêt, dans la mesure où ceux-ci sont venus à Glendon précisément pour améliorer leur français, selon le principal. « Cette politique leur donne un petit coup de pouce dans une direction qu’ils ont déjà choisi pour eux-mêmes. Et si les inhibitions et l’insécurité linguistique s’installent, ils peuvent toujours revenir à l’anglais ».

Donald Ipperciel est né à Toronto et il peut comparer mieux que quiconque l’évolution de la place du français dans sa ville. Il est revenu l’an dernier dans la métropole après un séjour de plusieurs années au Campus Saint-Jean (CSJ) de l’Université d’Alberta où il a assumé différentes fonctions de direction et d’enseignement.

« Quand je suis arrivé ici de l’Alberta, ce qui m’a frappé c’est que le français à Toronto n’est pas marginal. Ça m’a fait tellement de bien. Sur la rue principale à Edmonton, je n’entendais pas le français. Ici sur la rue Yonge, ça arrive tout le temps », se réjouit M. Ipperciel. Toronto est aussi bien plus accueillante qu’auparavant face à la langue française, confie-t-il à #ONfr. « Quand j’étais jeune, j’étais gêné de parler en français. Maintenant, il n’y a rien de gênant, au contraire c’est une fierté. Les gens nous disent ici qu’ils rêvent de parler français. C’est rafraîchissant », observe-t-il.

Le Franco-Torontois compte poursuivre le travail amorcé pour promouvoir le français sur le campus bilingue. « Le meilleur est encore à venir », selon M. Ipperciel. À la rentrée, la politique développée par le comité stratégique doit être entérinée par le Conseil de la faculté de Glendon. D’autres initiatives doivent alors être adoptées pour consolider la dimension francophone du bilinguisme de Glendon.