Le commissaire à l’environnement « très inquiété » par un insecticide

«Les abeilles sont de bonnes indicatrices de ce qui est en train de se produire (avec les néonicotinoïdes) mais, vraiment, elles ne sont que le canari dans la mine», a déclaré Gord Miller, commissaire à l'environnement de l'Ontario, lors du dépôt de son rapport annuel, le 7 octobre.

TORONTO – L’Ontario doit étudier sans plus tarder tous les impacts des néonicotinoïdes, une classe hyperpuissante d’insecticides qui aurait déjà décimé des colonies complètes d’abeilles, exhorte le commissaire à l’environnement de la province.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Gord Miller fait pression sur Queen’s Park pour « instaurer une surveillance environnementale » qui pourrait déterminer « la prévalence et les effets des néonicotinoïdes dans le sol, les cours d’eau et les plantes sauvages ».

« Les abeilles sont de bonnes indicatrices de ce qui est en train de se produire (avec les néonicotinoïdes) mais, vraiment, elles ne sont que le canari dans la mine. Clairement, les impacts sont bien plus grands », a déclaré M. Miller lors du dépôt de son plus récent rapport annuel, le mardi 7 octobre.

Le commissaire s’est dit « très inquiété » par les néonicotinoïdes.

« Nous savons que les effets des néonicotinoïdes se font sentir dans tout notre écosystème. Mais nous ne savons pas, au juste, avec quelle ampleur. C’est pour cette raison que l’Ontario doit surveiller les sols, les cours d’eau et les plantes sauvages pour avoir la pleine mesure de la situation », a insisté M. Miller, en point de presse.

« Pire que le DDT »

Les néonicotinoïdes ont connu une croissance fulgurante depuis leur apparition, il y a une quinzaine d’années. Si bien que ces insecticides – employés surtout sur le maïs, le canola et le soya – représentent maintenant plus du quart du marché mondial. Une très petite quantité suffit pour décimer toute une colonie d’insectes pollinisateurs, comme les abeilles à miel.

« C’est un enjeu qui me préoccupe au plus haut point », a réagi Glen Murray, ministre de l’Environnement, le 7 octobre. « Les néonicotinoïdes sont bien plus toxiques que le DDT. Leurs effets sur l’environnement sont persistants ».

M. Murray affirme que son gouvernement libéral a déjà amorcé un dialogue avec les agriculteurs et les apiculteurs de la province « pour trouver une solution » de rechange à l’utilisation de néonicotinoïdes, sans pour autant compromettre les récoltes de graminées.

Trop tard pour l’an prochain

Il serait toutefois trop tard pour stopper l’utilisation de néonicotinoïdes pour la prochaine récolte, puisque la plupart des agriculteurs auraient déjà ensemencé et arrosé leurs champs de pesticides.

« Les néonicotinoïdes doivent être interdits. Ils affectent tout notre écosystème. Un épi de maïs (traité avec ce type d’insecticides) suffit pour tuer une ruche toute entière », a imploré David Schuit, un apiculteur du comté de Grey qui s’est déplacé à Queen’s Park pour assister au dépôt du rapport du commissaire à l’environnement. « Depuis 2012, nous avons perdu plus de 100 millions d’abeilles. Ça ne peut plus durer », a-t-il ajouté, au bord des larmes.

Parc Algonquin

Gord Miller recommande aussi, dans son rapport annuel, de bannir progressivement l’exploitation forestière dans le parc provincial Algonquin. Il y a suffisamment d’espaces forestiers à défricher à l’extérieur de cette zone, dixit le chien de garde de l’environnement.

Près des deux tiers de ce véritable poumon de l’Ontario sont toujours ouverts à l’abattage commercial, ce qui, selon M. Miller, disqualifie le parc de son titre de zone protégée en vertu des normes internationales. « Ça devient gênant », a-t-il déclaré.

La province n’a pris aucun engagement clair à ce sujet.