Langues officielles : un comité recommande d’augmenter les fonds

Le parlement du Canada, à Ottawa. Archives ONFR+

OTTAWA – Le comité permanent des langues officielles a rendu public, le mercredi 14 décembre, son étude sur la Feuille de route pour les langues officielles 2013-2018 et sur l’immigration francophone dans lequel il recommande, notamment, une bonification de l’enveloppe de financement réclamée depuis des années par les communautés francophones en situation minoritaire.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« Le comité a fait un excellent travail et la direction qu’il propose est très intéressante. Ce rapport correspond bien à notre analyse et aux messages que nous avons entendus des organismes et intervenants durant les consultations pour les langues officielles. Cela donne une légitimité et une cohérence à nos propos », se réjouit la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Sylviane Lanthier, tout comme plusieurs organismes francophones en contexte minoritaire.

Le rapport Vers un nouveau plan d’action pour les langues officielles et un nouvel élan pour l’immigration francophone en milieu minoritaire analyse la précédente Feuille de route 2013-2018 et propose seize recommandations pour celle 2018-2023, tant dans le domaine de l’immigration et de la petite enfance que de la santé et des infrastructures communautaires.

Parmi celles-ci, le comité suggère donc de bonifier l’appui financier consenti aux organismes des communautés qui n’a pas augmenté depuis de nombreuses années et leur a fait subir les affres de l’inflation. Les élus souhaitent également qu’une partie du financement pour les infrastructures culturelles et communautaires soit attribuée aux communautés de langue officielle en situation minoritaire  et que des sommes soient consacrées au développement et aux services en matière de petite enfance.

Autre recommandation, là encore réclamée par les communautés, la création d’un organisme central au sein du Bureau du conseil privé pour coordonner les actions de chaque ministère en matière de langues officielles et qui serait chargé de développer des mécanismes de reddition de comptes valables pour l’ensemble de l’appareil fédéral.

« Si le gouvernement ne reprenait ne serait-ce que cette recommandation, ce serait déjà un immense progrès! », juge le président du comité, le député libéral Denis Paradis.

La Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF) a également été entendue puisque le rapport recommande notamment la mise en place d’un Protocole distinct en matière d’éducation dans la langue de la minorité.

L’enthousiasme n’est cependant pas unanime du côté des organismes francophones. La Société Santé en français indique qu’elle aurait aimé voir dans ce rapport un engagement plus ferme du comité en ce qui concerne l’accès à des services de santé sécuritaires et de qualité en français.

« Les besoins de santé auxquels font face les communautés francophones dépassent de loin les constats qu’on trouve dans le rapport. Plusieurs populations vulnérables ont encore un accès difficile ou inexistant aux services de santé en français, comme les personnes aînées, la petite enfance, ou les personnes vivant avec des troubles de santé mentale. Trop de gens doivent encore subir les conséquences des barrières linguistiques en santé, qui mènent souvent à des erreurs de diagnostics et de médication, et mettent à risque les personnes », indique l’organisme dans un communiqué.

Une politique pour l’immigration francophone

Afin de permettre au gouvernement d’atteindre son objectif de 4 % d’immigration économique francophone à l’extérieur du Québec d’ici 2018, le comité recommande aussi la mise en place d’une politique officielle d’immigration pour accroître le poids démographique des communautés linguistiques en milieu minoritaire.

« Le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté est très compartimenté et cela permettrait d’avoir un réel impact », pense Mme Lanthier.

La FCFA s’appuie sur la partie consacrée à l’immigration pour résumer les bienfaits du rapport.

« Dans la partie du rapport consacrée à l’immigration francophone, le comité écrit qu’il faut reconstruire la capacité des communautés francophones en situation minoritaire. Pour nous, cette affirmation est en quelque sorte la grande thématique du rapport; qu’il s’agisse de nos organismes, des infrastructures ou de l’offre de services par et pour les communautés, ce sont là des enjeux prioritaires pour le prochain plan d’action. »

Unanimité… relative

Les recommandations contenues dans le rapport font l’unanimité au sein du comité, comme le rappelle la porte-parole aux langues officielles du Parti conservateur du Canada (PCC), Sylvie Boucher.

« Nous avons travaillé très forts, dans un esprit de collaboration, maintenant c’est au gouvernement d’agir, il faut que les belles paroles soient suivies de gestes! »

Mme Boucher juge que la précédente Feuille de route a obtenu des succès, notamment en matière de santé, mais reconnaît qu’il reste encore à faire.

Son homologue néo-démocrate est lui aussi d’accord pour dire que le rapport va dans la bonne direction, mais pour éviter qu’il ne lui arrive le même sort que le rapport sur le Bureau de la traduction, François Choquette a décidé d’y ajouter un rapport complémentaire dans lequel il enjoint la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, à faire preuve de leadership.

« Mme Joly ne joue pas pleinement son rôle de coordination en matière de langues officielles. Où était-elle quand on s’est aperçu des nombreuses fautes en français sur le site internet de Parcs Canada ou dans le dossier du Bureau de la traduction? »

Le critique néo-démocrate aux langues officielles lui demande de faire appliquer les recommandations du rapport et insiste également pour que le gouvernement n’attende pas la prochaine Feuille de route pour indexer les fonds versés aux organismes des communautés de langue officielle en situation minoritaire dès le prochain budget. Il dit également regretter que le comité ait subi des pressions pour achever son étude rapidement, sans avoir le temps d’approfondir la question de l’accès à la justice et les demandes des représentants de la jeunesse.

La balle est désormais dans le camp du gouvernement.