« L’avenir du français hors Québec dépend du gouvernement du Canada »

Crédit photo: Archives #ONfr

OTTAWA – Le comité permanent des langues officielles a achevé, le mardi 21 février, ses auditions concernant la demande des communautés de langues officielles en situation minoritaire de revoir le recensement en 2021. Objectif : un véritable plaidoyer collectif pour que soient mieux comptés les ayants droit.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Pour cette dernière ronde, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, le commissaire aux services en français de l’Ontario, François Boileau, et les avocats Mark Power et Marc-André Roy, qui intervenaient à titre personnel, se sont concentrés à montrer l’importance de ce dossier.

Selon eux, en ne comptant pas tous les ayants droit correctement, Statistique Canada fournit des données partielles aux provinces qui empêchent une bonne planification des besoins en infrastructure scolaire de langue française à travers le pays, tant au niveau qualitatif que quantitatif, ce qui nuit à la vitalité des communautés.

L’argument a déjà été présenté à plusieurs reprises devant le comité. Mais les témoins ont cette fois également voulu minimiser les défis potentiels, tels que soulevés par le directeur adjoint, Division de la statistique sociale et autochtone, Jean-Pierre Corbeil.

« On nous dit notamment que de modifier le recensement va coûter plus d’argent mais j’ai un doute puisque le gouvernement du Canada mène déjà un recensement et qu’on ne parle que d’y ajouter des questions. On parle en ce moment beaucoup de fédéralisme coopératif, or la province de la Colombie-Britannique, elle-même, demande au gouvernement fédéral de revoir le recensement pour mieux compter les ayants droit », a lancé Me Power.

L’avocat, qui est notamment intervenu dans la cause opposant le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSF) et la Fédération des parents francophones de la Colombie-Britannique (FPFCB) à leur province, s’était déjà fendu d’une lettre d’opinion parue dans le journal Le Devoir pour défendre une modification du recensement.

« Nous faisons beaucoup de travail en droit à l’éducation, pour les conseils scolaires de langue française hors Québec qui utilisent les données recueillies par le recensement de Statistique Canada. Nous sommes témoins sur le terrain de leur grande frustration et des limites que cela impose. »

La présidente de la FCFA, Sylviane Lanthier, conteste pour sa part l’idée qu’il serait difficile d’ajouter des questions à l’actuel recensement, ce dont doute aussi le commissaire Boileau.

« On a vu l’an dernier lors du recensement à quel point les Canadiens se sont précipités pour remplir le questionnaire », a-t-il rappelé. « Je serais très curieux de savoir ce qu’il leur en coûterait en termes de temps et d’intérêt de remplir deux ou trois questions complémentaires? »

Pour Me Roy, il s’agit plutôt d’une opportunité de mieux connaître la population canadienne.

« M. Corbeil nous dit qu’il y a déjà trop de questions sur les langues officielles dans le recensement, mais je pense que comme pays, on devrait être fier de bien connaître nos populations. »

Priorité

La FCFA fait de cet enjeu une priorité. L’organisme porte-parole des francophones à l’extérieur du Québec prévoit notamment de rencontrer M. Corbeil, en mars, pour évoquer cette question.

La directrice générale par intérim, Diane Côté, rappelle que cette question n’est pas nouvelle pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

« L’ajout de ces questions avait été demandé par la FCFA au début des années 90 et ce, jusqu’au recensement de 2001 où nous avons reçu une fin de non-recevoir de la part de Statistique Canada. Aujourd’hui, nous ravivons la demande. »

Contestation devant la cour?

En entrevue à #ONfr, Me Power reconnait qu’en cas de refus du gouvernement fédéral, il serait possible de porter la cause devant les tribunaux, que ce soit en vertu de la Loi sur les langues officielles ou de la Charte canadienne des droits et libertés. L’organisme ou l’individu qui déciderait de porter cette cause devant les tribunaux pourrait même bénéficier du nouveau Programme de contestation judiciaire, d’autant que ses critères ont été élargis.

« C’est quelque chose de possible mais est-ce que c’est la chose à faire? Statistique Canada ne s’est pas opposé à cette proposition et il vaut mieux attendre de voir où nous mènera le processus actuel », tempère Me Power.

Le rapport du comité permanent des langues officielles devrait être publié très prochainement et remis au ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, Navdeep Bains, responsable de Statistique Canada, mais aussi, probablement, à la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly.

« L’avenir du français hors Québec dépend du gouvernement du Canada! On a besoin de votre aide. Ça n’a aucun sens que le gouvernement du Canada soit responsable de notre incapacité de bien gérer notre avenir en matière d’infrastructures. Ce n’est pas acceptable et c’est illégal! », lance Me Power.